11. L’Unité de l’État et les contradictions du Capitalisme


Depuis 1919, l’évolution économique et politique universelle a encore renforcé cette position doctrinale. L’État est devenu un géant. C’est l’État qui peut résoudre les contradictions dramatiques du capitalisme. Ce qu’on appelle la crise ne peut être résolu que par l’État et dans l’État. Où sont les ombres des Jules Simon qui, à l’aube du libéralisme, proclamaient que l’« État doit travailler à se rendre inutile et à préparer sa démission » ? Où sont les ombres des Mac Culloch qui, dans la seconde moitié du siècle dernier, affirmaient que l’État doit se garder de trop gouverner ? Et que diraient, en présence des interventions continuelles, sollicitées et inévitables de l’État dans les affaires économiques, l’Anglais Bentham, selon lequel l’industrie n’aurait dû demander à l’État que de lui laisser la paix, ou l’Allemand Humboldt, d’après lequel l’État « oisif » doit être considéré comme le meilleur ? Il est vrai que la seconde génération des économistes libéraux fut moins extrémiste que la première et que Smith lui-même ouvrait la porte — bien que prudemment — aux interventions de l’État dans le domaine économique.

Si libéralisme veut dire individu, le fascisme signifie État. Mais l’État fasciste est unique et c’est une création originale. Il n’est pas réactionnaire, mais révolutionnaire, en ce sens qu’il devance la solution de certains problèmes universels, posés d’ailleurs, — dans le domaine politique — par le fractionnement des partis, par les abus de pouvoir du parlementarisme, par l’irresponsabilité des Assemblées ; — dans le domaine économique — par les fonctions syndicales toujours plus nombreuses et plus puissantes, tant du côté ouvrier que du côté patronal, à la fois par leurs conflits et leurs ententes ; — dans le domaine moral — par la nécessité de l’ordre, de la discipline, de l’obéissance aux règles morales de la patrie.

Le fascisme veut que l’État soit fort, organisé et qu’il repose en même temps sur une large base populaire. L’État fasciste a également revendiqué pour lui le domaine de l’économie ; et par les institutions corporatives, sociales, éducatives, qu’il a créées, le sens de l’État arrive jusqu’aux ramifications extrêmes du pays et, dans l’État, circulent, encadrées dans leurs organisations respectives, toutes les forces politiques, économiques et spirituelles de la nation. Un État qui s’appuie sur des millions d’individus qui le reconnaissent, le sentent et sont prêts à le servir, n’est pas l’État tyrannique du seigneur du Moyen-Âge. Il n’a rien de commun avec les États absolutistes d’avant ou d’après 1789. L’individu dans l’État fasciste n’est pas annulé, mais bien plutôt multiplié, de même que dans un régiment un soldat n’est pas diminué, mais multiplié par le nombre de ses compagnons d’armes. L’État fasciste organise la nation, mais il laisse cependant aux individus une marge suffisante ; il a limité les libertés inutiles ou nuisibles, mais il a conservé les libertés essentielles.