La Cité de Dieu (Augustin)/Livre VIII/Chapitre XXII

La Cité de Dieu
Texte établi par RaulxL. Guérin & Cie (Œuvres complètes de Saint Augustin, tome XIIIp. 172).
CHAPITRE XXII.
IL FAUT MALGRÉ APULÉE REJETER LE CULTE DES DÉMONS.

Ainsi donc, puisqu’il est impossible d’admettre aucune de ces quatres suppositions, il faut rejeter sans réserve cette doctrine d’Apulée et de ses adhérents, que les démons sont placés entre les hommes et les dieux, comme des interprètes et des messagers, pour transmettre au ciel les vœux de la terre et à la terre les bienfaits du ciel. Tout au contraire, ce sont des esprits possédés du besoin de nuire, étrangers à toute idée de justice, enflés d’orgueil, livides d’envie, artisans de ruses et d’illusions ; ils habitent l’air, en effet, mais comme une prison analogue à leur nature, où ils ont été condamnés à faire leur séjour après avoir été chassés des hauteurs du ciel pour leur transgression inexpiable ; et, bien que l’air soit situé au-dessus de la terre et des eaux, les démons ne sont pas pour cela moralement supérieurs aux hommes, qui ont sur eux un tout autre avantage que celui du corps, c’est de posséder une âme pieuse et d’avoir mis leur confiance dans l’appui du vrai Dieu. Je conviens que les démons dominent sur un grand nombre d’hommes indignes de participer à la religion véritable ; c’est aux yeux de ceux-là qu’ils se sont fait passer pour des dieux, grâce à leurs faux prestiges et à leurs fausses prédictions. Encore n’ont-ils pu réussir à tromper ceux de ces hommes qui ont considéré leurs vices de plus près, et alors ils ont pris le parti de se donner pour médiateurs entre les dieux et les hommes, et pour distributeurs des bienfaits du ciel. Ainsi s’est formée l’opinion de ceux qui, connaissant les démons pour des esprits méchants, et persuadés que les dieux sont bons par nature, ne croyaient pas à la divinité des démons et refusaient de leur rendre les honneurs divins, sans oser toutefois les en déclarer indignes, de crainte de heurter les peuples asservis à leur culte par une superstition invétérée.