Amyot (p. 304-317).
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XXI

LA TAPADA.

Le caractère américain est composé de contrastes : une des plus singulières bizarreries de ce caractère est la loyauté et la ponctualité avec lesquelles les dettes de jeu sont payées. L’homme qui, sans remords, en assassinerait un autre pour lui voler deux réaux, ne manquera pas, si forte que sera la dette de jeu qu’il aura contractée envers lui, de le solder dans les vingt-quatre heures.

Le lendemain, en se réveillant, don Luis trouva sur la table de sa chambre plusieurs sacs de toile remplis d’onces ; ils contenaient les quatorze mille piastres perdus la nuit précédente par le général, et que celui-ci avait envoyées au lever du soleil.

Luis fut contrarié de cette ponctualité, à laquelle, dans son ignorance des mœurs mexicaines, il était loin de s’attendre ; elle lui parut de mauvais augure.

Il s’habilla ; après avoir déjeuné il laissa don Cornelio occupé à compter son gain de la veille, et s’enveloppant dans son manteau, il sortit dans l’intention de visiter la ville.

Comme il lui fallait dans sa promenade passer devant le palais, il profita de cette circonstance pour remettre sa carte à un criado du général, ne voulant pas, après la conversation qu’il avait eue avec lui, avoir l’air de trop se presser de le revoir, et se réservant de lui faire en personne une visite le lendemain.

Le comte resta plusieurs heures à parcourir la ville, visitant les églises, dont deux ou trois sont assez belles, et fumant quelques cigarettes sur l’Alameda, charmante promenade garnie d’arbres touffus, où chaque soir le beau sexe du Pitic vient respirer le frais.

Enfin le comte regagna sa maison, s’enferma dans sa chambre et s’occupa de sa correspondance jusqu’à une heure assez avancée de la nuit.

Le lendemain, ainsi qu’il l’avait résolu, il se dirigea vers le palais.

Il était fermé.

Le général, appelé par une affaire importante, était parti la veille à quatre heures du soir, à cheval, n’emmenant avec lui qu’une faible escorte de lanciers. Mais, ajouta l’homme qui donnait au comte ces renseignements, l’absence de Son Excellence le général ne peut être longue ; il est probable qu’avant quatre ou cinq jours il sera de retour.

Le comte, quoi qu’il fît, ne put rien obtenir de plus positif.

Les Mexicains, si bavards et si hâbleurs d’ordinaire, deviennent, lorsque leur intérêt l’exige, muets comme des poissons, alors il est impossible, par or ni par promesses, de leur faire sortir une seule syllabe de la bouche.

Don Luis se retira fort contrarié de ce contre-temps, qui lui parut préparé exprès ; cependant, afin d’éclaircir ses soupçons, et ne voulant pas, dans une circonstance aussi grave, agir légèrement et commettre d’imprudence, bien que le procédé du général à son égard lui semblât peu convenable et un peu trop sans façon, il résolut d’attendre quelques jours, afin de bien mettre la raison de son côté, en constatant que le départ de don Sebastian avait été prémédité dans le but d’éviter toute explication ultérieure avec lui.

Chaque jour le comte envoyait un de ses hommes au palais s’informer si le général était de retour ; la réponse était toujours la même ; le général était absent, mais il était évident qu’il ne tarderait pas à revenir, on l’attendait d’un moment à l’autre.

Huit jours se passèrent ainsi. Un autre sujet d’inquiétude vint encore augmenter les ennuis du comte, et l’impatience qui commençait à s’emparer de lui.

En quittant Guaymas, il avait donné l’ordre à l’officier auquel il avait confié le commandement provisoire de la compagnie, de se mettre en route pour le venir joindre au bout de quatre jours.

La Compagnie devait être, non-seulement en route depuis quatre jours, mais encore elle aurait dû être arrivée au Pitic, puisque quinze lieues seulement séparent les deux villes, c’est à dire une étape ordinaire, distance qu’une troupe armée, marchant au pas de route, peut facilement franchir entre deux soleils ; pourtant, depuis son départ du port, le comte n’avait reçu aucune nouvelle, aucune réponse à ses lettres, et la compagnie ne paraissait pas.

