La Cité de Dieu (Augustin)/Livre XI/Chapitre XVII

La Cité de Dieu
Texte établi par RaulxL. Guérin & Cie (Œuvres complètes de Saint Augustin, tome XIIIp. 234).
CHAPITRE XVII.
LA MALICE N’EST PAS DANS LA NATURE, MAIS CONTRE LA NATURE, ET ELLE A POUR PRINCIPE, NON LE CRÉATEUR, MAIS LA VOLONTÉ.

C’est donc de la nature du diable et non de sa malice qu’il est question dans ce passage : « Il est le commencement de l’ouvrage de Dieu[1] » ; car la malice, qui est un vice, ne peut se rencontrer que dans une nature auparavant non viciée, et tout vice est tellement contre la nature qu’il en est par essence la corruption. Ainsi, s’éloigner de Dieu ne serait pas un vice, s’il n’était naturel d’être avec Dieu. C’est pourquoi la mauvaise volonté même est une grande preuve de la bonté de la nature. Mais comme Dieu est le créateur parfaitement bon des natures, il est le régulateur parfaitement juste des mauvaises volontés, et il se fait bien servir d’elles, quand elles se servent mal de la bonté naturelle de ses dons. C’est ainsi qu’il a voulu que le diable, qui était bon par sa nature et qui est devenu mauvais par sa volonté, servît de jouet à ses anges, ce qui veut dire que les tentations dont le diable se sert pour nuire aux saints tournent à leur profit. En créant Satan, Dieu n’ignorait pas sa malignité future, et comme il savait d’une manière certaine le bien qu’il devait tirer de ce mal, il a dit par l’organe du Psalmiste : « Ce dragon que vous avez formé pour servir de jouet à vos anges » ; cela signifie que tout en le créant bon, sa providence disposait déjà les moyens de se servir utilement de lui, quand il serait devenu mauvais.

  1. Job, XL, 14.