Albert Méricant (p. 87-96).
Deuxième partie


DEUXIÈME PARTIE



I

LA DERNIÈRE INCARNATION DE VAUTRIN


Trois quarts d’heure après avoir quitté le cabinet du ministre, Sallenauve arrivait au chalet et, malgré l’heure avancée de la nuit, poussant droit à la chambre de Bricheteau, qu’il éveilla sans prendre le souci d’aucun ménagement :

— Je sais tout, mon ami, lui dit-il sans aucun autre préambule.

— Comment ! s’écria Bricheteau, vous savez par qui le vol a été commis ?

— Non. Je sais tout votre dévoûment pour le fils de Catherine Goussard et du glorieux M. de Saint-Estève.

Il raconta ensuite toute son entrevue avec Rastignac ; et, comme Bricheteau se reprochait avec amertume son imprudence :

— Vous n’avez rien à vous reprocher, répondit Sallenauve ; il n’était pas possible que, d’une façon ou d’une autre, il ne finît point par se faire une fissure à un ballon à ce point gonflé. Votre vraie faute, c’est d’avoir pu vous faire l’illusion que vous parviendriez à dévider cet écheveau si étrangement emmêlé.

— Les papiers aux mains de Rastignac, et le vol commis par des voleurs ordinaires ! Cela me passe, répondit Jacques Bricheteau ; tenez, ajouta-t-il en se levant de son lit et en passant rapidement une robe de chambre, voilà la cache où tout était déposé. Voyez vous-même si des gens, qui se seraient contentés de chercher à se faire rafle de ce qu’il y avait de précieux dans la maison et qui n’eussent pas été avisés de l’existence du coffret, devaient être conduits par le hasard à mettre la main dessus ?

— Il est vrai qu’il a fallu bien chercher.

— Les Beauvisage, continua Bricheteau, n’ont pu faire le coup. Aussitôt le vol commis, les papiers allant à eux, cela ne se comprendrait pas mieux. Si Maxime de Trailles eût été là pour les conseiller, je ne dis pas, c’est un habile meneur d’intrigues ; mais ma tante, qui m’écrivait l’autre jour, en me racontant la visite que vous lui aviez faite, et beaucoup de bruits qui couraient en ce moment à Arcis, me disait qu’on croyait ce gentilhomme passé en Belgique pour éviter les poursuites de ses créanciers.

— Ah ! mon Dieu ! s’écria Sallenauve, quel trait de lumière !

— Comment ? demanda Bricheteau avec émoi.

— Au milieu de la torture que me donnait Rastignac, ce rapprochement m’avait échappé. Ce soir même, chez madame d’Espard, on disait Maxime à Montevideo, chargé d’une mission secrète.

— Et Rastignac, demanda vivement Bricheteau, ne vous a pas fait connaître le contenu de la dernière lettre de votre mère ?

— Il ne m’a spécifié le contenu d’aucune.

— Il ne vous a pas dit que tous nos projets d’ambition étaient à vau-l’eau, que le docteur Francia était mort, que votre mère, retenue prisonnière par son successeur, était sans cesse tourmentée par des demandes d’argent venues du marquis de Sallenauve qui, à Montevideo, se livre plus frénétiquement que jamais à la passion du jeu ?

— Alors, remarqua Sallenauve, cet homme a pu s’aboucher avec M. de Trailles, commettre quelques indiscrétions, car vous avez dû vous ouvrir à lui au moins dans une certaine mesure.

— C’est évident, s’écria Bricheteau, Maxime a prévenu Rastignac, qui, soupçonnant entre mes mains quelques preuves, aura fait commettre ce vol. Alors toutes les circonstances s’expliquent, et rien n’est encore perdu ; je sais un adversaire avec qui le commettre.

— Vous ne voulez pas parler sans doute de M. de Saint-Estève !

— Si vraiment, cela le regarde comme nous, et une fois que par lui nous aurons la preuve de la complicité de Rastignac dans la soustraction commise à mon préjudice, le petit fourbe est paralysé.

— Mais, mon cher, je ne veux avoir avec l’homme que vous prétendez faire intervenir, aucune espèce de relation, encore moins entends-je être son obligé.