Que s’était-il passé depuis son départ de Guaymas ?

Quelles nouvelles entraves avait-on encore mises aux mouvements de la compagnie ?

D’où provenait ce retard incompréhensible de quatre jours ?

Pourquoi l’officier qu’il avait laissé à sa place, ne l’avait-il pas informé de ce qui était arrivé ?

Ses courriers auraient-ils été interceptés sur la route ?

Pourquoi Valentin ou Curumilla, ces deux hommes résolus et dévoués, pour lesquels les obstacles les plus grands n’existaient pas, n’étaient-ils point venus l’avertir ?

Ces suppositions, et bien d’autres encore qui se présentaient en foule à l’esprit bourrelé du comte, le mettaient dans un état de surexcitation morale impossible à décrire ; il ne savait à quoi se résoudre, quel moyen employer pour acquérir une certitude cent fois préférable au doute qui le rongeait.

Enfin il résolut d’expédier à franc étrier, à Guaymas, don Cornelio, à qui il croyait pouvoir se fier. Don Cornelio était absent, on le chercha sans pouvoir le trouver.

Ce nouveau contre-temps mit au comble l’impatience fébrile du comte ; il monta à cheval et partit dans l’intention d’explorer les environs de la ville, dans l’espoir secret de découvrir quelques traces de ses compagnons, ou du moins d’apprendre de leurs nouvelles.

Pendant les quatre heures qu’il galopa dans toutes les directions, il ne vit rien, il n’apprit rien ; il tourna bride en proie à une grande tristesse et à un profond découragement.

En approchant de sa maison, le bruit d’une jarana arriva jusqu’à lui ; il pressa le pas de son cheval.

Don Cornelio, assis nonchalamment sur un équipal (tabouret), sous le saguan (vestibule) de la maison, râclait sa guitare en chantant, selon sa coutume, son inévitable romance du roi Rodrigue.

En apercevant don Luis, l’Espagnol jeta son instrument loin de lui et se leva vivement en poussant un cri de joie.

— Enfin ! s’écria-t-il.

— Comment, enfin ? répondit le comte, je trouve l’exclamation curieuse, quand je vous cherche depuis ce matin sans pouvoir vous mettre la main dessus.

L’Espagnol sourit mystérieusement.

— Je le sais, dit-il, mais l’endroit n’est pas propice pour causer. Don Luis, voulez-vous me permettre de vous accompagner dans votre cuarto ?

— Avec le plus grand plaisir ; d’autant plus que moi aussi j’ai à vous parler.

— Alors, cela se trouve à merveille.

Arrivé dans la chambre, don Luis se tourna vers son compagnon.

— Eh bien ! lui demanda-t-il, qu’avez-vous à me dire ?

— Voilà ; ce matin, selon mon habitude de chaque jour, je me promenais, après déjeuner, en fumant un papelito, lorsqu’au coin de la calle de la Merced et de la calle San-Francisco, je me sentis légèrement toucher le bras ; je me retournai vivement ; une femme charmante, on du moins je le suppose, car il m’a été impossible de distinguer ses traits, tant elle était cachée avec soin dans les plis de son rebozo, me faisait signe de la suivre. Qu’auriez-vous fait à ma place, don Luiz ?

— Je l’ignore, mon ami ; mais je vous en prie, soyez bref, je suis pressé.

— Hum ! moi, je la suivis ! Vous savez que j’ai une idée sur les femmes mexicaines, et que je suis convaincu qu’un jour ou l’autre…

— Au nom du ciel ! mon ami, venez au fait, interrompit don Luis en frappant du pied avec impatience.

