Albert Méricant (p. 96-105).


II

UN RAPPORT DE POLICE


Malgré les vives instances de Vautrin, Bricheteau ne crut pas devoir lui permettre de l’accompagner à Ville-d’Avray. Il lui fit comprendre que cette subite invasion faite dans la vie et dans la maison de son fils pouvait avoir un fâcheux résultat.

— Laissez-moi préparer les approches, ajouta-t-il ; demain sans faute je vous reverrai et j’aurai, je n’en doute pas, de bonnes paroles à vous transmettre. Ajournez aussi jusque-là toute espèce de démarches auprès de Rastignac. Il n’y a pas péril en la demeure, et nous déciderons les choses à froid.

En arrivant au chalet, Bricheteau trouva Sallenauve occupé à écrire et ayant déjà sur sa table plusieurs lettres cachetées. Toute cette écriture lui parut suspecte.

— Vous m’avez tenu parole, dit-il à son ami ; mais que signifie cette correspondance, qui a l’air d’une liquidation générale ?

— C’est qu’en effet, répondit Sallenauve en souriant, je quitte mon commerce.

— Comment l’entendez-vous ? demanda Bricheteau.

— Oh ! de la manière qui doit le moins vous inquiéter. Je suis bien, je pense, excusable d’avoir eu un moment la pensée d’en finir avec la vie ; mais, vous avez raison : c’eût été une lâcheté. Le seul homme que je tue, c’est l’homme politique. D’après les dernières nouvelles reçues du Paraguay, il n’a plus devant lui d’horizon. L’idée pourtant avait quelque chose d’attrayant, et ma mère doit être une femme d’esprit et d’imagination. Ce petit-fils de Danton ayant commencé par conquérir un peu d’illustration à la tribune française, et allant ensuite gouverner une des républiques de l’Amérique, c’eût été assurément un curieux chapitre d’histoire ; et, pour un homme venu de si bas, c’était, ma foi ! bien se relever. Maintenant, il n’en faut plus parler, et j’envoie ma démission au ministre de l’intérieur.

— Mais, dit Bricheteau, ne sera-ce pas paraître déférer aux menaces de Rastignac, et nous n’en sommes plus là, Dieu merci. Tout ce que j’avais cru entrevoir est la vérité même. Ce monsieur a fait faire le coup, et par qui ? je vous le donne à deviner en mille.

— Je n’ai pas aujourd’hui, dit Sallenauve, l’esprit tourné à deviner quoi que ce soit.

— Sachez donc que M. de Saint-Estève a été chargé de l’œuvre.

Sallenauve fît un geste de dégoût.

— Non, dit Bricheteau, vous ne prenez pas comme il faut la chose. Dans son désir d’avoir accès dans la police politique, M. de Saint-Estève s’est chargé de cette mission, croyant mettre la main sur des papiers de conspiration ; et voyez comme il est heureux que cette mission ait été acceptée par lui ! Le secret reste entre nous, et le complice se charge de réduire Rastignac au silence. Je vois dans tout ceci la main de la Providence. Vous n’imagineriez pas l’extase de bonheur de ce pauvre homme, en apprenant qu’il avait un fils comme vous.

— Raison de plus pour que je persiste dans ma résolution ; je suis décidé à partir pour aller rejoindre ma mère.

— Mais ce matin vous aviez entrevu des inconvénients à ce parti.

— Maintenant, je crois être mieux dans le vrai. D’abord, je vais porter aide et assistance à une pauvre femme soumise, peut-être, à cause des grands desseins qu’elle avait eus sur moi, à une persécution odieuse. Ensuite, j’obtiendrai de ce Sallenauve une déclaration comme quoi je ne suis pas son fils, et vous ferai passer cette pièce pour que vous suiviez devant les tribunaux l’annulation de l’acte de reconnaissance. Enfin, j’espère bien là rencontrer M. de Trailles, et lui demander enfin compte de la persécution qu’il n’a cessé de diriger contre moi.

— Oui, mais vous allez faire la place libre à son inepte beau-père.