— Préférez-vous que, par le bruit public et au moyen de l’immense scandale dont on vous menace, il apprenne sa paternité ? Mieux vaut, ce semble, la lui révéler nous-même ; au moins nous avons la chance de l’avoir pour allié, et c’est un homme à tout sauver.

— Dans le fait, dit Sallenauve, quelque chose qui arrive je ne resterai pas en France ; ma place, de toute façon, est auprès de ma mère. Je n’ai donc pas grande chance de rencontrer jamais ce misérable.

— D’ailleurs, remarqua Bricheteau, je le verrai venir, et si je ne le trouvais pas disposé comme je l’espère, je m’abstiendrais. J’ai auprès de lui une entrée toute faite ; je vais d’abord lui parler du vol sur lequel on n’a encore rien découvert.

— Mais j’y pense, dit Sallenauve, me rendre auprès de ma mère, le dois-je et le puis-je ? En arrivant à Montevideo, n’y trouverai-je pas ce Sallenauve que vous y avez dépêché, et dont je porte indûment le nom ?

— Aussi ne faut-il rien brusquer ; l’affaire est de tous points très grave, et nous ne devons rien décider qu’après y avoir bien réfléchi. Mais la démarche que je vais faire dès qu’il sera heure convenable, est certainement le nœud de la question. Si nous avons avec nous M. Saint-Estève, votre étoile, pour un instant pâlie, peut reprendre tout son éclat.

— Je crois, mon pauvre ami, que vous vous leurrez d’une étrange façon ; ma vie maintenant, me semble close et arrêtée ; j’aurais voulu seulement, une fois, voir ma mère et l’embrasser.

— Que signifie ce découragement ? dit Jacques Bricheteau, en regardant Sallenauve, auriez-vous par hasard quelque méchant dessein sur vous-même ? il vous siérait bien, à la première difficulté que vous rencontrez sur votre route, de déserter la vie comme un lâche ! Et moi qui, depuis trente ans, livré à la domination d’un désir unique, en ai vu éternellement reculer la réalisation ; moi qui, en attendant toujours, suis aujourd’hui à l’âge où ce désir ne pourra bientôt plus être qu’un souvenir ; moi qui, à toutes mes autres douleurs, solitairement subies, viens de joindre celle de vous avoir compromis par mon imprudence, il faut donc que je me tue aussi ?

— Pensez donc, mon ami, tant d’infamie amassée sur une tête !

— Mais dans tout cela qu’avez-vous qui vous soit personnel ? n’êtes-vous pas une belle intelligence et un caractère complètement honorable ? Il y a peut-être quelque chose de vrai dans une remarque de ma tante. Il est possible que les crimes de septembre retentissent dans votre vie et que le petit-fils de Danton paie aujourd’hui la rançon de son origine. Mais c’est une raison de plus, si vos malheurs sont une manifestation directe de la volonté de la Providence, pour que vous ne prétendiez pas vous soustraire violemment à ce rôle de victime propitiatoire. Danton aussi aurait pu se tuer, et rien ne le retenait, lui, qui croyait aller dans le néant ; mais il aima mieux monter courageusement à l’échafaud et mettre sa mort au compte de l’ingrate révolution qu’il avait si violemment servie.

— Vous pouvez avoir raison, dit Sallenauve avec un soupir ; puis, passant à un autre sujet de conversation, comme un homme qui ne veut pas poursuivre un débat inutile, et votre santé ? demanda-t-il à Bricheteau.

— Excellente, répondit celui-ci, malgré le réveil peu agréable que je viens d’avoir.

— C’est vrai ; j’aurais dû peut-être y mettre plus de ménagement.

— Vous avez fait ce que tout le monde eût fait à votre place. Maintenant, si vous m’en croyez, vous irez prendre un peu de repos. Quand l’âme est atteinte, il faut donner beaucoup aux besoins corporels ; autrement la machine n’y suffirait pas. Moi, ma nuit maintenant est faite, car hier je m’étais couché presque aussitôt après mon dîner. Je vais arranger mon thème pour aborder l’homme que je dois voir, et, dans la matinée, j’espère vous rapporter de bonnes nouvelles.

