La Femme en blanc/I/Walter Hartright/11

Traduction par Paul-Émile Daurand-Forgues.
J. Hétzel (1 et 2p. 89-98).


XI


Pas un mot de plus ne fut prononcé, ni d’un côté ni de l’autre, jusqu’à notre retour au château. Miss Halcombe monta aussitôt, en toute hâte, dans l’appartement de sa sœur. Pour moi, je me retirai dans mon atelier, afin de mettre en ordre, avant de les abandonner aux mains d’un autre, tous ceux des dessins de M. Fairlie que je n’avais pas encore restaurés et montés à nouveau. Des pensées que j’avais jusqu’alors refoulées, des pensées qui rendaient ma position plus intolérable que jamais, vinrent m’assaillir en foule dans ma solitude.

Elle était donc fiancée, et son futur époux se nommait sir Percival Glyde. Il avait rang de baronnet, et ses domaines était situés dans le Hampshire.

Il existe en Angleterre des centaines de baronnets, et les grands propriétaires terriens se comptent par douzaines dans le Hampshire. À n’en juger que d’après les lois ordinaires de la probabilité, je n’avais pas l’ombre d’un motif, jusque-là, pour rattacher sir Percival Glyde aux soupçons exprimés par les questions de la Femme en blanc. Et pourtant, entre celle-ci et lui, le lien me semblait formé. Était-ce parce que je l’associais dans ma pensée avec miss Fairlie ? miss Fairlie que je ne pouvais plus désormais séparer d’Anne Catherick, depuis le soir où m’avait été révélée leur ressemblance de sinistre augure ; ou bien, les événements de la matinée m’avaient-ils déjà tellement énervé que j’étais à la merci de tous les prestiges, dont la moindre circonstance fortuite pouvait abuser mon imagination ? À ceci, je n’aurais su que répondre. Je sentais seulement que ce qui s’était passé entre miss Halcombe et moi, pendant que nous revenions du pavillon, m’avait très-singulièrement affecté. La prévision de quelque péril impossible à découvrir, caché qu’il était dans les insondables profondeurs d’un avenir inconnu, pesait fortement sur moi. Comme autant de nuages amoncelés sous un ciel obscur, mille doutes assiégeaient ma pensée ; je me croyais déjà lié, peut-être pour jamais, à une série d’événements funestes, chaîne solide que rien ne pourrait rompre, pas même mon prochain départ du Cumberland ; — aucun de nous en verrait-il l’issue, l’issue définitivement arrêtée ?… Si poignante que fût la souffrance produite en moi par le misérable avortement de mon fol amour, elle semblait émoussée, amortie, par l’appréhension dominante de cette obscure menace que le temps tenait suspendue sur nos têtes.

Je m’occupais de mes dessins depuis un peu plus d’une demi-heure, lorsque j’entendis heurter à ma porte. Sur ma réponse, elle s’ouvrit, et, à ma grande surprise, miss Halcombe entra chez moi.

Elle semblait irritée et troublée. Elle prit une chaise, sans me laisser le temps de la lui offrir, et s’assit à l’instant même fort près de moi.

— Monsieur Hartright, me dit-elle, j’espérais que nous en avions fini, pour aujourd’hui du moins, avec tous ces tristes sujets de notre entretien. Mais il n’en est pas ainsi. Quelques odieuses manœuvres sont mises en jeu pour effrayer ma sœur et la détourner de son prochain mariage. Vous m’avez vue envoyer le jardinier au château, avec une lettre dont l’adresse, d’une écriture singulière, portait le nom de miss Fairlie ?

— Certainement.

— Cette lettre est un écrit anonyme, une ignoble tentative pour faire tort à sir Percival Glyde dans l’esprit de ma sœur. Elle l’a tellement agitée, tellement alarmée, que j’ai eu toutes les peines du monde à lui rendre le calme nécessaire pour qu’elle me permît de quitter son appartement et de venir vous trouver. Je sais bien que ceci est une affaire de famille, pour laquelle je ne devrais pas vous consulter, car vous ne pouvez y prendre aucune part, aucun intérêt…

— Pardon, miss Halcombe !… Je prends la plus vive part, le plus profond intérêt à tout ce qui peut affecter le bonheur de miss Fairlie ou le vôtre.

