La Cité de Dieu (Augustin)/Livre IX/Chapitre XX

La Cité de Dieu
Texte établi par RaulxL. Guérin & Cie (Œuvres complètes de Saint Augustin, tome XIIIp. 191).
CHAPITRE XX.
DE LA SCIENCE QUI REND LES DÉMONS SUPERBES.

Toutefois, si nous consultons les livres saints, l’origine même du mot démon présente une particularité qui mérite d’être connue. Il vient d’un mot grec qui signifie savant[1]. Or, l’Apôtre, inspiré du Saint-Esprit, dit : « La science enfle, mais la charité édifie[2] » ; ce qui signifie que la science ne sert qu’à condition d’être accompagnée par la charité, sans laquelle elle enfle le cœur et le remplit du vent de la vaine gloire. Les démons ont donc la science, mais sans la charité, et c’est ce qui les enfle d’une telle superbe qu’ils ont exigé les honneurs et le culte qu’ils savent n’être dus qu’au vrai Dieu, et l’exigent encore de tous ceux qu’ils peuvent séduire. Contre cette superbe des démons, sous le joug de laquelle le genre humain était courbé pour sa juste punition, s’élève la puissance victorieuse de l’humilité qui nous montre un Dieu sous la forme d’un esclave ; mais c’est ce que ne comprennent pas les hommes dont l’âme est enflée d’une impureté fastueuse, semblables aux démons par la superbe, non par la science.

  1. Δαήμωον ; c’est l’étymologie donnée par Platon dans le Cratyle. Voyez ce dialogue, page 398 B. — Comp. Mart. Capella, livre ii, p. 39.
  2. I Cor. viii, 1.