La Chymie charitable et facile, en faveur des dames/01

PREMIERE PARTIE.
Des Principes, Operations, Vaiſſeaux, Luts, Fourneaux, Feux, Caracteres & Poids de la Chymie.


Chapitre premier.
Du Sel.


LA Chymie a pour object les Corps mixtes entant que diviſibles & reſolubles, ſur leſquels elle travaille, pour en extraire les trois Principes, qui ſont Sel, Soufre & Mercure ; ce qui ſe fait par deux operations generales, ſçavoir Solution, & Congelation. Premierement nous parlerons du Sel comme du pere de la generation, puis qu’il ſemble que c’eſt luy qui contribuë le plus à la production. Il s’en trouve de trois ſortes dans chaque corps, Le Fixe, le Nitre, et l’Armoniac, leſquels ne procedent que d’un, & ſont diverſifiez par le mélange des deux autres principes. Le Sel Fixe eſt celuy qui eſt rendu viſible par l’Art, & qui contient en ſoy une vertu balſamique. Il ſe diſſout dans l’eau, il ſe condenſe au chaud ; & aprés pluſieurs diſſolutions & purifications il eſt rendu fuſible comme metal, & comme baume ; & enfin, il a la vertu de conſerver toutes les choſes où il domine, il les purifie, & diſſipe leur humidité ſuperfluë ; c’eſt pourquoy ſelon le mixte duquel il eſt extrait, il fait des operations admirables.

Le Sel Nitre tient le milieu entre le Fixe & l’Armoniac : il s’attache au Soufre, il eſt en petite quantité, il n’eſt point viſible, & conſerve la vertu de ſon ſuject. S’il eſt extraict d’un Purgatif, il purgera ; d’un Diuretique, il fera uriner, & ainſi du reſte. C’eſt luy qui donne le gouſt & l’odeur au Soufre.

L’Armoniac eſt celuy qui paſſe avec l’eſprit & l’eau és diſtillations. Sans luy les eaux diſtillées ne ſe pourroient conſerver ſans ſe corrompre ; & ſi les vaiſſeaux dans leſquels ont les met ne ſont bien bouchez, il ſe perd & diſſipe, & elles ſe putrifient.


Chapitre II.
Du Soufre.


LE Soufre, ſecond principe fait l’union de l’eſprit & du corps, c’eſt pourquoy il eſt appellé par quelques autheurs Ame. Il en eſt de trois ſortes, groſſier, moyen, & ſubtil. Le groſſier ſe joint au Sel Fixe, le moyen au Sel Nitre, & le ſubtil à l’Armoniac, Le groſſier eſt en petite quantité, & c’eſt luy neantmoins qui donne la vertu balſamique au Sel Fixe.

Le Soufre moyen eſt compofé de parties graſſes, chaudes, & huileuſes ; il brûle facilement, il eſt viſible par les effects, il domine le Sel Nitre, & ſe joint avec luy.

Le Soufre ſubtil s’unit au Sel Armoniac ; c’eſt luy qui facilite ſon elevation, & qui fait que les Eſprits s’enflamment.

Les parties huileuſes & graſſes, que nous appellons Soufre, ne ſe tirent pas d’une meſme partie du mixte, & ne ſont pas en tous également. Aux uns, elles ſont aux racines & eſcorces ; aux autres, aux fleurs, fueilles ou fruits ; à quelques-uns, aux ſemences. Ce Soufre eſt de facile corruption, dautant qu’il domine le Sel Nitre : cela ſe void dans les huiles tirées par expreſſion, leſquelles s’engraiſſent, & ſe purrifient ; ce qui n’arrive pas aux eſſences diſtillées, dautant qu’elles ſont aidées & corrigées par le feu.


Chapitre III.
Du Mercure.


TOvtes les choſes qui ſont au monde proviennent d’un, & cet un en produit trois : ce qui nous peut dõner une idée du myſtere adorable de la tres-ſainte Trinité. La Chymie nous en preſente un crayon, puis qu’elle trouve une trinité non ſeulement dans chaque ſujet, mais dans chaque principe. Nous avons veu dans les Chapitres precedens, de trois ſortes de Sel, & de trois conditions de Soufre ; il eſt auſſi aſſeurément de trois differens Mercures, leſquels, comme j’ay dit au Chapitre des Sels, ne procedent que d’un, & ne ſont diverſifiez que par le mélange des deux autres principes.

Il ſe trouve dans le Sel Fixe joint au Soufre groſſier un Mercure peſant, rebelle, & de difficile élevation, qui ne quitte qu’à force de feu. Nous voyons cela dans la diſtillation du Sel des Simples, duquel le Mercure ne ſe tire que par un long & preſſant feu. L’eſprit de Sel n’eſt donc autre choſe qu’un Mercure peſant uni au Sel Fixe, qui contient en ſoy un Soufre groſſier, où le Soufre & le Mercure ſont dominez par le Sel Fixe.

Le ſecond Mercure, le Sel Nitre, & le Soufre moyen s’uniſſent & ſe joignent enſemble, comme eſtans d’une meſme nature.

Le tres-ſubtil Mercure, le Soufre ſubtil, & l’Armoniac ou Volatil paſſent enſemble dans les diſtillations, ainſi nous voyons dans chaque principe une Trinité tres-unie, leſquels trois principes ſont produits par un, & chacun en produit trois.

