La Corée, indépendante, russe, ou japonaise/Partie I/Chapitre VII


VII

LE JAPON REND LA GUERRE INÉVITABLE



Préparatifs japonais en vue d’une invasion de la Corée. — Depuis plusieurs années, leurs navires de guerre, munis des cartes dressées depuis 1854 par les explorations françaises et anglaises, avaient fouillé crique par crique toute la côte coréenne sur le détroit de Tsou-Chima et la mer Jaune. Ils s’étaient surtout attachés à Port-Creigthon, Port-Hamilton, et Nautilus (entre les îles Insult, Mandarin et Nautilus, découvert en 1886). Ils avaient refait l’hydrographie de cette dernière rade et séduits par sa position hors de vue des routes maritimes qui mènent à Fousan, cachée aux indiscrets par la muraille montagneuse de ses îles, en avaient fait leur base d’opérations préliminaires.

Les bateaux de guerre et les transports y étaient venus un à un sans éveiller les soupçons, et au moment voulu avaient fondu « comme un vol de gerfauts » sur Fousan, et Chémoulpo (12 juin 1894).

Les envois de troupes et de notes diplomatiques s’entre-croisèrent pendant un mois. Enfin la Chine lança un ultimatum, et le Japon, après avoir une dernière fois sommé le roi de Corée de réclamer la retraite des forces chinoises, fit occuper son palais et installer un nouveau gouvernement sous la dictature du Taï-Ouen-Koun (22-23 juillet). Il rendit la guerre inévitable en faisant attaquer par ses croiseurs le croiseur chinois Tsi-Yuen et le paquebot anglais affrété Kowshing, qui amenaient des renforts aux Chinois postés à Asan, sur la baie de Gursan, au sud de Séoul, le 23 juillet. Le premier fut pris, le second torpillé. Trois jours plus tard, le général Ochima battit les Chinois à Asan et les réduisit à se réfugier à Pyng-Yang ou Phyon-Yang.

Déclaration de guerre entre le Japon et la Chine. — Le 1er août, le Japon notifiait aux puissances que l’état de guerre existait entre lui et la Chine, et les deux belligérants lançaient chacun un manifeste pour rejeter sur son adversaire la responsabilité de l’ouverture des hostilités.

Indépendance reconnue à la Corée par le Japon. Alliance offensive et défensive entre les deux États. — De plus, le Japon faisait un pas décisif, dans la solution de la question coréenne suivant ses propres intérêts, en signant avec le roi Li-Hsi un instrument diplomatique ainsi conçu :

« En conséquence du fait que, le 25 juillet, le gouvernement coréen a confié à l’envoyé extraordinaire, ministre plénipotentiaire du Japon à Séoul, la mission d’expulser, avec ses propres moyens, l’armée chinoise du territoire coréen, les gouvernements du Japon et de la Corée ont été mis en situation de se prêter mutuellement assistance à la fois offensive et défensive, et les plénipotentiaires constitués par les deux gouvernements sont tombés d’accord sur les articles suivants :


« 1o L’objet de l’alliance est de maintenir l’indépendance de la Corée sur un fondement ferme et de développer les intérêts du Japon et de la Corée en chassant l’armée chinoise du territoire coréen ;

« 2o Le Japon entreprendra toutes les opérations militaires tant offensives que défensives contre la Chine, pendant que la Corée s’efforcera de donner toutes les facilités possibles au Japon pour les mouvements de ses armées et la fourniture des approvisionnements ;

« 3o Le traité cessera à la conclusion d’un traité de paix avec la Chine. »


En vertu de cet acte, le Japon avait fait débarquer de nouvelles troupes en Corée, et son armée, forte de 36 000 hommes, commandée par le général Yamagata, avait complètement battu les forces chinoises de Sung-Te-Tcheng à Pyng-Yang le 15 septembre. Celles-ci s’étaient repliées au nord, derrière le Yalou, laissant la Corée tout entière aux mains des Japonais.

Le surlendemain 17, la défaite de la flotte chinoise par l’amiral Ito, entre les îles Hayang et l’embouchure du Yalou, assura à la flotte japonaise l’empire de la mer et la tranquille possession de la péninsule coréenne.

Le parti réformiste, rassuré, sans crainte d’un retour victorieux de l’ancien maître, fit aussitôt enlever le couronnement en bois sculpté de l’Arche triomphale dressée sur la route de Pékin, et la laissa réduite aux deux piliers figurés sur la photographie.

ARCHE TRIOMPHALE SUR LA ROUTE DE PÉKIN.

Les Japonais ont emporté ce « trophée » au Japon, où il figure dans Ouyeno, un des grands parcs de Tokyo.


Mes fonctions spéciales me retinrent avec l’armée japonaise pendant les campagnes de Port-Arthur et de Weï-haï-weï, jusqu’au mois de mars 1895, et c’est à cette date seulement que je pus venir voir comment les Japonais pratiquaient à l’égard de la Corée leur apostolat civilisateur. J’arrivai le 3 mars devant Chémoulpo, le plus grand port de la presqu’île sur la mer Jaune.