— J’y arrive : je la suivis donc ; elle entra dans l’église de la Merced, j’y entrai après elle ; l’église était déserte en ce moment, ce qui me fit un sensible plaisir, parce qu’alors, vous comprenez, on peut causer à son aise… Ne vous impatientez pas, m’y voici : lorsque je fus arrivé dans un angle assez obscur, la jeune et charmante femme, car je maintiens qu’elle est jeune et surtout qu’elle est charmante, se retourna si subitement, que je faillis lui marcher sur les pieds tant j’étais près d’elle. — N’êtes-vous pas don Cornelio Mendoza ? me demanda-t-elle. — Oui, répondis-je. — En ce cas, dit-elle, vous êtes ami du comte. Je devinai de suite que c’était de vous que mon inconnue voulait parler. — Je suis son intime ami, repris-je. — C’est bien, fit-elle en tirant de son corsage une petite lettre qu’elle plaça dans ma main ; remettez-lui ce billet le plus tôt possible ; il s’agit de choses excessivement graves. Je saisis le papier sur lequel je jetai machinalement les yeux ; lorsque je les relevai, l’inconnue avait disparu, fui comme un sylphe sans laisser de traces ; il me fut impossible de la rejoindre, cette diable d’église était si obscure.

— Eh bien ! et ce papier, où est-il, demanda don Luis.

— Le voici ! Oh ! je ne l’ai pas perdu, il m’a été trop chaudement recommandé.

Le comte le prit, et sans le regarder, le jeta sur sa table ; depuis son arrivée au Pitic, il en recevait chaque jour une vingtaine sans avoir voulu une fois répondre à un seul ; il ne les lisait même plus, tant il était convaincu qu’ils contenaient tous la même chose.

— Et maintenant, dit-il, vous avez fini, n’est-ce pas ?

— Oui.

— Alors écoutez-moi à votre tour, reprit-il en lui donnant la lettre que, pendant son absence il avait préparée pour le chasseur : vous allez à l’instant monter à cheval, partir pour Guaymas, remettre cette lettre à don Valentin, et m’apporter la réponse. Est-ce dit ?

— Certes.

— Je puis me fier à votre diligence ?

— Je pars.

Et il sortit ; dix minutes plus tard, don Luis entendit résonner sur le calloutis du vestibule le galop précipité de son cheval.

— Demain, à cette heure, je saurai enfin à quoi m’en tenir, murmura don Luis.

Il se jeta sur une butacca, et appuyant les coudes sur la table, il cacha sa tête dans ses mains et se plongea dans de profondes réflexions.

Dans cette position, ses yeux se fixèrent malgré lui sur le billet que lui avait remis don Cornelio et qui se trouvait juste devant lui.

Un sourire pâle glissa sur ses lèvres.

— Pauvres folles ! murmura-t-il, qui ne rêvent qu’au plaisir et à l’amour, pour lesquelles la vie n’est qu’une longue fête ; qu’ai-je besoin de vos protestations menteuses, auxquelles je ne saurais répondre ; l’amour, pour moi, n’existe plus désormais. Comme toutes celles qui l’ont précédée, celle-ci, sans doute, me jure un amour éternel, qu’elle oubliera demain. À quoi bon m’occuper de pareilles niaiseries ? mon cœur est mort à la joie, bien mort, hélas !

Et il repoussa le papier.

La nuit tombait rapidement, le comte enflamma une allumette chimique, afin d’obtenir de la lumière ; mais, ainsi que cela arrive souvent aux gens préoccupés, lorsqu’il voulut communiquer la flamme de l’allumette au candil, il s’aperçut que déjà l’allumette à demi consumée, allait lui brûler les doigts. Alors, machinalement, il prit le billet qu’il avait repoussé, le replia et se prépara à le tordre ; mais tout à coup il s’arrêta, jeta sur le parquet l’allumette, qui s’éteignit aussitôt, en enflamma une autre, et lut ce billet, si dédaigné un instant auparavant.

Voici ce qu’il contenait :

« Une personne qui s’intéresse au comte don Luis, le prie, dans son intérêt, de se trouver ce soir, à dix heures, à l’Alameda, dans la première allée à gauche. Une personne assise sur le troisième banc lui dira : « Guaymas » ; il répondra : « Atrevida », et la suivra à distance, sans lui adresser d’autres questions, dans l’endroit où elle a mission de le conduire, et où le comte apprendra des choses que, pour son salut et celui de ses compagnons, il lui importe de connaître. »

Cette étrange missive n’était pas signée.