Un nombre infini de Philoſophes ont écrit du Mercure ſelon leur ſentiment, & chacun en particulier a plûtoſt ſuivi ſon inclination que la raiſon. Quelques-uns veulent que le Mercure des ſimples & des animaux ſoit coulant & lucide comme celuy des mètaux ; ce qui ne peut eſtre, y ayant une difference tres-grande entre les trois regnes. D’autres veulent qu’il ſoit ſubtil, diaphane, tranſparent & inſipide, ce qui n’a aucune apparence. Je demeure d’accord qu’il doit eſtre tres-clair, tres-ſubtil, & détaché de toute acrimonie, mais non pas inſipide, puiſque c’eſt cet eſprit de vie, qui eſt d’autant plus penetrant qu’il eſt plus détaché de la partie terreſtre, & dont la pureté augmente la force. Nous experimentons cette verité dans la depuration de l’Eſprit de vin, qui devient ſi ſubtil, qu’à peine le peut-on conſerver dans quelque vaiſſeau que ce ſoit. Le Mercure n’eſt donc autre choſe que l’Eſprit de vie, ſeparé des parties groſſieres, & rendu par la main de l’Artiſte tres-ſpirituel, & qui eſt en plus grande ou plus petite quantité ſelon le mixte. Ce n’eſt pas que l’on le puiſſe reduire à ſon premier principe ; car il eſt impoſſible de diviſer une choſe qu’elle ne participe des trois, la nature eſtant ſi ſage ouvriere, & faiſant ſi parfaitement ſon mélange, qu’il n’eſt pas en noſtre pouvoir de diviſer entièrement ce qu’elle a conjoint, mais ſeulement d’aſſembler les ſpirituelles avec les ſpirituelles, les moyennes aux moyennes, & les groſſieres avec les groſſieres, non toutefois ſans quelque ſpiritualité dans chacune, puis qu’autrement il ſe trouveroit deux principes dénuez de puiſſance.

Les trois principes ſont plus difficiles à tirer des Animaux que des Vegetaux, & des Mineraux & Metaux encore dauantage. Ceux qui ont écrit de ces matieres ſe ſont moins-attachez à la demonſtration qu’à la ſpeculation, en quoy bien ſouvent l’on eſt trompé ; car la Theorie & la pratique ſont pour l’ordinaire differentes, & l’action nous inſtruit bien davantage que la contemplation.


Chapitre IV.
Des Operations de Chymie.


IL eſt neceſſaire qu’un Artiſan ſçache parler en termes de ſon Art, & qu’il connoiffe les outils, & les uſtancilles dont il ſe doit ſervir. Nous parlerons premierement des Operations, & particulierement des Diſtillations.

Les Chymiſtes font de trois ſortes de Diſtillations, qu’ils appellent, Per aſcenſum, Per medium cornutum, Per deſcenſum. Per aſcenſum eſt une Diſtillation qui éleve les eſprits en forme de fumée, où ne trouvant point de ſortie, ils ſe condenſent en eau, & tombent par le canal du chapiteau. Per medium cornutum eſt un moyen ou milieu pour les choſes qui ne peuvent pas s’élever facilement. Per deſcenſum pour les choſes peſantes. Mais parlons de chacune de ces Diſtillations en particulier.

Diſtillation per aſcenſum.


LA Diſtillation per aſcenſum ſe fait en pluſieurs manieres, ſelon la choſe que l’on veut diſtiller. Si c’eſt Eſprit de vin, elle ſe doit faire au Bain. Si ce ſont des Eſſences aromatiques, comme Roſmarin, Sauge, Hyſope, Fenoüil, Anis, & autres de pareille nature, cette diſtillation ne ſe peut faire que dans un Alambic de cuivre, dautant qu’il faut un feu violent, quantité d’herbes pour tirer une once d’Eſſence, & l’on ne trouve point de vaiſſeaux de verre aſſez grands, & qui ayent de tuyau refrigeratoire, bien qu’il ſoit neceſſaire de rafraîchir pour empeſcher la perte des eſprits. C’eſt pourquoy ceux qui ont dit qu’il ne falloit point abſolument ſe ſervir de cuivre ont eu tort ; dautant qu’il eſt impoſſible de le pouvoir faire autrement. De plus, chaque diſtillation eſt ſi peu à ſe faire dans ces vaiſſeaux, que les ſimples n’en peuvent recevoir aucune mauvaiſe qualité, puiſque trois heures ſuffiſent pour cet effect. Le raiſonnement feroit croire, comme les Aromats ſont de nature chaude, que la chaleur du Bain boüillant ſeroit ſuffiſante pour élever leurs Eſſences, veu que toutes choſes ſe portent devers leur centre ; mais l’experience nous apprend qu’il ne s’éleve que fort peu d’Eſſence dans le Bain.