— Je suis heureuse de vous entendre parler ainsi. Soit ici soit ailleurs, vous êtes la seule personne de qui je puisse attendre un bon avis. Pour M. Fairlie, dans son état de santé, avec l’horreur que lui inspirent les difficultés et les secrets, quels qu’ils puissent être, il est impossible même d’y songer. Notre ministre est un homme bon et faible qui, hors la routine de ses devoirs, n’entend rien à rien ; et nos voisins appartiennent justement à cet ordre de relations vulgairement commodes, qu’il n’est pas permis de déranger aux moments de trouble ou de péril. Ce que je voudrais savoir est ceci : dois-je immédiatement prendre toutes les mesures en mon pouvoir pour découvrir l’auteur de la lettre ? dois-je, au contraire suspendre mes démarches et aller trouver demain l’homme de loi chargé des intérêts de M. Fairlie ? Toute la question, — peut-être fort importante, — est de perdre ou de gagner vingt-quatre heures. Dites-moi, monsieur Hartright, ce que vous en pensez. Si je n’avais déjà été contrainte, dans des circonstances fort délicates, de vous admettre à ma plus intime confiance, peut-être mon isolement même ne m’excuserait-il pas d’avoir recours à vous. Mais les choses étant ce qu’elles sont, et après tout ce qui s’est passé entre nous, je ne dois certainement pas avoir tort d’oublier la date si récente de notre amitié…

Elle me passa la lettre qui, sans autre formule préliminaire, débutait brusquement comme suit :

« Croyez-vous aux rêves ? Je l’espère pour vous. Voyez ce que dit l’Écriture touchant les rêves et leur réalisation (Genèse XI, 8, XII, 25 ; Daniel IV, 18-25) ; profitez ensuite, avant qu’il ne soit trop tard, de l’avertissement que je vous envoie.

« La nuit dernière, miss Fairlie, j’ai rêvé de vous. J’ai rêvé que j’étais dans le chœur d’une église, à l’intérieur de la grille où s’agenouillent les communiants ; j’étais debout à un des côtés de l’autel ; le prêtre avec son surplis et son « prayer book » était debout à l’autre.

« Après un laps de temps, sont arrivés vers nous, pour remplir les cérémonies du mariage, et descendant de la sacristie, un homme et une femme. La femme, c’était vous. Dans votre belle robe de soie blanche, et sous votre long voile de dentelle blanche, vous sembliez si jolie et si parfaitement innocente, que mon cœur s’apitoyait sur vous, et que les larmes me vinrent aux yeux.

« Des larmes de compassion, ma jeune dame : or le ciel bénit celles-là ; et au lieu de tomber de mes yeux, comme celles que chacun de nous verse tous les jours, elles se changèrent en deux rayons de lumière qui, de proche en proche, vibrant toujours plus loin vers l’homme debout avec vous devant l’autel, finirent par toucher sa poitrine. Les deux rayons jaillirent alors en arceaux et formèrent entre lui et moi comme deux arcs-en-ciel lumineux. Mon regard les suivit, et pénétra jusqu’au fin fond de son cœur.

« L’extérieur de l’homme que vous épousiez n’avait rien que d’assez agréable. Il n’était ni grand ni petit, — mais peut-être un peu au-dessous de la taille moyenne. Un homme encore agile, actif, d’humeur altière, — on lui donnerait environ quarante-cinq ans. Il était pâle, et avait le front dégarni de cheveux, mais ceux qu’on voyait sur sa tête, noirs encore, n’étaient mêlés d’aucun fil d’argent. Son menton était rasé ; mais le long de ses joues et sur sa lèvre supérieure une belle barbe brune poussait librement. Ses yeux étaient bruns aussi, et doués d’un vif éclat ; son nez, parfaitement régulier, n’eût pas mal convenu à une femme. J’en dirai autant de ses mains. De temps en temps, une toux sèche et sifflante venait le déranger ; et quand alors il portait à sa bouche sa main droite, si fine et si blanche, il laissait entrevoir, sillonnant le dos de cette main, la cicatrice rouge d’une ancienne blessure. Mon rêve m’a-t-il bien montré l’homme en question ? C’est vous qui le savez, miss Fairlie, et vous pouvez dire si ce rêve m’a trompé ou non. Lisez, à présent, ce que je vis sous ces beaux dehors ; — je vous en supplie, lisez et comprenez !…