— C’est ce dont je ne me soucie guère ; la vie politique, par ce que j’en sais maintenant, est un affreux coupe-gorge ; je retourne à mon art, que je n’aurais jamais dû quitter. Cependant, pour faire droit à votre remarque et n’avoir pas l’air de céder aux injonctions de Rastignac, je laisserai ma démission entre vos mains, et vous la ferez parvenir à la Chambre en décembre, lorsque la session sera ouverte. D’ici là, nous saurons à quoi nous en tenir sur l’effet des démarches de M. de Saint-Estève, et si, comme vous l’espérez, nous restons maîtres du terrain, ma retraite n’aura rien que de volontaire.

— Pourtant, dit Bricheteau, une carrière si bien commencée ?

— Et l’autre que vous m’avez fait déserter ; y étais-je donc en si mauvaise voie ? Du reste, inutile de discuter mon parti-pris : rien ne m’empêchera de m’embarquer pour l’Amérique du Sud ; j’ai le besoin de me déplacer, un désir immense de voir ma mère…

— Mais le projet de rencontre avec M. de Trailles, croyez-vous qu’il ne doive pas inquiéter vos amis ?

— Ah ! c’est là une de mes plus chères espérances ! Ce misérable qui, dans l’intérêt de ce mariage, auquel il s’accroche comme à une planche dans un naufrage, aura jeté le trouble dans ma vie !…

— Et M. de Saint-Estève, demanda timidement Bricheteau, vous ne le verrez pas ? Il a de vous entrevoir, ne fût-ce qu’un moment, une passion frénétique. Puisque vous partez, lui faire cette joie ne tirerait pas beaucoup à conséquence.

— Non, dit Sallenauve avec fermeté, je ne le verrai pas maintenant. J’ai besoin de m’acclimater à l’idée de cette paternité ; plus tard, à mon retour, je ne dis pas.

— Je ne vous le cache pas, il est capable de ne pas attendre votre permission. Jamais je ne vis homme plus profondément remué, et demain il serait possible…

— Il ne me trouvera pas : ce soir même je me mets en route pour Brest, où je trouverai sans doute quelque navire en partance, et vous lui direz, s’il lui prenait envie de me suivre, que je me suis dirigé sur le Havre. Mes dispositions ne seront pas longues à faire ; nous allons passer chez le notaire de Sèvres, qui dressera une procuration, la plus large possible, pour que vous restiez chargé de toutes mes affaires.

— Mais s’il me prenait envie de vous suivre ?

— Avez-vous ce désir ? Ce serait peut-être ce qu’il y aurait de mieux ; de cette manière, je ne laisserais plus en France personne qui m’intéresse.

— Non, dit Bricheteau, je ne parle pas sérieusement ; j’ai une mission, et mon devoir est d’achever l’œuvre que j’ai commencée ; il faut, avant de penser à moi, que je vous mène au port. Seulement, si vous vouliez faire un peu valoir mon dévoûment auprès de la personne que vous savez, je vous serai reconnaissant.

— Ah ! cher ami, je vous ai compris, dit Sallenauve en lui donnant la main, et votre plus ardent désir serait le mien aussi. Maintenant, ajouta-t-il, voici une lettre pour la mère Marie-des-Anges, une autre pour le brave Laurent Goussard, qui voulait me faire son héritier avant de savoir que je fusse son neveu.

— Oui, ma tante m’avait écrit cela.

— Et enfin une autre pour madame de l’Estorade.

— Très bien, dit Bricheteau ; mais puisque nous en sommes sur la question des correspondances, ne trouvez-vous pas qu’il serait convenable d’aviser à un moyen de ne pas nous écrire directement ? Avec des hommes comme Rastignac, le secret des lettres est très problématique.

— Vous verrez Mongenod pour cela ; la banque a des moyens sûrs et à elle.

Un peu après, les deux amis allèrent à Sèvres, chez le notaire, où celui qu’on peut bien appeler l’ex-député fit dresser, au nom de Bricheteau, la procuration projetée. Sallenauve voulut ensuite aller dire un adieu à la tombe de Marie-Gaston, puis on rentra et l’on prit ensemble un dernier repas, qui fut triste et grave, comme le banquet des Girondins.