Pour obſerver l’ordre que je me ſuis preſcrit, je continueray, & diray que pour faire cette operation, il faut prendre les fueilles & les fleurs de l’Aromatique, que l’on voudra diſtiller, & remplir l’Alembic juſqu’à quatre doigts prés de l’embouchure, ſi elles ſont vertes ; ſi elles font ſeiches, il faut laiſſer ſix doigts ; Verſez de l’eau par deſſus ſur les ſeches, parties égales ; & ſur les vertes, deux doigts au deſſous deſdites herbes, autrement le tout ſe brûleroit, & ſentiroit l’empyreume, & meſme toute l’humidité qui en ſortiroit ſeroit conſommée par la force du feu. Voſtre vaiſſeau eſtant remply de la ſorte, vous le mettrez ſur un tripied, ou fourneau & luy adapterez ſon chapiteau, auquel vous joindrez un tuyau refrigeratoire, lequel paſſera au travers d’un tonneau rempli d’eau, le petit bout penchant pour faciliter la ſortie des eſprits, auquel vous mettrez un Recipient, & boucherez bien les jointures, & donnerez un feu de flamme juſqu’à ce que vous voyez diſtiller dans voſtre Recipient. Alors il faudra moderer voſtre feu, de peur que le tout ne gonfle. Si voſtre Alembic tient deux ſeaux ou environ, quand vous aurez diſtillé cinq pintes, ceſſez, & vous aurez l’eau & l’eſſence de voſtre ſimple méleés enſemble. Vous les ſeparerez par le vaiſſeau ſeparatoire, qui eſt un Entonnoir de verre que vous emplirez, & boucherez le bout d’en bas de voſtre doigt, toute l’Eſſence s’élevera au deſſus, & lors qu’il n’en montera plus, faites ouverture de voſtre doigt, & laiſſez paſſer toute l’eau. doucement, & rebouchez quand vous verrez l’Eſſence. Vous la mettrez dans un autre vaiſſeau que vous boucherez avec un bouchon de verre ; au deffaut vous y mettrez de la veſſie de porc moüillée. Si vous voulez que voſtre eau ſoit ſpirituelle, vous la rectifirez trois ou quatre fois au Bain. Pour le reſidu qui ſe trouve dans l’Alembic, vous l’exprimerez, & filtrerez pour en faire l’Extrait, ou Teinture, & mettrez la maſſe ſecher, de laquelle vous pourrez extraire le Sel.

Diſtillation au ſable, limailles & cendres.


CEtte maniere de diſtiller eſt pour les choſes qu’il faut pouſſer par le feu. Vous mettrez un doigt de ſable, limailles de fer, ou cendres dans une terrine, & mettrez voſtre pot d’Alembic de verre deſſus, dans lequel ſeront les ſucs des herbes que vous voudrez diſtiller, ou les herbes meſmes avec leur menſtruë, & le couvrirez de ſon Chapiteau à bec, auquel vous joindrez un Recipient ; le tout eſtant bouché, vous poſerez la terrine ſur un tripied, fourneau, ou rechaud. Vous mettrez la hauteur de trois ou quatre doigts de ſable au tour de voſtre pot d’Alembic, & ferez feu par degrez. La limaille de fer eſt le feu le plus chaud : le ſable ſuit, celuy de cendres eſt le moindre.

Diſtillation au Bain Marie.


CEtte Diſtillation eſt appellée du nom de celle qui l’a inventée, qui eſtoit la ſœur de Moyſe, Marie ſurnommée la Propheteſſe, laquelle a fait le Livre intitulé des trois Paroles. Elle ſe fait en cette ſorte. Vous prendrez un Chaudron, au fond duquel vous mettrez un Cercle ou petit Tripied de la hauteur de deux doigts pour empeſcher que voſtre vaiſſeau ne touche contre le fond du Chaudron ; vous poſerez deſſus voſtre pot d’Alembic remply juſques aux deux tiers de la liqueur que vous voulez diſtiller, & mettrez ſon Chapiteau deſſus, au haut duquel vous attacherez une ficelle que vous ferez tenir aux deux ances du Chaudron, de peur que le pot d’Alembic ne nage ſur l’eau ; vous mettrez un Recipient, boucherez bien toutes les jointures, & ferez le feu ſelon la choſe que vous voudrez diſtiller. Si c’eſt de l’Eſprit de vin, que l’eau du Bain ſoit tiede ; de l’eau Roſe, qu’elle ſoit chaude ; du Vinaigre, qu’elle ſoit boüillante. Le jugement de celuy qui travaille fait ces diſcernemens. Il y a des Chaudrons faits exprés pour cet uſage appellez Bains Marie, dans leſquels l’on peut faire pluſieurs diſtillations tout à la fois. Il eſt à obſerver que l’eau du Bain ſoit bord à bord de la matiere contenuë dans le vaiſſeau : & lors qu’elle diminüera, il en faut mettre de chaude, de peur de caſſer les vaiſſeaux.

Du Bain Vaporeux.


LE Bain Vaporeux eſt pour humecter les matieres calcinées, & celles qui ſont trop ſeches, deſquelles l’on veut faire expreſſion. Il ſe fait en cette ſorte. Prenez les choſes, ſoit calcinées, ou ſeches, aprés avoir eſté pilées, & les mettez dans de petits ſachets ; ſuſpendez les ſur la vapeur d’un Chaudron plein d’eau boüillante pour humecter leſdites choſes, & les tournez juſques à ce qu’elles ſoient tout à fait imbibées. Vous mettrez les calcinées en lieu froid ſuſpenduës, un vaiſſeau, deſſous pour recevoir ce qui en ſortira : cecy s’appelle par defaillãce. L’huile de Tartre calciné ſe fait en cette matiere. Pour les matieres que vous voulez tirer par expreſſion, vous les mettrez ſous la preſſe ; c’eſt ainſi que l’on tire l’huile de Noix, celle des Amandes, & celle des quatre ſemences froides.

Diſtillation per medium cornutum.