« Mon regard suivit les deux rayons de lumière, et pénétra jusqu’au fond de son cœur. Ce cœur était noir comme la nuit, et il y était écrit en lettres de flamme où se reconnaissait la main de l’Ange déchu : « Sans pitié, sans remords ! Il a jonché de misères les voies de bien d’autres créatures ; il jonchera de misère la voie de cette femme maintenant debout auprès de lui ! » Je lus cela ; les rayons de lumière haussèrent alors, et passèrent sur son épaule ; là, derrière lui, la tête d’un démon qui riait. Les rayons de lumière changèrent encore de direction et passèrent sur votre épaule ; là, derrière vous une douce figure d’ange ; elle pleurait. Pour la troisième fois, les rayons de lumière changèrent encore ; ils passaient alors, comme un glaive, entre cet homme et vous. Puis ils s’élargirent, vous séparant violemment l’un de l’autre. Et le prêtre chercha vainement dans son livre les prières du Mariage ; elles en avaient été arrachées ; et il referma le volume qu’il jeta loin de lui par un geste de désespoir. Moi, je m’éveillai les yeux pleins de larmes, et mon cœur battait, — car je crois aux rêves.

« Croyez-y aussi, miss Fairlie ! Dans votre propre intérêt, je vous en supplie, croyez-y comme j’y crois ! Joseph et Daniel, et bien d’autres encore, dans l’Écriture, ont interprété les songes. Fouillez le passé de cet homme à la cicatrice avant de prononcer les paroles qui feront de vous sa femme, sa femme à jamais malheureuse ! Ce n’est pas pour moi, c’est pour vous que je vous mets ainsi sur vos gardes. Aussi longtemps que le souffle vital passera dans ma poitrine, je m’intéresserai à votre bonheur. La fille de votre mère a dans mon cœur une place à part, — car votre mère fut ma première, ma meilleure, mon unique amie. »

Ainsi finissait cette missive extraordinaire qui ne portait d’ailleurs aucune sorte de signature.

Rien à conjecturer d’après l’écriture de la lettre. C’étaient, sur un papier rayé, de ces caractères tremblés, contrariés, qu’on trouve souvent sous le nom de « ronde », dans les cahiers d’écoliers. Ils étaient indécis, peu appuyés, çà et là effacés par des pâtés d’encre, mais, à cela près, n’avaient rien qui les pût faire reconnaître.

— Ceci n’est pas la lettre d’une personne illettrée, dit miss Halcombe, et il est en même temps bien certain, vu son incohérence, qu’elle n’a pas été écrite par quelqu’un appartenant aux rangs élevés de la société. La phrase relative au costume et au voile de la fiancée, quelques expressions encore, çà et là, me semblent devoir la faire attribuer à une femme. Qu’en pensez-vous, monsieur Hartright ?

— Je suis de cet avis. Et non-seulement ceci me semble la lettre d’une femme, mais en même temps d’une femme dont l’esprit doit être…

— Dérangé, n’est-ce pas ? dit aussitôt miss Halcombe, Eh bien ! moi aussi, j’ai été frappée de la même idée…