Sallenauve passa alors dans sa chambre, où, au lieu de se coucher, il fut longtemps à se promener, abîmé dans ses réflexions. Aussitôt qu’il fit jour, il descendit dans le parc. La matinée était froide et brumeuse, comme le sont en général les matinées d’automne, et tout, dans l’aspect de cette nature se précipitant vers son déclin, était fait pour porter à l’âme une grande mélancolie.

Bricheteau, se préparant à partir pour Paris, aperçut son ami se promenant avec tout le symptôme d’un profond découragement. Allant à lui :

— Sallenauve, lui dit-il, vous ne vous êtes pas couché. Je vois bien que vous roulez dans votre tête de funestes projets. Au moins, je vous demande une grâce ; promettez-moi, sur votre parole d’honneur, que je n’aurai pas ici, à mon retour, un spectacle pareil à celui que me donna un matin le pauvre lord Lewin.

— Vous êtes fou, mon cher.

— Je sais ce que je dis. Donnez-moi votre parole.

— Soit, je vous la donne.

— Que je vous retrouverai ici, vivant et bien portant.

— Bien portant, dit Sallenauve en souriant, cela ne dépend pas tout à fait de moi, car je me sens horriblement courbaturé.

— Enfin, n’équivoquons pas : vous me promettez, jusqu’à mon retour, de ne rien faire pour attenter à votre vie.

— Je vous le promets.

Bricheteau partit alors plus tranquille, et, quelques heures après, il était introduit dans le cabinet du chef de la police de sûreté.

— Monsieur, dit Jacques Bricheteau en l’abordant, je viens vous entretenir d’une affaire dont déjà vous avez entendu parler, un vol commis chez M. de Sallenauve, membre de la Chambre des Députés, au pavillon de Ville-d’Avray.

— Je n’étais pas à Paris, répondit Vautrin, au moment des premières poursuites, en sorte que je n’ai pu m’en mêler ; mais l’instruction se poursuit, et il ne serait pas impossible, si j’en crois quelques données encore vagues, que je parvinsse à découvrir le lieu où a été déposée une partie des objets soustraits.

— Parmi ces objets, continua l’organiste, espérez-vous, monsieur, pouvoir recouvrer des papiers sans nulle valeur pour ceux qui s’en sont emparés, mais qui en ont une grande pour M. de Sallenauve ? Ils étaient déposés dans ma chambre, dans un endroit peu apparent, en sorte que je n’ai pas déclaré cette partie du vol, dont je ne me suis aperçu qu’après coup.

— Il est fort à craindre que ces papiers ne se retrouvent pas : quand les voleurs se sont ainsi attrapés eux-mêmes, ils prennent une sorte de plaisir à se venger de leur déconvenue en détruisant les objets dont ils ne voient à tirer aucun parti.

— Monsieur, continua Bricheteau, on vous dit tout à vous, comme à un confesseur, et je vais me permettre d’exprimer une opinion qui est tout à fait en contradiction avec celle de MM. les agents de la police. Je ne crois pas que le vol ait été commis par des malfaiteurs de profession.

— Je n’ai rien vu par moi-même, répondit Vautrin, ni l’état des lieux ni la fracture des meubles ; je ne puis donc que m’en référer, pour avoir une opinion, aux rapports qui me sont parvenus.

— J’ajouterai, continua Bricheteau, que, dans ma pensée, le vol de l’argenterie ne serait ici que l’accessoire et que l’enlèvement des papiers aurait été le véritable but.

— Soupçonnez-vous quelqu’un ayant intérêt à cet enlèvement ?

— Sans aucun doute ; mais, ce quelqu’un, je serais assez embarrassé de vous le nommer.

— Vous le disiez vous-même tout à l’heure : vous êtes ici dans un confessionnal ; rien de ce qui s’y dit ne transpire au dehors, si ce n’est dans l’intérêt de la vindicte publique, qui est en même temps le vôtre aujourd’hui.