CEtte Operation tient le milieu entre les deux extremitez. Elle eſt pour les choſes extremément rebelles & condenſées : l’on ſe ſert de pluſieurs manieres pour faire le feu. Le feu ouvert eſt le plus laborieux, dautant qu’il eſt pour les Mineraux & Metaux qu’il faut calciner auparavant que de les diſtiller. L’humidité ſuperfluë eſtant diſſipée, il ne reſte plus que l’humidité radicale, qui n’en ſort qu’avec difficulté : c’eſt pourquoy il faut un grand feu, & violent, qui neantmoins ſoit par degrez, de peur de caſſer les vaiſſeaux.

Vous prendrez deux Cornuës ou Retortes, dans l’une deſquelles vous mettrez ce que vous voudrez diſtiller, ſoit Sel decrepité, Vitriol calciné, Salpetre, Alun, ou autre choſe. Vous la remplirez juſques à la moitié, ou pour le plus juſques aux deux tiers, & y adapterez une autre Cornuë, en ſorte que celle qui contient la matiere entre dans celle qui ſert de Recipient ; il faut que celle qui reçoit ſoit de beaucoup plus grande que celle qui contient, afin que les eſprits ayent le moyen de circuler. Pour la diſtillation des Eaux fortes, on ſe ſert pour Recipient d’un grand Matras à col court, autrement appellé Ballon. Il faut bien luter les deux vaiſſeaux enſemble, & donner le feu par degrez, tant & ſi fort que requiert la matiere que l’on veut diſtiller. Au défaut d’un Fourneau, l’on peut faire le feu à la Cheminée avec des briques, & approcher le feu de temps en temps. Ce feu s’appelle de Roüe. L’on peut auſſi diſtiller par la Retorte au ſable, limailles & cendres, le Vinaigre, la Canelle, le Clou de girofle, la Terebentine, & autres ; obſervant l’ordre comme il a eſté dit aux diſtillations precedentes.

Diſtillation per deſcenſum.


CEtte Operation eſt fort peu uſitée, elle n’eſt que pour les Gommes Raiſineuſes & peſantes, deſquelles l’on tire la liqueur en cette maniere. Il faut avoir un pot de terre verniſſé, large de cul, & percé fort prés à prés de petits trous, comme pour paſſer un grain de bled ; vous le remplirez à moitié de la Gomme que vous voudrez diſtiller, & le couvrirez d’un couvercle que vous luterez, & mettrez une terrine ſous ledit pot. Entourez voſtre terrine de terre, mettez des charbons allumez ſur le couvercle, augmentez le feu juſques à ce que le tour du pot qui ſera vuide ſoit entouré ; & lors que vous n’entendrez plus d’ebullition l’operation ſera faite. Il ſaut laiſſer refroidir le vaiſſeau dans ſon feu ; & quand il ſera froid, il faut prendre ce qui ſera diſtillé dans la terrine, & le rectifier par la Cornuë. L’on peut diſtiller des Roſes de cette forte par un feu doux.

Sublimation.


PLvsievrs ont confondu la Diſtillation avec la Sublimation ; il eſt bien vray qu’en toutes les deux il ſe fait élevation en l’une des parties fluides & liquides, c’eſt pourquoy elle eſt appellée diſtillation, dautant que les fumées qui s’élevent, tombent en eau : il n’en eſt pas de meſme de la Sublimation, car ce ſont les parties les plus ſpirituelles, legeres, & ſeches qui s’élevent & adherent au col du vaiſſeau. Il eſt à remarquer que quand on ſublime choſes minerales ou metalliques, les parties les plus élevées comme folle farine ſont veneneuſes, & que la Medecine defend abſolument de s’en ſervir.

La Sublimation ſe fait ſimple, ou par addition. La ſimple eſt lors que la matiere ſe ſublime ſeule, l’autre quand il faut adjoûter de la limaille de fer, Sel preparé, ou des Cailloux : calcinez pour arreſter les parties les plus terreſtres & groſſieres. Le vaiſſeau de Sublimation eſt un Matras ou haute Cucurbite, avec un Alembic aveugle percé à la cime, ou un vaiſſeau de verre appellé Aludel : le feu doit eſtre de ſable, limailles ou cendres dans une Terrine, comme il a eſté dit. Souvenez-vous qu’il eſt neceſſaire en toutes Operations de garder les degrez du feu.

Rectification.


CEtte Operation eſt fort neceſſaire pour rendre les eſprits plus purs & plus ſpirituels, & pour les détacher de ce qu’ils pourroiẽt avoir encore d’impur & de terreſtre, apres avoir eſté diſtillez ſoit par la Retorte ou par l’Alembic. Vous rectifirez au Bain Marie à feu doux ou boüillant, ſelon la nature de la choſe. Plus vous rectifirez, plus il faudra diminuer le feu ; car les parties qui s’éleveront ſeront plus ſpirituelles.

Calcination.


IL eſt de deux ſortes de Calcination ; l’une ſimple, l’autre corroſive ; & toutes les deux ne ſont que pour les Mineraux & Metaux. La ſimple ſe fait en mettant voſtre metail ou mineral dans un Creuſet, & luy donnant un feu fort juſques à ce que vous ayez reduit ledit Metail, ou Mineral en poudre impalpable. La corroſive ſe fait par les eaux fortes, laquelle reduit les Metaux en chaux. Le nom de Calcination eſt fort mal donné à cette Operation, dautant que Calcination eſt deſtruction ; & l’or & l’argent ne ſont point détruits par les eaux fortes, mais ſeulement corrodez & alterez ; puiſqu’ils reprennent corps à feu violent, ce n’eſt point Calcination, mais ſeulement diſſolution imparfaite.

Cohobation.