— Enfin, disait Sallenauve, voyez ce que c’est que de vouloir tourmenter sa vie et de ne la point laisser à sa pente : si je restais sculpteur, rien de ce qui arrive aujourd’hui n’arrivait. J’avais sous la main cette Luigia qui eût certainement fait une bonne femme, et qui, dans sa vie, toute tachée qu’elle soit d’un triste début, n’a pas le quart de l’infamie qui pèse sur la mienne. Occupé d’un art que j’aimais et dans lequel je n’aurais pas trop mal réussi, j’avais une carrière paisible et honorée. La fortune de lord Lewin ne m’en serait pas moins venue, et j’eusse été dans la plus belle condition du monde, celle de l’artiste, qui n’a pas à mêler les questions d’intérêt à ses créations.

— Tout cela peut se refaire encore, répondit Bricheteau, vous n’avez que trente ans.

— Oui, mais je sais ce que sais, et mon avenir en restera empoisonné.

— Si tout ce secret, comme je l’espère, reste entre nous, sa révélation, répondit Bricheteau, aura été un mince malheur. Beethoven était sourd, lord Byron boiteux, Milton aveugle ; ce que vous appelez le poison de votre avenir est à peine une infirmité. Maintenant, j’ai une supplication à vous adresser : évitez, autant que faire se pourra, d’aller jouer votre vie contre celle de ce Maxime de Trailles : l’enjeu n’est pas égal.

— Oh ! ne craignez rien. Si nos étoiles nous placent vis-à-vis l’un de l’autre, j’ai le pressentiment que le ciel ne sera pas contre moi. D’ailleurs, tout bien considéré, le rencontrerai-je ? Sa mission n’est que temporaire, et peut-être allons-nous nous croiser en route.

À la suite de quelques autres propos, l’heure de la séparation arriva : les deux amis se dirent adieu en pleurant. Étaient-ils sûrs de se revoir ? Sallenauve l’affirmait, disant qu’une vie aussi accidentée que la sienne ne pouvait se dénouer ainsi à son midi ; à quoi Bricheteau répondit qu’au contraire la brusquerie et la platitude des péripéties n’étaient que trop communes dans la vie réelle, qui ne se soucie pas de toujours conclure à la manière des romanciers.

Le soir, sur les neuf heures, l’organiste, demeuré seul, était plongé dans l’abîme de ses réflexions, quand le vieux Philippe, dont Sallenauve n’avait pas voulu se laisser accompagner, à cause de son grand âge, vint lui dire que le comte Halphertius demandait à être reçu par lui.

Le comte Halphertius ! Cette annonce parut à Bricheteau singulière. Ce personnage passait pour mort, et, s’il était vivant, on ne s’expliquait pas trop qu’il eût le front de reparaître en France.

Toutefois il ordonna que l’on fît entrer et ne fut pas médiocrement surpris en se trouvant en présence de Vautrin.

— Vous, monsieur, lui dit-il, ici, et sous ce nom ?

— Qui est un de mes noms de guerre, répondit Vautrin. Je n’y tenais plus : je voulais à toute force pénétrer ici, où je n’osais me faire annoncer sous mon nom. J’ai pensé que la singularité et l’inattendu de la forme que je prenais piqueraient votre curiosité et vous décideraient à me recevoir.

— De toutes manières j’eusse été pour mon compte empressé à vous accueillir ; mais je doute qu’auprès de M. de Sallenauve cette métamorphose vous eût bien recommandé.

— Que voulez-vous, monsieur ? dit Vautrin, je suis fou. Mon intention est de me jeter aux pieds de mon fils ; les sentiments vrais se font comprendre ; il verra ce qu’il y a pour lui dans mon cœur et ne me repoussera pas.

— Il ne vous repoussera pas, en effet, car il vient de partir.

— Pour Paris ?

— Non ; pour beaucoup plus loin, pour le Paraguay, où il va rejoindre sa mère.

— Mais c’est impossible, s’écria Vautrin, il n’a pu vouloir me priver de la consolation de le voir au moins une fois.