Je n’ajoutai rien. Tout à l’heure, tandis que je parlais, mes yeux s’étaient arrêtés sur la dernière phrase de la lettre : « La fille de votre mère a une place à part dans mon cœur, — car votre mère fut ma première, ma meilleure, mon unique amie ». Ces paroles et le doute que justement je venais d’émettre sur l’état mental de l’auteur de cette épître, agissant ensemble sur mon esprit, me suggérèrent une idée que j’avais littéralement peur d’exprimer nettement, ou même de nourrir en secret. Je commençais à me demander si mes propres facultés ne couraient pas risque de perdre leur équilibre. N’était-ce pas une sorte de monomanie que de ramener ainsi toute circonstance extraordinaire, toute parole imprévue à la même source cachée, à la même sinistre influence ?… Cette fois, je résolus, pour mettre à l’abri et mon bon sens et mon courage, de ne prendre aucun parti qui ne fût basé sur des faits précis, et d’écarter résolument toute tentation qui s’offrirait à moi sous forme de conjecture logique.

— S’il se présente une chance d’arriver à connaître la personne qui a écrit ceci, dis-je en replaçant la lettre dans les mains de miss Halcombe, nous ne ferons pas mal de la saisir sans perdre de temps. Nous devrions, j’imagine, questionner de nouveau le jardinier sur la vieille femme qui lui a donné ce message, et, partant de là, nous continuerions notre enquête aux environs. Mais, d’abord, une question : Vous venez de mettre en avant, comme alternative possible, une consultation que vous demanderiez demain au jurisconsulte chargé des intérêts de M. Fairlie. Ne pourrait-on recourir à lui un peu plus tôt ? Pourquoi pas dès aujourd’hui ?

— Pour vous expliquer ceci, dit miss Halcombe, il faut entrer, relativement au mariage projeté de ma sœur, dans certains détails que je n’ai pas jugé utile ou à propos de vous faire connaître ce matin. Un des motifs qui amènent ici, lundi prochain, sir Percival Glyde est le désir de faire fixer l’époque de son mariage, jusqu’à présent restée incertaine. Il paraît attacher quelque importance à terminer les choses avant la fin de l’année.

— Miss Fairlie a-t-elle connaissance de ce désir ? demandai-je avec émotion.

— Elle ne le soupçonne même pas et, après ce qui est arrivé, je ne prendrai pas sur moi la responsabilité de l’éclairer à cet égard. Sir Percival n’a parlé de ses intentions qu’à M. Fairlie, et celui-ci, comme tuteur de Laura, m’a dit lui-même qu’il était tout disposé à s’y prêter. Il a écrit à Londres à l’avocat de la famille, M. Gilmore. M. Gilmore se trouve en ce moment à Glascow pour quelques affaires, et, dans sa réponse, il propose de s’arrêter à Limmeridge-House, en retournant à Londres. Il arrivera demain et passera quelques jours avec nous, de façon à ce que sir Percival ait le temps de plaider sa cause. S’il la gagne, M. Gilmore rentrera dans la capitale, emportant avec lui toutes les instructions nécessaires pour la rédaction du contrat. Vous comprenez, maintenant, monsieur Hartright, pourquoi j’ai ajourné à demain la consultation légale. M. Gilmore est l’ancien ami, l’ami éprouvé des Fairlie, depuis deux générations ; plus qu’à tout autre, nous pouvons nous fier à lui…

Le contrat ! ce simple mot m’avait plongé dans un désespoir jaloux qui agissait comme un poison sur mes instincts les plus élevés et les meilleurs. Je commençais à penser, — pénible aveu que celui-ci, mais je ne dois rien supprimer dans les terribles révélations qui me sont aujourd’hui imposées, — je commençais à penser, dis-je, avec une fièvre d’espérance haineuse, aux vagues accusations que la lettre anonyme faisait peser sur la tête de sir Percival Glyde. Si ces charges insensées allaient se trouver par hasard étayées de quelque vérité, qu’arriverait-il ? Qu’arriverait-il, si cette vérité pouvait être établie avant que le fatal consentement eût été donné, avant que les conditions du mariage fussent arrêtées définitivement ? J’ai voulu, depuis, me faire cette conviction, que l’unique sentiment qui m’animât, en cette circonstance, était un pur dévouement aux intérêts de miss Fairlie. Mais je ne suis jamais parvenu à m’inoculer cette illusion, et je ne dois pas essayer maintenant de l’imposer à d’autres. Ce sentiment dont j’étais animé avait pour origine et pour but une haine effrénée, un désespoir vindicatif contre l’homme destiné à devenir « son » mari.

