La Cité de Dieu (Augustin)/Livre VII/Chapitre XXV

La Cité de Dieu
Texte établi par RaulxL. Guérin & Cie (Œuvres complètes de Saint Augustin, tome XIIIp. 149).
CHAPITRE XXV.
QUELLE EXPLICATION LA SCIENCE DES SAGES DE LA GRACE A IMAGINÉE DE LA MUTILATION D’ATYS.

Varron ne dit rien d’Atys et ne cherche pas à expliquer pourquoi les Galles se mutilent en mémoire de l’amour que lui porta Cybèle[1]. Mais les savants et les sages de la Grèce n’ont eu garde de laisser sans explication une tradition si belle et si sainte. Porphyre[2], le célèbre philosophe, y voit un symbole du printemps qui est la plus brillante saison de l’année ; Atys représente les fleurs, et, s’il est mutilé, c’est que la fleur tombe avant le fruit. À ce compte le vrai symbole des fleurs n’est pas cet homme ou ce semblant d’homme qu’on appelle Atys, ce sont ses parties viriles qui tombèrent, en effet, par la mutilation ; ou plutôt elles ne tombèrent pas ; elles furent, non pas cueillies, mais déchirées en lambeaux, et tant s’en faut que la chute de cette fleur ait fait place à aucun fruit qu’elle fût suivie de stérilité. Que signifie donc cet Atys mutilé, ce reste d’homme ? à quoi le rapporter et quel sens lui découvrir ? Certes, les efforts impuissants où l’on se consume pour expliquer ce prétendu mystère font bien voir qu’il faut s’en tenir à ce que la renommée en publie et à ce qu’on en a écrit, je veux dire que cet Atys est un homme qu’on a mutilé. Aussi Varron garde-t-il ici le silence ; et comme un si savant homme n’a pu ignorer ce genre d’explication, il faut en conclure qu’il ne la goûtait nullement.

  1. Sur Cybèle, Atys et les Galles, voyez le chapitre précédent.
  2. Dans son livre De ratione naturali deorum. Sur Porphyre, voyez plus bas, chap. 9 du livre x.