Eugène Fasquelle (p. 240-241).

Traces

Je sens en moi mon cœur diversement racé
Pour s’être laissé prendre entre tant de liens.
Et cependant, du fond des voyages, je viens
Rôder ce soir autour de mon premier passé.

Ce sont quelques maisons anciennes normandes
Où je remets, avec si triste persistance,
Mes pas trop grands dans ceux de la petite enfance…
Ô moi-même, à la fin, qu’est-ce que tu demandes ?

Pourquoi dans tes jardins jaunis, rouges de baies,
La rose froide et septembrale que tu cueilles
Ne suffit-elle point, ouverte entre ses feuilles,
À te redonner tout de tes premières haies ?


Si tes demeures sont ainsi toujours pareilles,
Comment l’enfance à tout jamais est-elle morte,
Telle qu’une fillette aux yeux trop grands, qu’emporte
Le mal d’un frêle cœur secret, gros de merveilles ?

Me dira-t-on pourquoi mes regards éblouis
Sont ouverts sur un souvenir jamais lassé ?
Rien ne reviendra-t-il à moi de ce passé ?
— Ô mon pays, hélas ! j’ai le mal du pays…