— Eh bien ! monsieur, répondit Bricheteau, en baissant la voix, je serais disposé à croire que la soustraction a été faite par l’ordre du gouvernement.

— Quelle idée ! dit Vautrin avec une négligence qui ne laissait pas d’avoir quelque chose de forcé.

— Monsieur, un homme expérimenté comme vous n’est pas sans savoir qu’en politique il se fait d’étranges choses.

— D’accord. Mais le gouvernement avait la voie d’une perquisition judiciaire.

— Chez un député, qui, par sa conduite, n’a donné aucune espèce de prise aux soupçons, la mesure eût été bien grave, car, après un pareil éclat, on doit rendre compte à l’opinion, et quand on n’a rien trouvé…

— Vous êtes donc sûr, répondit Vautrin, que ces papiers n’avaient rien de compromettant ?

— Pour l’ordre public, assurément ; c’étaient des lettres et des papiers de famille.

— Quoiqu’il en soit de votre idée, qui me paraît peu acceptable, vous comprenez que, si elle avait quelque fondement, ce serait une raison de plus pour que je ne pusse vous promettre une bien active coopération ; mes fonctions sont purement judiciaires, et là où commence le domaine de la politique, je m’incline, ne vois plus rien et me tais.

Cette phrase fut dite par Vautrin avec un air de haut fonctionnaire qui s’enveloppe dans son importance ; mais, au fond, il se servait de cette solennité de paroles pour déguiser un certain malaise : il avait remarqué que Bricheteau le considérait avec une affection dont il y aurait presque eu lieu de se montrer offensé.

— Monsieur, dit tout à coup Jacques Bricheteau, parmi les nombreuses combinaisons qu’on dit avoir rempli votre carrière, ne vous serait-il pas arrivé d’exercer la profession de marchand de bois ?

— Vous êtes un insolent, s’écria Vautrin en se levant, et je vais vous faire arrêter.

— Insolent, pourquoi ? Quel mal y aurait-il à ce que vous eussiez fait ce commerce ? il est tout aussi honorable qu’un autre, quand on le fait honorablement.

— Je vous dis que vous êtes un impertinent. Ce vol a été commis par des gens qui s’étaient introduits chez vous sous le prétexte d’une coupe de bois à acheter ; et venir me demander si j’ai fait ce commerce, c’est indiquer que l’absurdité de vos soupçons remonte jusqu’à moi.

— Je n’ai pas de soupçons, répondit tranquillement Bricheteau. Je suis sûr de mon fait : on ne met pas deux fois un homme en ma présence sans que je le reconnaisse malgré tous les déguisements du monde. D’ailleurs, qui donc comme vous eût joué ce rôle ? M. de Saint-Estève était le seul homme en Europe que le ministre Rastignac pût employer pour une pareille expédition avec une chance de succès, et c’est lui qu’il en a chargé.

— Ma foi, mon cher, dit Vautrin avec un rire forcé, je finis par vous trouver très bouffon ; vous voulez maintenant vous sauver par les compliments et la flatterie ; allons, je serai bon prince : je vous pardonne votre folie et vous prie seulement de me laisser en repos, attendu que j’ai autre chose à faire que de donner audience à un insensé.

— Soit, dit Bricheteau en se levant, je me retire ; mais une question seulement : Avez-vous pris connaissance de ces papiers ?

— Ah ça ! mon cher, dit Vautrin en s’avançant pour pousser dehors ce dangereux interlocuteur, ceci devient intolérable ; je vous jette à la porte si vous ne vous retirez.

— Je vois bien, dit Bricheteau, que vous ne les avez pas lus, car vous parleriez d’autre sorte. Tant pis pour vous, monsieur, je n’aurais jamais pensé que ce petit Rastignac pût jouer un homme de votre génie.

— Allons ! j’ai du génie maintenant, dit Vautrin en se radoucissant.

— Oui, monsieur, je ne m’en dédis pas ; du génie, et si les circonstances vous eussent mieux servi, vous seriez aujourd’hui à la place de ceux qui vous donnent de si singuliers ordres. Je sais mieux votre vie que vous ne le pensez ! et je vous étonnerais d’étrange sorte si je vous en disais certaines circonstances tout à fait inconnues et oubliées peut-être de vous-même, au milieu de l’avalanche d’événements dont votre existence a été remplie.