— Qu’est-ce que cela veut dire ? murmura le comte ; est-ce une mystification ? Dans quel but ? Est-ce un piége que l’on me tend, un guet-apens dans lequel on veut me faire tomber ? Vive Dieu ! je le saurai. Quelle heure est-il ?… neuf heures ; j’ai encore une heure devant moi. Si c’est un assassinat que médite mon mystérieux correspondant, il trouvera à qui parler. Qui sait ? peut-être est-ce réellement un bon avis que me veut donner un ami inconnu ; je le verrai bien !

Tout en disant cela, le comte avait quitté ses habits pour en endosser d’autres de couleur sombre ; il boucla son ceinturon, à l’anneau de fer duquel, selon la coutume mexicaine, il passa un macheto sans fourreau, il attacha deux excellents revolvers à six coups à sa ceinture, s’enveloppa, avec soin dans les plis d’un large manteau, rabaissa sur ses yeux les ailes de son large chapeau de poil de vigogne, et se disposa à sortir.

— Pardieu ! dit-il en franchissant la porte de sa maison, armé comme je le suis, je crois que les bandits qui m’attaqueraient pourraient en être pour leur courte honte.

Au moment où le comte mettait le pied dans la rue, le quart moins de dix heures sonnait à l’horloge du cabildo.

— J’ai juste le temps, dit-il.

Et il se mit à marcher rapidement.

La nuit était sombre, les rues désertes.

Ainsi que le comte l’avait prévu, il arriva à l’Alameda, juste comme dix heures sonnaient.

— Voyons, fit-il.

Il s’avança alors d’un pas assuré, mais regardant attentivement autour de lui, et la main sur ses armes, de crainte de surprise.

Se conformant aux instructions de la lettre, il se dirigea vers l’allée qui lui avait été désignée ; bientôt il distingua une forme noire qu’il reconnut être une femme assise sur un banc ; le comte eut alors honte de ses soupçons, il abandonna la poignée de ses armes, et, par réflexion, il fut sur le point de retourner sur ses pas, supposant que ce rendez-vous n’était pas aussi sérieux qu’il l’avait cru d’abord. Cependant, après une minute d’hésitation, il se résolut à pousser l’affaire jusqu’au bout et marcha vers l’inconnue, toujours impassible.

À l’instant où il allait la dépasser, elle toussa légèrement ; le comte se retourna.

Guaymas ! dit-elle à demi-voix.

Atrevida ! répondit-il sur le même ton.

— Venez.

— Marchez.

L’inconnue se leva et sans se retourner une seule fois, d’un pas ferme et accéléré, elle franchit l’Alameda dans toute sa longueur, prit une petite rue habitée par les leperos et la population pauvre de la ville ; arrivée devant une maison d’apparence assez misérable, elle s’arrêta, ouvrit la porte avec une clé qu’elle tenait à la main et entra en ayant soin de laisser la porte ouverte derrière elle.

Le comte arriva un instant après et entra sans hésiter. Il se trouva dans d’épaisses ténèbres, et entendit avec un serrement de cœur la porte se fermer derrière lui.

— Il est évident que je suis dans un guêpier, pensa-t-il.

— Ne craignez rien, dit tout à coup une voix douce et mélodieuse presqu’à son oreille, vous n’avez rien à redouter, ces précautions ne sont pas prises contre vous.

L’accent affectueux et triste de cette voix rassura complétement le comte.

— Je ne crains rien, dit-il ; si j’avais eu peur d’une embûche, serais-je venu ?

— Écoutez, les moments sont précieux, je ne puis disposer que de quelques instants à peine.

— J’écoute.

— Vous avec des ennemis puissans, un surtout a juré votre perte. Prenez garde ! vous n’avez pas voulu servir ses projets et vous faire un agent de désordre, afin de l’aider à atteindre le but qu’il ambitionne, cet homme a résolu votre mort.

— Je méprise les menaces de cet homme, je le connais.

