La Chymie charitable et facile, en faveur des dames/00

A MADAME
LA COMTESSE
DE GVICHE.

MADAME,

Auſſi-toſt que je me ſuis reſoluë à laiſſer ſortir ce Livre de mes mains, j’ay eſté inspirée de vous en faire un ſacrifice. Mon cœur tour transporté, ſans faire reflexion ſur la grandeur de voſtre merite, & ſur les défauts de mon Ouvrage, y a conſenti avec ioye : la raiſon m’a voulu faire connoiſtre ma temerité ; elle m’a fait un Portrait de vos perfections ſi éclatant, que ie n’ay pû conſiderer voſtre illuſtre Naiſſance, voſtre grande Vertu, & voſtre rare Beauté, qu’avec un respect meſlé de crainte & de veneration. Elle m’a repreſenté les ſervices que vos Anceſtres ont rendu à la France, la conduite. du Conneſtable de Leſdiguieres, la ſage adminiſtration du Duc de Sully, que le plus grand de tous les Monarques ne ſe contenta pas de gratifier de la charge de Premier Miniſtre, & de celle de Grand Maiſtre de l’Artillerie, mais voulut encore honorer de ſon alliance par le mariage de Mademoiſelle de Courtenay. Elle m’a fait voir que Vous eſtes petite-Fille d’un Chancelier le plus accomply qui ait iamais poſſedé cette charge ; fille d’un Duc & Pair, belle-fille d’un Mareschal de France, & femme d’un des plus vaillans Capitaines de l’Vnivers. Toutes ces conſiderations Madame, m’euſſent obligé de garder le ſilence, ſans une puiſſance ſuperieure, qui m’a donné l’aſſeurance que la Grandeur eſtoit genereuſe, la Nobleſſe obligeante, la Beauté douce & affable ; & que voſtre Bonté conſidererois plutoſt mon intention respectueuſe que ma preſomption. Appuyée ſur ces fondemens ie prens la liberté, Madame, de vous preſenter ce petit fruit de mes veilles : il s’intereſſe à la conſervation de voſtre ſanté, puis qu’il vous donnera quantité de remedes pour y contribuer. S’il a l’honneur de vous plaire, ie vous puis aſſeurer qu’il eſt veritable & fidelle ; & que ma plus grande paẞion eſt de vous témoigner avec quelle ſoumiẞion ie ſuis,

MADAME,

Voſtre tres-humble, & tres-obeïſſante Servante, Marie Meurdrac. A

MADEMOISELLE MEVRDRAC, Sur ſon Livre de Chymie, dedié à Madame la Comteſſe de Guiche.

SONNET.


I’Admire ta doctrine, & ton fameux Ouvrage
Doit eſtre des Sçavans l’entretien precieux :
Tout brille dans ce Livre, & la premiere page
Montre un objet qui charme & les cœurs, & les yeux.

Il fait joindre aux beautez la qualité de ſage ;
Il donne de l’amour meſme aux plus envieuxs
Et les plus beaux Eſprits par un commun ſuffrage,
Difent qu’en ce modelle on voit l’effort des Cieux,

C’eſt de ton choix illuſtre une marque bien juſte
D’avoir pour Protectrice une Perfonne auguste,
Que la Terre & le Ciel contemplent à plaiſir.

Des ſublimes vertus Minerve estant amië,
Sans doute elle t’apprit l’art de ſi bien choiſir ;
Car ce ſecret n’est point de ceux de la Chymie.

Dv PELLETIER. A MADEMOISELLE MEVRDRAC,

Sur la dedicace de ſon Livre.

SIXAIN.


QVand vous auriez par vos Ouvrages
Obtenu tous les avantages
Qui font juſtemet deus aux fruits de voſtre eſprit,
Vous n’auriez jamais eu de ſi haute louange
Que lors que vous avez conſacré cet efcrit
A celle à qui l’on voit les qualitez d’un Ange.