— Si nous voulons découvrir quelque chose, repris-je, obéissant à la nouvelle influence qui agissait sur moi, nous ferions bien de ne pas perdre une minute. Je ne puis donc que vous suggérer de nouveau l’opportunité de questionner encore une fois le petit jardinier, et de faire enquête, immédiatement après, dans tout le village.

— Pour l’un et l’autre objet, me dit, miss Halcombe en se levant, je crois que je puis vous venir en aide. Partons, monsieur Hartright, partons de suite, et voyons ensemble à faire pour le mieux !…

J’avais la main sur le bouton de la porte, — mais je m’arrêtai tout à coup pour lui adresser, avant de partir, une question essentielle.

— Dans un des paragraphes de la lettre anonyme, lui dis-je, se trouve une espèce de signalement très-détaillé. Sir Percival Glyde n’y est pas nommé, je le sais, — mais cette minutieuse description donne-t-elle de lui une idée approximative ?

— Elle est d’une exactitude parfaite ; même en ce qui touche à ses quarante-cinq ans…

Quarante-cinq ans et elle n’en avait pas encore vingt et un ! On voit tous les jours des mariages aussi disproportionnés sous ce rapport ; et l’expérience a démontré que ces sortes d’unions sont souvent les plus heureuses. Je le savais, — et cependant la simple mention de cette inégalité dans leurs âges vint ajouter à la méfiance, à la haine aveugle qu’il m’inspirait.

— Oui, parfaitement exact, continua miss Halcombe, même en ce qui touche cette cicatrice à la main droite, résultat d’une blessure qu’il reçut, il y a déjà bien des années, pendant un voyage en Italie. On ne saurait douter que les moindres détails relatifs à son extérieur ne soient parfaitement connus de l’auteur de la lettre.

— Si j’ai bonne mémoire, on parle même d’une sorte de toux qui, de temps en temps, le fatigue ?

— Oui, et ce qu’on en dit est parfaitement exact. Lui-même la traite fort légèrement, bien que ses amis parfois s’en inquiètent.

— Je suppose que nulle rumeur fâcheuse n’a jamais attaqué sa réputation.

— Monsieur Hartright ! j’espère que vous n’êtes pas assez injuste pour vous laisser influencer par cette lettre infâme ?…

Je me sentis rougir, car au fond j’avais conscience qu’il en était ainsi.

— J’espère bien que non, répondis-je, bégayant un peu. Peut-être, au reste, n’avais-je pas le droit de poser cette question ?

— Je n’ai pas de regret que vous l’ayez posée, me dit-elle, car elle me met à même de rendre justice à la bonne renommée de sir Percival. Ni moi, ni aucun membre de ma famille, monsieur Hartright, n’avons entendu murmurer contre lui la moindre insinuation. Il a été le candidat vainqueur dans deux élections parlementaires vivement contestées, et il est sorti intact de cette double épreuve. En Angleterre, un homme qui a pu faire cela est un homme dont la réputation est solidement établie…

Je lui ouvris la porte sans rien répliquer, et je la suivis au dehors. Elle ne m’avait point convaincu. L’ange lui-même qui tient les registres du greffe céleste serait descendu d’en haut pour ouvrir son livre devant mes faibles yeux, qu’il ne m’aurait pas convaincu davantage.

Nous trouvâmes le jardinier à son travail quotidien ; mais nous eûmes beau le questionner, aucune réponse de quelque valeur ne put être arrachée à l’impénétrable stupidité de ce gamin. La femme qui lui avait remis la lettre était vieille ; elle ne lui avait pas adressé une seule parole ; elle s’en était allée en grande hâte dans la direction du midi. Voilà tout ce que nous pûmes tirer du jardinier.

Le village était situé au midi du château. Par conséquent, ce fut vers le village que nous nous rendîmes ensuite.