La Cité de Dieu (Augustin)/Livre I/Chapitre XXIX

La Cité de Dieu
Texte établi par RaulxL. Guérin & Cie (Œuvres complètes de Saint Augustin, tome XIIIp. 21-22).
CHAPITRE XXIX.
RÉPONSE QUE LES ENFANTS DU CHRIST DOIVENT FAIRE AUX INFIDÈLES, QUAND CEUX-CI LEUR REPROCHENT QUE LE CHRIST NE LES A PAS MIS À COUVERT DE LA FUREUR DES ENNEMIS.

Toute la famille du Dieu véritable et souverain a donc un solide motif de consolation établi sur un meilleur fondement que l’espérance de biens chancelants et périssables ; elle doit accepter sans regret la vie temporelle elle-même, puisqu’elle s’y prépare à la vie éternelle, usant des biens de ce monde sans s’y attacher, comme fait un voyageur, et subissant les maux terrestres comme une épreuve ou un châtiment. Si on insulte à sa résignation, si on vient lui dire, aux jours d’infortune : « Où est ton Dieu[1] ? » qu’elle demande à son tour à ceux qui l’interrogent, où sont leurs dieux, alors qu’ils endurent ces mêmes souffrances dont la crainte est le seul principe de leur piété[2]. Pour nous, enfants du Christ, nous répondrons : Notre Dieu est partout présent et tout entier partout ; exempt de limites, il peut être présent en restant invisible et s’absenter sans se mouvoir. Quand ce Dieu m’afflige, c’est pour éprouver ma vertu ou pour châtier mes péchés ; et en échange de maux temporels, si je les souffre avec piété, il me réserve une récompense éternelle. Mais vous, dignes à peine qu’on vous parle de vos dieux, qui êtes-vous en face du mien, « plus redoutable que tous les dieux ; car tous les dieux des nations sont des démons, et le Seigneur a fait les cieux[3] ? »

  1. Psal. XLI, 4.
  2. On sait assez qu’il était d’usage dans l’ancienne république de faire des prières publiques, aux jours de grand péril ; mais il est bon de rappeler ici qu’au moment où Alaric parut devant Rome, cette vieille coutume fut encore mise en pratique par le sénat romain. Voyez Sozomène, lib. IX, cap. 6 ; Nicéphore, Annal., lib. XIII, cap. 35, et Zozime, lib. V, cap. 41.
  3. Psal. xcv, 4, 5.