La Figure de proue/De retour

Eugène Fasquelle (p. 238-239).

De retour

Sur les quais de Rouen dont la masse s’allège
De mâts, de flèches d’or et de peupliers droits,
        Dans l’odeur du bois de Norvège
        Marchant sur nos pas d’autrefois,

Nous regardions avec des prunelles changées,
Car nous avions humé d’autres parfums plus forts,
        Frôlé d’autres coques chargées
        Et le désordre d’autres ports.

Nous sentions vivre en nous cette philosophie
De revenir plus gaie avec des yeux meilleurs
        Du fond de la géographie
        Et des voyages vers ailleurs.


Comprendra-t-on jamais la mémoire qui hante
L’être qui, lourd encor des roulements du flot,
        Va d’une marche titubante
        Avec un cœur de matelot ?

Ainsi, l’esprit rêvant de choses nostalgiques
Et plein des souvenirs du loin comme d’un lest,
        Nous allions sous les cieux obliques
        Du nuageux mois d’août de l’Ouest.

Et, revenue au port, loin du large où l’on tangue.
Heureuse, nous riions de nous sentir chez nous
        Et de parler la rude langue
        Sarrasine au pays des roux.