ANGELIQVE SALERNE. •863-8003606380636363636363-8563·8963-1963 A MADEMOISELLE MEVRDRAC ; Sur ſa Chymie Charitable & facile. SONNET. Effez, peuples, ceſſez d’élever des Autels A ceux qui vous avoient donné quelque peinture Des ſecrets qu’en ſon ſein renfermoit la Nature, Et ne les mettez plus au rang des Immortels. Non, non, c’estoit à tort qu’on les tenoit pour tels, Puis qu’ils nous ont voilé a une nuit tres-obſcure Ce que Dieu avoit mis dans chaque creature, Pour l’uſage commun du reſte des mortels. Nous te denons MEVRDRAC bien plutoft les hommages Qu’autrefois ont rendu les Anciens à leurs Sagess Ils nous cachoient leur art d’un foin trop affecté Et toy tu nous fais voir qu’il n’eſt plus difficile, Et par un esprit plein de generofité Enfin tu nous le rends charitable & facile. P.D.L. á v 89638363-8063-80638063 8638320638903 2034 203 PROSOPOPE’E D’APOLLON, Sur l’Ouvrage de Mademoiſelle MEVRDRAC. SONNET.. A Medecine vient de mon invention, LA monder Ma puiſſance n’a point nulle part de ſeconde, Et toute choſe naift de ma feule action. Les herbes & les fruits font ma production : Les animaux dans l’air, ſur la terre, & dãs l’onde : Ie fais les mineraux par ma vertu ſeconde, Et le Roy des metaux en ſa perfection.. . I’ay parmy les Mortels pour Compagnes deux femmes, Dont l’illustre de GVICHE en dérobant mes flâmes, Efclatte dans la Cour comme un autre Soleil :. Et la doce MEVRDRAC dans ſon genre d’écrires En imitant mon Art partage mon Empire : Et pas un de nous trois ne trouve ſon parcil. I. D. S. N. A MADEMOISELLE MEVRDRAC, Sur ſon Livre de Chymie. SONNE T. C DestinlignesHeres the Hifive mondonate : Ent fois j’ay celebré les plus ſublimes faits Mais quand il faut parler d’une illuſtre Sfavante, On je parle en tremblant, MEVRDRAC, ou je me tais. Ton livre nous fait voir de merveilleux effets, Qui des plus envieux ont ſurpaſſé l’attente ; Ou fait que ton esprit imite, ou qu’il invente, Le curieux y voit la fin de ſes ſouhaits. Que nos Neveux un jour te donneront de gloires Et pour dire levray l’on aura peine à croire Qu’une femme jamais ait eutant de fçavoir. Des ſecrets que ton Livre explique en chaque page, Pour ne te rien cacher, je ne voudrois avoir Que celuy de lower dignement ton Ouvrage… DY PELLETIER, ไม่ ǎ vj G F F F F F SONNET. D on en vestre OnItes-nous quel Esprit, ou quelle Deite, vrage, Et qui vous a donné ce bel art en partage De prolonger les jours, & rendre la ſanté ? Vous fçavez, dites-vous, conſerver la beauté, Et des défauts du tein reparer le dommage ; Mais du Sexe galand je vous promets l’hommage, Si vous avez trouvé ce ſecret ſouhaité. Non qu’il espere avoir cette delicateffe Qu’on voit briller au tein de l’aimable Comteffe Aqui vous dediez cet Ouvrage parfait. La plus vaine de nous ſe ſouhaite moins belle, Et vos plus beaux ſecrets auront aſſez d’effet S’ils font ſuivre de loin cet illustre Modelle. M.ZLE D.I.

Extrait du Privilege du Roy.


PAr grace & Privilege du Roy, il eſt permis à Damoiſelle Marie Meurdrac de faire imprimer un Livre qu’elle a compoſé, intitulé La Chymie Charitable & facile, &c. pendant l’eſpace de dix années : avec defenſes à tous autres d’en imprimer, vendre ou debiter pendant ledit temps, ſans le conſentement de ladite Expoſante ou de ceux qui auront droit d’elle, ſous les peines portées plus amplement par ledit Privilege. Donné à Paris le 20. Decembre 1665. Signé, De Quigy.

Et ladite Damoiſelle Marie Meurdrac a cedé & tranſporté ſon droit de Privilege pour le temps & aux clauſes qu’il contient, à Jean d’Hoüry, Marchand Libraire, ſuivant l’accord fait entr’eux.

Regiſtré ſur le Livre de la Communauté le 5. Ianvier 1666. Signé, PIGET.


Approbation des Docteurs en Medecine.


NOus ſouſſignez Docteurs Regens en la Faculté de Medecine à Paris, certifions avoir veu & leu un Livre intitulé La Chymie Charitable & facile : Compoſé par Damoiſelle Marie Meurdrac dans lequel nous ne trouvons rien qui ne puiſſe eſtre utile au Public. En foy dequoy nous avons ſouſcrit, Fait ce 10. Decembre 1665.

Signez, Le Vignon Doyen, De Caen. De Bourges.

AVANT PROPOS.