— Ce voyage était indispensable ; son esprit troublé accueillant les plus funestes résolutions : sans cette puissante diversion, que j’ai beaucoup encouragée, je ne répondais pas de sa vie.

— Il a donc pour moi bien de la haine ?

— Ce n’est pas contre vous en particulier qu’est dirigé son terrible souci ; mais mettez-vous à sa place, et vous comprendrez que, sous la terrible avalanche des révélations qui sont venues l’accabler, il soit resté un moment étonné. L’avenir de l’affaire engagée reste d’ailleurs fort douteux, et, si le scandale doit éclater, il n’a pas voulu en être témoin.

— Il n’éclatera pas, dit Vautrin avec autorité, tenez-le pour certain. Rastignac sait quel homme je suis, et jamais il ne poussera les choses avec moi à de certaines extrémités. Mais mon fils, monsieur, en partant, ne vous a chargé de rien pour moi ?

— Il m’a dit qu’à son retour, il vous verrait ; que vous seriez, l’un et l’autre, mieux préparés à cette entrevue.

— Et son retour, il en a fixé l’époque ?

— Permettez-lui d’abord d’être parti.

— Si je savais la route qu’il a prise, avec les moyens dont je dispose, je me fais fort de le rejoindre.

— Il va, m’a-t-il dit, s’embarquer au Havre, mais je ne sais, monsieur, si en pensant à faire la folie de le suivre, vous vous rendez bien compte des devoirs qui pèsent sur vous. Nous avons affaire à des ennemis qui sont sur place, qui ne s’endorment pas, et un seul jour de perdu peut beaucoup empirer la situation. Nous nous sommes rendu compte, M. de Sallenauve et moi, de la manière dont Rastignac avait pu être renseigné sur l’existence des pièces soustraites, M. de Trailles est à Montevideo chargé d’une mission secrète ; là il a dû voir le marquis de Sallenauve qui, au courant de bien des choses, a pu commettre des indiscrétions. Ainsi il y a déjà deux personnes pour le moins au courant de toute l’affaire : Rastignac et M. de Trailles.

— Vous avez raison, dit Vautrin, il n’y a pas un moment à perdre ; mais comment entendez-vous que doive être prise la question ?

— Rentrer dans la possession des lettres qui nous appartiennent, me paraît d’abord un point de première importance. Quand on n’aura plus qu’à se débattre contre des allégations séparées de leurs preuves, on pourra mieux faire tête à l’ennemi.

— Dans toute affaire, dit Vautrin, où l’on veut réussir, il faut avoir un but défini ; le nôtre, en effet, doit être de rentrer dans la possession de ces compromettantes archives. Mais je suis fort en poursuivant ce résultat. Je n’ai rien à ménager ; je ne tiens pas à ma position, et, en menaçant Rastignac de faire connaître l’œuvre ténébreuse dont je n’ai eu que la complicité…

— Faites attention, dit Bricheteau, en l’interrompant, que ce n’est pas là un moyen : c’est tout au plus une ressource. Quand nous en serons réduits à un éclat, nous serons déjà bien malades ; dans l’explosion de la mine que vous feriez jouer sous le fauteuil ministériel de Rastignac, on ne peut se le dissimuler, il peut y avoir pour nous de cruelles éclaboussures.

— Vous avez raison, dit Vautrin, je bats la campagne. Je ne sais rien de ce que je veux et de ce que je dois faire. Depuis le moment où je vous ai quitté, je n’ai pensé qu’au bonheur si peu mérité de cette paternité qui vient tout à coup de luire dans ma vie. Soyez tranquille, je vais me recueillir, étudier nos chances et celles de nos ennemis. Je ne passe pas pour un diplomate trop maladroit, et j’ai eu souvent le dessus dans des affaires où le bon droit, à beaucoup près, n’était pas aussi clairement de mon côté.

— Il ne faut pas s’y tromper, dit Bricheteau, c’est là un raisonnement dont il faut se défier. La Providence souvent, pour nous punir d’avoir réussi quand nous ne poursuivions pas un but bien avouable, nous fait quelquefois échouer, quand, logiquement, nous devions compter sur son appui.

