La Chasse (Gaston Phœbus)/Chapitre XXVIII

, Joseph Lavallée
La Chasse (1854)
Texte établi par Léon Bertrand, Maison Lefaucheux (p. 128-129).
XXVIII. Ci devise comment on doit mener en queste son vallet pour aprendre à connoistre de grant cerf par le pié

Chapitre vingt-huitième.
Ci devise comment en doit mener en queste son vallet pour aprendre à connoistre de grant cerf par le pié.


Et lors le doit son mestre fere mener le limier en queste au matin après luy, et li enseinher quelle différence ne quelle connoissance a du pié du cerf à celuy de la bische, comme je diray, et du pié d’un grant cerf encontre d’un jeune, et d’un jeune cerf encontre celuy de la bische ; et quantz jugemens et connoissance il y ha. Et pour mieulz l’en acertener, il li doit avoir un pié d’un grant cerf et un autre d’un jeune cerf et un autre d’une bische ; et les doit chescun metre en terre dure et puis en molle ; une fois bien bouter dedans terre les piez einsi comme s’il fuyait ; autrefois le metre bellement sus terre einsi comme s’il alast le pas. Et en cela il se pourra adviser les différences et connoissances qui sont ès piez ; et trouvera qu’il n’est nul cerf si jeune, s’il porte vi corns ou plus qui n’ait le talon plus large et meilleur, et plus gros os que n’a une bische et voulentiers plus longues trasses. Toutesvoyes aucunes bisches y ha bien marchans qui ont aussi large sole de pié comme un jeune cerf qui portera vj cornz ; mes le talon ne les os n’ont ne si gros ne si larges.

Et aussi le vieill cerf et grant fet meilleur sole de pié et meilleur talon et meilleurs os et plus gros et plus large que ne fait un jeune cerf ne une bische. Ès piez des cerfs et bisches que j’ay dit dessus metre en terre, pourra il connoistre les différences mieulx que je ne saroye deviser. Aussi la biche a plus creuses trasses communément que n’a un jeune cerf ; et plus ouverte l’ongle devant du cerf dont chassable ; quar des autres ne men chaut, est le judgement ou talon gros et large et la sole du pié grant et large ; es os gros et larges et la pointe du pié reonde. Et j’ay bien veu grant cerf et vieil qui avoit bien creuses trasses ; et ce ne peut gréver ; mais que les autres signes dessus ditz y soyent ; quar creuses trasses et taillant ongle ne senefie se les signes dessus diz y sont forz que cerf qui hara hanté molt païs ou il n’ara guères de pierres, ou qu’il n’ara été chassié guères.

Aussi li vueill-je aprendre que s’il encontre d’un tel cerf qui ait les signes dessus diz et on li demande quien cerf ce est, il puet dire que c’est cerf chassable de dix cornz où il n’a point de refus. Et s’il voit le pié du cerf qui ait les signes dessus-ditz et tous les signes soient bien grans et larges, il puet dire que ce est cerf qui autre fois a porté x cornz. Et s’il voit encore les signes plus granz et plus larges, il puet dire qu’il est grant cerf et vieill ; et c’est tout quant qu’il puisse dire de cerf. Aussi li vueill aprendre qu’il appelle le pié du cerf les voyes et du sanglier les trasses. Et aussi li vueill aprendre que routes et erres vuelent dire ; quar c’est tout un. Erres sont les aleures par où une beste va, ou soit de bon temps ou de vieill. Routes sont aussi par là où il va.

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