La Cité de Dieu (Augustin)/Livre VII/Chapitre XIII

La Cité de Dieu
Texte établi par RaulxL. Guérin & Cie (Œuvres complètes de Saint Augustin, tome XIIIp. 141-142).
CHAPITRE XIII.
SATURNE ET GÉNIUS NE SONT AUTRES QUE JUPITER.

Mais à quoi bon parler davantage de ce Jupiter, à qui peut-être il convient de rapporter toutes les autres divinités ? Et dès lors la pluralité des dieux ne subsiste plus, du moment que Jupiter les comprend tous, soit qu’on les regarde comme ses parties ou ses puissances, soit qu’on donne à l’âme du monde partout répandue le nom de plusieurs dieux à cause des différentes parties de l’univers ou des différentes opérations de la nature. Qu’est-ce, en effet, que Saturne ? « C’est, dit Varron, un des principaux dieux, dont le pouvoir s’étend sur toutes les semences ». Or, n’a-t-il pas expliqué tout à l’heure les vers de Valérius Soranus en soutenant que Jupiter est le monde, qu’il répand hors de soi toutes les semences et les absorbe toutes en soi ? Jupiter ne diffère donc pas du dieu dont le pouvoir s’étend sur toutes les semences. Qu’est-ce maintenant que Génius ? « Un dieu, dit Varron, qui a autorité et pouvoir sur toute génération ». Mais le dieu qui a ce pouvoir, qu’est-il autre chose que le monde, invoqué par Valérius sous le nom de « Jupiter père et mère de toutes choses ? » Et quand Varron soutient ailleurs que Génius est l’âme raisonnable de chaque homme, assurant d’autre part que c’est l’âme raisonnable du monde qui est Dieu, ne donne-t-il pas à entendre que l’âme du monde est une sorte de Génie universel ? C’est donc ce Génie que l’on nomme Jupiter ; car si vous entendez que tout Génie soit un dieu et que l’âme de chaque homme soit un Génie, il en résultera que l’âme de chaque homme sera un dieu, conséquence tellement absurde que les païens eux-mêmes sont obligés de la rejeter ; d’où il suit qu’il ne leur reste plus qu’à nommer proprement et par excellence Génius le dieu, qui est, suivant eux, l’âme du monde, c’est-à-dire Jupiter.