COhober n’eſt autre choſe que mettre ce qui ſera diſtillé ſur ce qui reſte au fond du vaiſſeau diſtillatoire, afin que la partie ſpirituelle penetre plus facilement la maſſe, & qu’elle s’augmente en vertu. Cette Operation ſe fait plus au Bain qu’autrement. Celle qui ſe fait à la Cornuë, le feu doit eſtre doux, de peur de rendre les choſes diſtillées de mauvaiſe odeur.

Coagulation.


COagvler eſt rendre une choſe liquide, en conſiſtence ferme : elle ſe fait en deux façons, l’une par le feu, l’autre par le froid : celle du feu eſt lors que vous aurez extrait quelque teinture ; vous en ferez evaporer l’humidité dans une Terrine ou vaiſſeau de verre juſques à conſiſtence de Miel ou Extraict, ſelõ l’uſage auquel vous voudrez vous en ſervir. Celle qui ſe fait au froid eſt des Sels diſſouds, lors que vous aurez fait evaporer les deux tiers de l’eau, & qu’il ſe fait au deſſus une petite pellicule, vous mettrez voſtre vaiſſeau au froid à la cave, & une partie ſe coagulera en Criſtaux, leſquels vous acheverez de ſecher dans un Creuſet, & garderez dans un vaiſſeau bien bouché : faites evaporer comme deſſus, & mettez au froid juſques à ce qu’il ne ſe faſſe plus de criſtaux.

Filtration.


FIltrer en termes vulgaires, c’eſt paſſer, ou couler une choſe pour la rendre plus claire & plus nette. Elle ſe fait par le papier gris, ou la chauſſe d’Hypocras, ou par la languette, tant de fois que celuy qui opere ſoit ſatisfait. Cette Operation eſt fort neceſſaire pour l’extraction des Teintures & des Sels.

Deßication.


CAlcination & Deſſication ſont preſque une meſme choſe, à la reſerve du plus ou du moins. Deſſication eſt pour deſſecher & rendre la matiere capable d’impregner la liqueur qui luy ſera appoſée, ou s’impregner de ladite liqueur pour eſtre plus facile à broyer & piler.

Dulcoration.


CVlcorer eſt laver la Chaux des Metaux pour en oſter la corroſion que les eaux fortes leur pourroient avoir cõmuniquées. Elle ſert auſſi pour dulcorer le Soufre des Metaux & Mineraux qui pourroient eſtre corroſifs par l’addition qui auroit eſté faite pour avancer leur calcination. Les Pomades & choſes molles, meſme la Terebentine ſe peuvent dulcorer.

Inclination.


L’Inclination ſe fait lors que la choſe eſt lavée & dulcorée, & qu’elle eſt raſſiſe au fond du vaiſſeau, on verſe par inclination l’eau de deſſus, laquelle ſe ſepare de la matiere facilement.

Amalgamation.


SAns chercher l’origine de ce mot, lequel ſelon quelques Auteurs, n’eſt que pour le mélange de l’argent vif avec la Chaux des Metaux ; je dis qu’amalgamer eſt méler, incorporer, & broyer une maſſe avec une liqueur tellement qu’elles ne ſe puiſſent ſeparer.

Digeſtion.


LA Digeſtion s’explique d’elle-meſme. Elle n’eſt autre choſe qu’une chaleur douce & penetrante & digerente, qui ſe fait en cette façon. Prenez la choſe que vous voudrez digerer, ſoit Vegetal ou Animal, & luy donnez un Menſtruë s’il eſt neceſſaire, & le mettez dans un Matras, ou Cucurbite bien bouchée avec un Alambic aveugle ; vous le mettrez au fumier de Cheval, ou Bain Marie, tant & ſi peu que le requerera la matiere que vous voulez digerer. Cette Operation ne ſe fait que pour détacher plus facilement les parties pures d’avec les impures, & les ſubtiles d’avec les groſſieres.

Putrefaction.


PVtrefaction, & Digeſtion ne ſont qu’une meſme choſe, à la reſerve que l’une eſt plus longue que l’autre, & qu’elles ont deux fins. La Digeſtion eſt une coction, & la Putrefaction une pourriture, afin que la matiere change de gouſt, d’odeur, & de couleur pour produire une choſe plus parfaite, & dépouillée de toutes ſes mauvaiſes qualitez ; & cette Putrefaction eſt une diſpoſition à une nouvelle generation Elle ſe fait dans le fumier ou au Bain, y adjoûtant un Menſtruë, s’il eſt neceſſaire pour la corrompre.

Menſtruë.


MEnstrve eſt une liqueur qui ſert pour aider à tirer, & extraire toutes ſortes d’eſprits, eſſences, teintures, ſels ; digerer, & corrompre toutes les choſes qui ont beſoin d’humidité. Il en eſt de pluſieurs ſortes ; ſelon la nature de la choſe que l’on veut extraire ou corrompre, on ſe ſert d’eſprit de vin, eſprit de roſée, d’eaux fortes, ſucs de limon, vinaigre diſtillé, eau commune ou eau diſtillée, ſelon que l’Artiſte le juge à propos.

Fermentation.


PRenez les choſes que vous voudrez fermenter, & les pilez ſi elles ſont vertes ; & ſi elles font ſeches, il les faut arrouſer, & les mettre dans un vaiſſeau de verre que vous boucherez, & mettrez à la cave dans du ſable ; vous l’y laiſſerez juſques à ce qu’elles commencent à s’aigrir, puis qu’elles ſeront alors aſſez fermentées pour les diſtiller. Cette operation ſe fait pour rendre les eſprits faciles à s’élever, & à ſe détacher des parties plus groſſieres.

