La Chasse (Gaston Phœbus)/Chapitre XXIX

, Joseph Lavallée
La Chasse (1854)
Texte établi par Léon Bertrand, Maison Lefaucheux (p. 130-131).

Chapitre vingt-neuvième.
Ci devise comment on boit connoistre grant cerf par les fumées.


Aaprès li vueill aprendre à connoistre et jugier les fumées du cerf ; quar aucune-foiz les giètent en torche, aucune-fois en plateaus, aucune-fois fourmées, aucune-fois, aguillonnées, aucune-fois entées, aucune-fois pressées, et aucune-fois déboutées et en d’autres diverses manières, comme j’ay dit devant. Et quant ils les giètent en plateaus, et c’est en avril ou en may, jusques à mi juing, se les plateaus sont larges et gros et espès, c’est signe qu’il soit cerf de x corns chassable. Et s’il trueve les fumées en torche et ce soit de mi juing jusques à la mi aoust, de grosse fourme et grosses torches et bien moullées, c’est signe qu’il est cerf de x corns chassable ; et s’il trueve les fumées qui soyent fourmées, qui ne s’entretienhent point et c’est du commencement de juillet jusques à la fin d’aoust grosses et nouées et longues, et qu’elles ne soient entées, ne qu’elles n’ayent point de picon aux boutz, et soient pesanz et ointues[1] sanz limon, c’est signe que c’est cerf de x cornz chassable, et se elles sont vaines et legières et limoneuses, ou entées toutes communément ou les plus, ou déboutées ou aguillonnées aux ij boutz, ou à l’un ce sont mauvès signes, et n’est point cerf chassable, ne cerf de x cornz, se ce n’est quant ils vont au froieour et qu’ils deffont un pou leurs fumées et les giètent plus arses et plus longueletes et aucune-fois aguillonnées à l’un des boutz ; mes tantost comme ilz sont froyé et bruni, ilz refont leurs fumées comme devant, pour quant que les fumées soyent bonnes et grosses, se elles sont limoneuses, c’est signe qu’il a heu à souffrir.

Dès la fin d’aoust, fumées ne sont de nul judgement, que elles se deffont pour le ruit.

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  1. Ointues. Ointes, c’est à dire enduites d’une substance glaireuse qui dénote la venaison du cerf. « Depuis la my-juillet jusques à la fin d’aoust, ils (les vieux cerfs) doivent jeter leurs fumées toutes formées, grosses, longues et nouées, bien martelées, ointes ou dorées, n’en laissant tomber que bien peu. » Du Fouilloux, ch. xxiii.

    « Les cerfs dix-cors jeunement en jettent qui sont à peu près semblables ; mais ce qui les distingue de façon à ne pas s’y tromper, c’est qu’elles sont plus tardives, plus menues, plus rondes et moins glaireuses ; le défaut de glaires annonce le défaut de venaison » Leverrier de la Conterie. École de la Chasse. Rouen, 1763, p.121.