La Chandelle de Sixte-Quint,
ou Une aventure photographique
Chapitre II
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Chapitre II

— Si vous n’êtes pas trop fatiguée, mon enfant, nous allons vous faire en décolleté, puis en académie.

— Je ne suis pas fatiguée, dit-elle simplement. Alors il faut que je me déshabille ? Cela va se corser…

— Ôtez d’abord votre robe, je vous prie… Entrez si vous voulez dans ce cabinet.

Elle en sortit en simple jupon et corset, puis fut priée de prendre des attitudes analogues aux précédentes, et ce fut un nouveau régal pour moi de voir cette jeune femme exhiber, au milieu de ses jupons de dentelles, ses jambes d’un dessin parfait, depuis ses pieds cambrés dans ses bottines, ses mollets tendant le bas de soie, ses genoux ronds surmontés d’une jarretière rose, jusqu’aux cuisses blanches et potelées à la jonction desquelles apparaissait sa motte rebondie. C’était un tableau exquis auquel l’expression de son joli visage ajoutait un charme ineffable…

Après avoir été tirée ainsi dans deux attitudes, elle consentit à les renouveler immédiatement en académie, c’est-à-dire en chemise ou toute nue. Quelques instants suffirent à simplifier tout à fait son costume et elle sortit du cabinet absolument nue, n’ayant gardé que ses bottines et ses bas qu’elle tirait en souriant pour en faire disparaître tous les plis avant de poser…

On a beau dire, le nu sera toujours le nu. La simple vue de cette jolie femme s’exhibant toute nue devant l’objectif troubla encore plus mes sens que celle de ses postures lubriques avec ses vêtements. Le piquant du retroussé ne remplace pas la vue de ces tétons, de ce ventre, de ces flancs, de ces fesses offerts hardiment aux yeux, surtout quand il s’agit non d’une banale académie, mais d’un beau corps se prêtant à des attitudes lubriques. Le rejet du dernier voile déchaîne toutes les impudicités. Aussi, comment décrire mon émotion quand, en ce simple appareil, la jeune femme s’installa de nouveau sur la chauffeuse, la main entre ses cuisses écartées, et qu’au moment voulu elle reprit cette inimitable expression d’extase érotique qui eût fait le désespoir d’un peintre… Ce n’était plus seulement l’image d’une Parisienne fin-de-siècle se branlant à la lecture d’un livre cochon, c’était celle de la Vénus impudique moderne, celle de la luxure féminine faite chair…

Cette luxure s’infiltrait dans mes veines, embrasait mon sang. Je ne sais ce qui me retenait de me jeter sur ce beau corps, de me livrer sur lui à la plus ardente des fornications, sans souci de l’objectif qui m’eût pris en flagrant délit comme jadis les filles de Vulcain surprirent le dieu Mars et la déesse païenne en train de s’enfiler et tellement enivrés de volupté que les regards de tout l’Olympe ne les empêchèrent pas de tirer quand même leur divin coup…

… Mais pour l’instant, je dus aider mon ami à développer ses plaques, pendant que notre modèle, ayant repris sa chemise, allumait une cigarette.