— Je suis, en effet, un grand coupable, dit Vautrin avec une componction vraie, et jusqu’ici j’ai été châtié bien doucement ; pourtant, depuis longues années, ma vie est droite, et j’ai rendu quelques services à la cause de l’ordre et des lois. D’ailleurs, monsieur, devant Dieu, un père qui défend son fils doit trouver quelque faveur.

— Ne faisons pas à Dieu de devoirs, dit Bricheteau, et tâchons, nous, de faire le nôtre ; en toute chose qui sera de lutte énergique et loyale, vous pouvez disposer de moi.

— J’y compte, monsieur, dit Vautrin en se levant pour sortir ; mais aussitôt que vous aurez quelques nouvelles de mon fils, je puis espérer, n’est-ce pas, que vous me les communiquerez ?

— Avec empressement, répondit Bricheteau ; seulement nos rapports, je pense, doivent rester secrets, et je vous laisse le soin de les organiser de la manière qui conviendra le mieux.

Vautrin promit à son collaborateur de lui faire connaître au premier moment un moyen sûr de se voir et de s’écrire, le besoin échéant ; ensuite il reprit la route de Paris.

En rentrant chez lui, M. de Saint-Estève trouva sous enveloppe, avec la suscription très pressé, un rapport à lui adressé par un de ses agents. Ce rapport était conçu comme il suit :


« Paris, 27 octobre 1840.

» Le prussien Schirmer, que M. le chef de la police de sûreté a manqué lui-même l’an dernier à Saint-Sulpice, et qui paraît avoir à cette époque quitté Paris, y est de retour depuis quelques mois.

» Portant aujourd’hui toute sa barbe, je n’ai pas été sûr de le reconnaître, quand je l’ai rencontré, il y a environ six semaines ; pourquoi je n’en ai pas voulu parler à mes chefs, mais sûr aujourd’hui de mon bien informé.

» Le susdit demeure rue de Verneuil, faubourg Saint-Germain, hôtel du Cantal, sous le nom de Raymond, et a passeport en règle, venant de Bordeaux, et prenant la qualité de voyageur de commerce. Des fois, il est des semaines sans sortir de sa chambre, où personne ne pénètre ; sitôt que le garçon a fait son ménage, et n’ouvre à âme qui vive ; d’ailleurs peu de personnes viennent le demander. Mais tous les dimanches se rend exactement à la messe d’une heure, à l’église Saint-Thomas-d’Aquin, d’où il semble que ce jeune homme affectionne les églises, et il paraîtrait qu’à Saint-Thomas, va pour une amourette, de ce qu’à la sortie de la messe, suit une demoiselle avec sa mère, quand elles ne s’en vont pas en équipage, et les accompagne jusqu’à la rue de Grenelle, à l’hôtel Beauséant, où loge ladite demoiselle, fille mineure de Philéas Beauvisage, ancien maire de la ville d’Arcis-sur-Aube (département de l’Aube), démissionnaire pour opinion, grande fortune et maison montée. La demoiselle serait sur le point d’épouser M. le comte Maxime de Trailles, absent de Paris pour le présent, et pourrait bien, le cher homme, en porter, vu que la demoiselle se retourne quand l’Allemand la suit : et, comme il passe et rapasse plusieurs fois devant l’hôtel, l’autre jour s’est montrée au grand balcon de la façade, pendant plus de cinq minutes d’où elle pouvait être vue de la rue.

» Quant à l’industrie du sieur Schirmer, dit Raymond, serait toujours la gravure sur métaux ; de ce que le garçon de l’hôtel a trouvé un petit instrument qu’il m’a fait voir, lui payant à boire chez le marchand de vins, et que cet instrument est pour sûr un poinçon de graveur. D’ailleurs, peu heureux, le prévenu, malgré qu’il fasse des billets de banque, mangeant chez un petit traiteur de la rue de Beaune, du nom de Lescophy, mais toujours de bonne tenue et mis dans le dernier goût, et portant gants blancs et bottes vernies.

 » Certifié conforme et véritable :
» E. DE B… DIT ALCINDOR. »