Circulation.


CIrcvlation eſt proprement monter, & deſcendre. Cette operation ne ſert qu’à rendre les choſes ſpirituelles plus parfaites. Prenez deux Matrats de grandeur convenable, qui ayẽt le col court, dans l’un deſquels vous mettrez les choſes que vous voulez faire circuler : lutez bien les deux vaiſſeaux enſemble, & les mettez dans le fumier de cheval, ou au Bain Marie. Il faut qu’il n’y ait que le Matras dans lequel eſt la matiere, qui ſoit entouré de fumier, ou d’eau ; le reſte eſtant découvert, afin que les eſprits puiſſent circuler, & par la fraicheur de l’air ſe condenſer en eau, & retomber en bas. Le Pelican eſt un vaiſſeau fort propre à cette operation, & s’appelle communément vaiſſeau circulatoire ; au defaut duquel on ſe ſert de Matras, comme j’ay dit.

Defaillance.


I’Ay parlé cy-devant de la Defaillance en l’article du Bain Vaporeux, c’eſt pour les choſes calcinées, & humectées, qui ſe diſſolvent au froid ; leſquelles tombent par defaillance, & pour celles qui s’exprimẽt ſous la preſſe.

Reverberation.


LA reverberation eſt comme la calcination, excepté que la reverberation ſe fait dans un vaiſſeau clos, la calcination à feu découvert. L’on ſe ſert de cette operation à deux fins ; l’une, afin que les eſprits ſe calcinent avec les corps ; & l’autre, afin que la choſe que l’on veut calciner ait plus de force, & ſoit plus parfaite.

Precipitation.


PRecipitation eſt une operation, de laquelle on uſe aprés que l’on a fait diſſolution de quelque metal par l’eau forte, & qu’il eſt reduit en chaux. On ſe ſert d’eau marinée, pour affoiblir la force de ladite eau, & precipiter le metal en bas, pour l’adoucir aprés par dulcorations d’eau ſimple.

Eau marinée.


L’Eav marinée n’eſt autre choſe que de l’eau commune dans laquelle on à mis diſſoudre du ſel commun autant qu’elle en aura pû prendre. Elle ſert à precipiter la chaux des metaux, comme il a eſté dit cy-deſſus.

Stratification.


STratifier, eſt mettre une choſe en forme de lict dans un vaiſſeau, & mettre une autre choſe deſſus, & recommencer lict ſur lict juſques à ce que toutes vos matieres ſoient miſes. Elle ſe fait dans deux differens vaiſſeaux, ſçavoir creuſet & cucurbite. Le creuſet eſt pour les choſes minerales ; la cucurbite pour celles que l’on veut diſtiller ou mettre en digeſtion. Les Chymiſtes appellent cette operation, Stratum ſuper ſtratum.

Torrification.


LOrs qu’il faut torrifier un mixte, c’eſt qu’il a de l’impureté que l’on veut corriger, en diſſipant l’humidité ſuperfluë ou dangereuſe, dont il abonde. On fait ainſi. Reduiſez les matieres que vous voulez torrifier, ou pluſtoſt purifier & deſſecher en poudre ſi elles ſe peuvent piller, ou coupez-les par tranches, & les mettez dans un vaiſſeau propre, c’eſt à dire d’eſtain, parce qu’il ne peut reſiſter à une chaleur violente, & qu’il en faut une tres-douce ; vous le mettrez ſur un rechaud, & remurez toûjours juſques à ce que vos matieres ne rendent plus de fumée : donnez-vous de garde de cette fumée, car elle eſt dangereuſe. Pour l’Opion, l’Ellebore, la Scamonée, l’Antimoine, & quelques autres, ils ſe preparent de differentes manieres. L’on ſe ſert à quelques-uns de la flâme du Soufre pour torrifier, en mettant les drogues dans de petits quarrez de papier que l’on paſſe par deſſus juſques à ce qu’ils ne fument plus : quelques-uns les portent ſur eux dans de petits ſachets, & par long-temps les deſechent.

Decrepitation.


CEtte operation n’a qu’un ſeul object, qui eſt le Sel, & ne ſe pratique que pour le purifier. Dans toutes ſortes de Sel, il ſe trouve des eſprits fougueux, leſquels ne peuvent s’aſſujetir, ils s’emportent, & font un bruit tres-grand, lors qu’ils ſont enfermez, & caſſent tout ce qui s’oppoſe à leur violence ; mais la Chymie evite tous ces accidens, en purifiant les Sels de leurs méchantes qualitez. Cette operation ſe fait dans un vaiſſeau de terre qui reſiſte au feu, dans lequel vous mettrez le Sel que vous voudrez decrepiter, & poſerez ſur des charbons ardans le pot couvert avec quelque choſe de ſi peſant, qu’il puiſſe reſiſter, il ſe fera un grand bruit : lors qu’il ſera appaiſé, laiſſez refroidir voſtre Sel, & il ſera decrepité & preparé.

Feces.


L’On appelle Feces ce qui reſte au fond des vaiſſeaux aprés les diſtillations, & qu’elles ſont demeurées ſeches : l’on peut les brûler pour en extraire les Sels.

Teſte morte.


LA teſte morte eſt une choſe qui n’eſt propre à rien, inſipide, ſans gouſt & ſans ſaveur, de laquelle l’on ne peut rien extraire ; c’eſt pourquoy elle eſt appellée teſte morte, terre damnée ou condamnée.