QVand j’ay cõmencé ce petit Traité, ç’a eſté pour ma ſeule ſatisfaction, & pour ne pas perdre la memoire des connoiſſances que je me ſuis acquiſes par un long travail, & par diverſes experiences pluſieurs fois reïterées. Ie ne puis celer que le voyant achevé mieux que je n’euſſe oſé eſperer, j’ay eſté tentée de le publier : mais ſi j’avois des raiſons pour le mettre en lumiere, j’en avois pour le tenir caché, & ne le pas expoſer à la cenſure generale. Dans ce combat je ſuis demeurée prés de deux ans irreſoluë : je m’objectois à moy-meſme que ce n’eſtoit pas la profeſſion d’une femme d’enſeigner ; qu’elle doit demeurer dans le ſilence, écouter & apprendre, ſans teſmoigner qu’elle ſçait : qu’il eſt au deſſus d’elle de donner un Ouvrage au public, & que cette reputation n’eſt pas d’ordinaire avantageuſe, puiſque les hommes mépriſent & blaſment touſiours les productions qui partent de l’eſprit d’une femme. D’ailleurs, que les ſecrets ne ſe veulent pas divulguer ; & qu’enfin il ſe trouveroit, peut-eſtre, dans ma maniere d’écrire bien des choſes à reprendre. Ie me flattois d’un autre coſté de ce que je ne ſuis pas la premiere qui ait mis quelque choſe ſous la Preſſe ; que les Eſprits n’ont point de ſexe, & que ſi ceux des femmes eſtoient cultivez comme ceux des hommes, & que l’on employalt autant de temps & de dépenſe à les inſtruire, ils pourroient les égaler : que noſtre ſiecle a veu naiſtre des femmes qui pour la Proſe, la Poëſie, les Langues, la Philoſophir, & le gouvernement meſme de l’Eſtat, ne cedent en rien à la ſuffiſance, & à la capacité des hommes. De plus, que cet Ouvrage eſt utile, qu’il contient quantité de remedes infaillibles pour la gueriſon des maladies, pour la conſervation de la ſanté, & pluſieurs rares ſecrets en faveur des Dames ; non ſeulement pour conſerver, mais auſſi pour augmenter les avantages qu’elles ont receus de la Nature ; qu’il eſt curieux, qu’il enſeigne fidellement & familierement à les pratiquer avec facilité ; & que ſe ſeroit pecher contre la Charité de cacher les connoiſſances que Dieu m’a données, qui peuvent profiter à tout le monde. C’eſt le ſeul motif qui m’a fait reſoudre à laiſſer ſortir ce Livre de mes mains : j’eſpere du public qu’il m’en ſçaura gré, & qu’il ne s’arretera pas tant à gloſer ſur la politeſſe de mon ſtile, que le ſujet que je traite ne pourroit ſouffrir, qu’à profiter de mes preceptes, pour bien reüſſir, & ſe rendre exact dans les operations qu’il ſe donnera la peine de pratiquer. Ie demande encore cette grace à ceux qui les voudront entreprendre, qu’ils diſtribuent liberalement aux pauvres les remedes comme j’ay fait juſques à preſent, puiſque je leur apprens le moyen de les faire preſque ſans dépenſe ; & puis qu’il eſt iuſte enfin que je profite de mes veilles, je les conjure pour toute reconnoiſſance, de ſe ſouvenir de moy dans les charitez qu’ils feront, & de me faire participante du merite de leurs bonnes œuvres ; impetrant pour moy du Ciel par leurs prieres, & par celles des pauvres qu’ils ſoulageront, de nouvelles lumieres, & des connoiſſances encore plus utiles que ie puiſſe derechef leur communiquer. Pour ce qui eſt des Dames qui ſe contenteront de ſçavoir ſimplement, ſans vouloir prendre la peine de faire les operations qu’elles iugeront leur eſtre neceſſaires, à cauſe du temps qu’il y faut employer, & des differentes ſortes de vaiſſeaux, & autres uſtancilles dont on a beſoin, ou qui craindront de ne pas reuſſir, ie m’expliqueray de vive voix quand on me fera l’honneur de m’en communiquer, & prendray foin de faire moy-meſme ce que l’on pourra ſouhaiter de ce que j’enſeigne. I’ay diviſé ce Livre en ſix Parties : dans la premiere, ie traite des principes & operations, vaiſſeaux, luts, fourneaux, feux, caracteres & poids : dans la ſeconde, ie parle de la vertu des Simples, de leurs preparations, & de la maniere d’en extraire les ſels, les teintures, les eaux & les eſſences : la troiſieſme eſt des Animaux ; la quatrieſme des Metaux ; la cinquieſme la maniere de faire les medecines compoſées, avec pluſieurs remedes tous experimentez : la ſixieſme eſt en faveur des Dames ; où il eſt parlé de toutes les choſes qui peuvent conſerver & augmenter la beauté. I’ay fait ce que j’ay pû pour me bien expliquer, & faciliter les operations : je n’ay point voulu paſſer mes connoiſſances, & puis aſſeurer que tout ce que j enſeigne eſt veritable, & que tous mes remedes ſont experimentez ; dont ie louë & glorifie Dieu.