— Parbleu, dit Vautrin, vous piquez ma curiosité ; dites donc un peu ces choses, effacées, même de ma mémoire.

— Monsieur, répondit Bricheteau, vers 1809 vous avez eu un fils.

— Une belle malice ! Qui n’a pas eu un fils ?

— Ce fils, vous l’avez eu d’une jeune fille nommée Catherine Goussard, la seule femme peut-être que vous ayez aimée.

— C’est vrai, c’était un ange de douceur et de résignation ; on peut bien dire que par celle-là j’étais aimé pour moi-même.

— Son Jules ! dit Bricheteau, c’était sa vie.

— Ah ça ! vous êtes donc plus que moi, chef de la police, pour savoir des choses qui ne se sont passées qu’entre cette fille et moi, à moins pourtant que vous ne fussiez en tiers ; ce qui n’aurait rien d’impossible, car la petite a mal fini.

— Oui : elle est morte dans un lieu infâme.

— Où le désespoir l’avait jetée, poursuivit Vautrin.

— Où la force l’avait conduite, reprit Jacques Bricheteau, expressément de votre part, où elle fut retenue par la violence et dont elle ne put sortir que par la mort qu’elle se donna elle-même pour que son fils n’eût pas une mère flétrie.

— Mais ce sacrifice fut inutile, l’enfant a disparu et probablement n’a pas vécu.

— Vous a-t-on jamais représenté son extrait mortuaire ? Pour les autres, il disparut sans qu’on ait pu savoir ce qu’il était devenu. À vous, il fut donné tantôt comme enlevé par des saltimbanques, tantôt comme mort pendant les années de votre exil.

— Mais enfin, savez-vous s’il existe ? demanda Vautrin, avec une émotion qu’on peut se représenter, si l’on veut bien se rappeler les prodigieux instincts de paternité qui apparurent dans cet homme lors de la mort de Lucien de Rubempré, un fils, comme il l’appelait, qu’il s’était donné à l’encontre des lois de la nature et sans qu’à beaucoup près il fût pour quelque chose dans le fait de sa naissance.

— Il a vécu et je sais où il est.

— Monsieur, s’écria Saint-Estève, ce n’est pas un piège que vous me tendez ? J’ai un fils et il vit ?

— Il s’appelle Sallenauve, membre de la Chambre des Députés.

— Oh ! monsieur, dit Vautrin, dont le visage fut en un moment inondé de larmes, je l’avais deviné : deux fois dans ma vie je l’ai vu, et je ne sais quelle impression de tendresse j’avais ressentie pour lui.

— Eh bien ! les papiers que vous avez contribué à enlever contiennent toute l’histoire de sa filiation ; et maintenant les lâches dont il gêne la politique le menacent de le flétrir par l’ébruitement donné à votre paternité.

— Ah ! cette cassette ! j’avais eu l’instinct de l’ouvrir, s’écria Vautrin en cessant de nier sa participation au crime. Mais, monsieur de Rastignac, ajouta-t-il d’une voix terrible, nous aurons à compter ensemble, et mon fils ne sera pas ainsi jeté aux gémonies.

Bricheteau dit alors en détail tout le contenu du coffret ; il était sûr, aux élans si vrais dont il avait été le témoin, qu’il ne plaçait pas mal sa confidence, et qu’il venait de faire à la cause de Sallenauve un allié dévoué et puissant. Quand ce long récit eut pris fin :

— Monsieur, dit Vautrin, ma vie est à vous quand vous la voudrez, après ce que vous avez fait pour mon enfant ; mais je ne l’ai pas vu, ce plus cher de tous les trésors ; j’ai vu M. de Sallenauve et non le fils de Jacques Collin ; il faut que je le voie. Dans l’intérêt même de la lutte qui va s’engager, j’ai besoin de conférer avec lui, avec vous.

— Le voir, dit Jacques Bricheteau, c’est une autre question plus difficile. Il faut y penser.