Chapitre V.
Des vaiſſeaux.


LEs vaiſſeaux propres pour les diſtillations per aſcenſum, ſont l’Alembic de cuivre avec ſa cape & tuyau refrigeratoire, le Recipient s’appelle Matras.

Pour diſtiller au Bain-Marie, & aux feux de cendre, ſable, limaille & fumier, il faut une courge ou cucurbite de verre avec ſon chapiteau à bec, & ſon Recipient qui eſt un Matras à col long.

Pour diſtiller per medium cornutum, il faut deux cornuës, ou bien une cornuë, & un grand Recipient appellé Balon.

Pour ſublimer, il faut un Matras ou cucurbite avec ſon chapiteau troüé en haut, ou un Aludel.

Pour circuler, il faut deux Matras, ou un Pelican, au defaut une petite courge avec un Alembic aveugle.

Pour la digeſtion & putrefaction il faut des courges avec leurs chapiteaux aveugles ; & lors que la putrefaction ou digeſtion eſt faite, ſi l’on veut diſtiller, l’on n’a qu’à changer le chapiteau aveugle, & mettre celuy à bec avec ſon Recipient.

Pour calciner, il faut un creuſet ou un pot qui reſiſte au feu.

Pour reverberer, il faut deux creuſets, ou deux pots bien lutez les uns ſur les autres.

Pour decrepiter, il faut un pot couvert.

Pour torrifier un vaiſſeau d’eſtain.

Il eſt encore neceſſaire d’avoir des terrines, des cruches, & des fioles. La quantité des vaiſſeaux ne fait pas l’ habile Artiſte, & ne contribuë que peu à la perfection des remedes : plus un ouvrier eſt ſçavant, plus il trouve de facilité à faire ſon ouvrage, & eſt moins embaraſſé ; c’eſt pourquoy ces grands laboratoires, & ces nouvelles inventions de verre & de fourneaux, ne ſervent que de montre & de parade.


Chapitre VI.
Du Lut des vaiſſeaux.


PLvsievrs ont eſcrit des Luts des vaiſſeaux, & les ont compoſé de tant de drogues, que huit jours ne ſuffiroient pas pour les faire ; pour moy, ſuivant ma ſimplicité ordinaire, voicy ce que je vous conſeille.

Prenez de la terre à potier ſeche, & reduite en poudre ſubtile, que vous delayerez avec des blancs d’œufs bien battus, un peu de bourre ouverte, de la limaille de fer bien deliée, ou du ſable, & un peu d’urine, petriſſez le tout enſemble en conſiſtence de paſte molle, & en lutez vos cornuës & matras, ou autres vaiſſeaux que vous laiſſerez ſecher doucement à l’air ſans feu, ny Soleil. Ce Lut reſiſte au feu.

Pour refaire les vaiſſeaux caſſez, vous reduirez la chaux vive en poudre, & delayerez avec du blanc d’œuf ; vous tremperez un linge bien delié dedans, & l’appliquerez promptement ſur les caſſures.

Pour luter les Recipiens & les Courges avec leurs chapiteaux, il ne faut que de l’empois & du papier.

Ayant enſeigné à luter les vaiſſeaux, il eſt juſte de donner la maniere de les rogner, & de les percer.

Pour les percer, faites fondre du Soufre dans un creuſet, trempez une ficelle dedans, & la roulez de la grandeur que vous voudrez percer le vaiſſeau, mettez-y le feu, & lors que la ficelle ſera preſque brûlée, jettez un peu d’eau deſſus, le morceau de verre tombera.

Pour caſſer le col des vaiſſeaux, expoſez-les ſur la flâme de la chandelle, tournez juſques à ce qu’ils ſoient bien chauds, & les trempez dans l’eau par l’endroit chaufé ils caſſeront ; on peut les unir avec les dents d’une clef.


Chapitre VII.
Des Feux.


IL eſt de pluſieurs ſortes de feux ; il en eſt de naturels & d’artificiels. Le premier eſt

Le feu du Soleil, auquel on expoſe les choſes faciles à diſſoudre ou reſoudre. Il faut obſerver en ce feu, que les vaiſſeaux ne ſoient jamais pleins, parce qu’ils caſſent.

Le feu de fumier de pigeon, qui ſert pour les digeſtions & putrefactions, doit eſtre excité par le fumier de cheval.

Le feu de fumier de cheval ſert pour les meſmes choſes : il veut eſtre renouvellé tous les trois jours.

Le feu de lampe eſt le feu égal.

Le feu de charbon, pour les diſtillations par la cornuë, & le feu de bois pour l’Alembic refrigeratoire.

Il eſt abſolument neceſſaire de ſçavoir conduire ſon feu, d’en garder les degrez, & de l’augmenter ou diminuer ſelon le beſoin, puiſque de la conduite du feu dependent la perfection de l’ouvrage, & la conſervation des vaiſſeaux.


Chapitre VIII.
Des fourneaux.


L’Vsage des fourneaux n’eſt pas permis à toute ſorte de perſonnes, pour quelques conſiderations particulieres, ce qui eſt cauſe que pluſieurs ſont privez de faire les operatiõs Chymiques, ſe perſuadans que l’on ne peut pas travailler ſans fourneaux : pour les deſabuſer de cette erreur, & leur donner de la facilité, je dis que les fourneaux ne ſont point abſolument neceſſaires, puiſque l’on peut faire toutes les operations ſur un tripied entouré de brique, ou ſur un rechaut, ou au coin de la cheminée ; il eſt bien vray que l’on dépenſe un peu plus de bois & de charbon. Ceux qui ſeront ménagers, & qui auront pouvoir d’avoir des fourneaux, les pourront bâtir ſelon leur deſir ; la ſymmetrie n’eſtant point reglée, un chacun les fait à ſa volonté.