— Peut-être, je ne nomme personne ; du reste, il n’est pas seul contre vous ; si vous voulez déjouer les projets de vos ennemis, agissez avec vigueur, surtout soyez prudent, la trahison est partout au Mexique, on la respire dans l’air, ne vous confiez qu’à des hommes longtemps éprouvés ; vous avez des traîtres jusque parmi ceux qui vous approchent le plus près.

— Mais que veulent mes ennemis ?

— Vous perdre, vous dis-je, parce que vous avez refusé de vous faire leur complice.

— Oh ! je me vengerai.

— Prenez garde ! surtout ne restez pas plus longtemps ici, vos ennemis agissent dans l’ombre d’autant plus sûrement qu’ils vous savent éloigné. Rejoignez vos compagnons.

— C’est ce que je ferai cette nuit même.

— Oui ; mettez-vous tout de suite en route pour les mines ; si vous pouvez les atteindre avant que vos ennemis soient complétement en mesure de lever le masque, vous êtes sauvé.

— Merci de ce conseil, je le suivrai.

— Maintenant, adieu.

— Adieu ? fit le comte avec un accent de regret.

— Nous ne devons pas nous rencontrer.

— Comment ! après le service signalé que vous me rendez en ce moment…

— Il le faut, tout nous sépare.

— Dites-moi un mot seulement.

— Lequel ?

— D’où provient l’intérêt que vous daignez me témoigner.

— Connaît-on jamais le mobile des actions des femmes ?

— Oh ! vous me raillez, señora, c’est mal.

L’inconnue soupira.

— Non, don Luis, reprit-elle, je ne vous raille pas. Qu’avez-vous besoin de me connaître ? Qu’il vous suffise de savoir que je veille sur vous ; n’en cherchez pas le motif.

— C’est, au contraire, ce motif que je désire savoir.

— Si je vous disais que je vous aime, me croiriez-vous, don Luis ? répondit-elle avec tristesse.

— Oh ! fit-il avec émotion, je vous plaindrais, madame, de vous attacher à un malheureux tel que moi, dont la vie n’a été qu’une longue douleur.

— Ignorez-vous donc que, nous autres femmes, ce sont surtout les malheureux que nous aimons ? Notre mission sur la terre n’est-elle pas de consoler.

— Madame, je vous en supplie, ne me laissez pas vous quitter ainsi ; j’emporterais dans le cœur une douleur que rien ne pourrait guérir.

— J’ai eu tort de venir, murmura-t-elle tristement.

— Oh ! ne dites pas cela, madame, lorsque peut-être vous m’avez sauvé la vie.

— Adieu, don Luis, répondit-elle avec un accent d’ineffable douceur, il faut nous séparer. Quoi qu’il arrive, souvenez-vous que vous avez une amie dévouée, une sœur.

— Une sœur ! dit-il avec amertume ; soit, puisque telle est votre volonté, je n’insiste pas, madame.

— Prenez cette bague, puisque vous voulez absolument savoir qui je suis ; mon nom est gravé dessus ; seulement promettez-moi de ne pas lire ce nom avant trois jours.

— Je vous le jure, répondit-il en tendant la main dans l’ombre.

Une main saisit la sienne, la pressa doucement, y laissa une bague, puis il entendit un léger froufrou soyeux, la douce voix murmura une dernière fois le mot adieu.

Le comte entendit une porte se fermer et ce fut tout.

Au bout d’un instant la porte qui lui avait donné accès dans la maison se r’ouvrit.

Don Luis s’enveloppa dans son manteau et sortit en proie à une vive agitation. Il regagna sa demeure en toute hâte ; de loin il aperçut un homme arrêté devant sa maison.

Le comte, par un pressentiment secret dont il ne put se rendre compte, pressa le pas.

— Valentin ! s’écria-t-il tout à coup avec un geste d’étonnement.

— Oui, mon frère, répondit celui-ci ; heureusement j’ai rencontré don Cornelio. Ton cheval est prêt, ton escorte en selle, viens, partons.

— Comment ? Que se passe-t-il donc ? s’écria-t-il avec inquiétude.

— Partons ! partons ! en chemin, je te dirai tout.

Cinq minutes plus tard, les aventuriers s’éloignaient à toute bride sur la route du Pitic à Guaymas.