Les matieres pour faire les fourneaux, ſont de la terre à potier, & du ſable ; il faut couper la terre par petits morceaux, puis l’arrouſer d’eau, & la laiſſer imbiber peu à peu ; lors qu’elle ſera en conſiſtence de paſte molle, il faut méler avec, en diverſes fois, les trois parts de ſable qui aura eſté ſacé ; il faut peſtrir le tout enſemble juſques à ce que le ſable ne paroiſſe plus, & que la paſte ne s’attache point aux mains, à lors l’on pourra faire leſdits fourneaux : quand ils ſont faits, il les faut laiſſer ſecher doucement à l’ombre, & les mettre cuire au four de potier, s’il ſe peut, au defaut les couvrir de braiſe, ou les entourer de mottes à Tanneur, auſquelles on mettra le feu.

Quelsques-uns au lieu de ſable ſe ſervent de pots à beure reduits en poudre ; il y a de la peine à la faire, auſſi eſt-elle meilleure que le ſable. Il faut meſler bien peu de terre avec, dautant qu’il y en a desja une part.


Chapitre IX.
Des Caracteres Chymiques.


LEs Philoſophes ont fait tout ce qu’ils ont pû pour ne pas rendre leurs operations cõmunes. Ils ont caché ſous de certains caracteres le nom de la matiere des operations, & des vaiſſeaux, ce qui a eſté cauſe que pluſieurs ſecrets n’ont pas eſté pratiquez. C’eſt pourquoy j’ay voulu les expliquer en faveur de ceux qui liront ce Livre, pour leur faciliter toutes ſortes d’operations, & pour les exempter de chercher ailleurs leurs explications.

♁ ſignifie Antimoine.

☿ Mercure, ou vif argent.

🜟 Les ſept Metaux.

♂ Mars, ou Fer.

♀ Venus, ou Cuivre.

♄ Saturne, ou Plomb.

♃ Iupiter, ou Eſtain.

☽ La Lune, ou Argent.

☉ Le Soleil, ou Or.

♈︎ Le Belier.

♌︎ Le Lyon.

♐︎ Le Sagittaire.

♎︎ La Balance.

♒︎ Le Verſeur d’eau.

♊︎ Les Gemeaux.

♋︎ L’Eſcrevice.

♏︎ Le Scorpion.

♓︎ Les Poiſſons.

♑︎ Le Capricorne.

♉︎ Le Taureau.

♍︎ La Vierge.

🝯 Le Iour.

🝯 La Nuict.

🝮 L’Heure.

🝱 Le Mois.

🝟 L’Année.

🜂 Le Feu. L’Eau. L’Air. La Terre. L’Amalgame. L’Arfenic. Alun commun. Alun de Plume. CF Atrament ou Vitriol rougi. Azur. Airain. Atrament, ou Couperofe blanche. ♣ Aymant. Briques en poudre. ✓ Borax. Ceruffe. Chaux vive. Cinabre. E Cendres communes. H Cendres gravelées. ✓ Eau Forte. ✓ Eau Royale. Fleurs d’Antimoine. Fleurs d’Airain. .Huile. Litarge. Limaille de Mars. Laton.! Charitable & facile. Mercure de Vie. I Minium. NCMagnefie. 8 Mercure ſublimé. M Marcaflite. Mercure precipité. ✓ Orpiment. Pondres. Realgar. Soufre en canon. Soufre vif. Sel Armoniac. Salpetrc. Sel marin. Tartre. Tutie. Talc. Soude. Vitriol commun. Vrine. Vinaigre diſtillé. Vinaigre rouge. Vin blanc. X Verre. Sable. a Cornuë. $$ Stratification. 41 42 La Chymic Efprit de vin. Eſprit en general. Vert de gris. Feu de roüe. Sel Gemme. Sel Alkali. Soufre des Philofophes. Creufet. JC Alambic. XXX Camphre. Y Meche. Mort, ou teſte morte.’24 Signifie, Prenez. Grain pefatit. Demy Scrupule. D.J.Vn Scrupule. 3.B.Demi Drachme. 3-1-Vne Drachme. 3.0. Demi-Once.. 3.1.Vne Once. Vne Livre. ANA Quantité égale. QS Suffifante quantité. Mr. Manipule.. P.Pugille.

L’obſervation des poids eſtant neceſſaire en la Medecine, je les ay voulu inferer à la fin de cette Partie. Voicy leur explication.
Le grain vaut le poids d’un gros grain d’orge.
Le demy Scrupule vaut dix grains.
Le Scrupule vingt grains.
La demy Drachme eſt de 30. grains.
La Drachme eſt de 60. grains.
La demy Once eſt de 4. Drachmes.
L’Once de huit Drachmes.
La livre de Medecine eſt de douze onces.
Ana ſignifie parties égales de pluſieurs drogues differentes qui entrent dans la compoſition d’un remede, qui ſont écrites devant ce mot Ana.
Manipule ſignifie ce que l’on peut contenir dans la main.
Pugille eſt ce que l’on peut tenir avec trois doigts, ou pincée.