La Chaîne des dames/Madame Myriam Harry

G. Crès (p. 71-82).



MYRIAM HARRY


— Lorsque j’étais petite, raconte en riant Mme  Myriam Harry, j’aimais les beaux mots, et je répétais sans cesse ceux qui avaient charmé mon oreille. C’est ainsi qu’un jour, ayant entendu un mot qui me semblait admirable, je m’en allai, guillerette, sous les palmiers, chantant à tue-tête : « Syphilis !… Syphilis !… Sy… ! »

Ah ! quelle enfant c’était là !

Ce n’est pas, généralement, par ce mot secret et redoutable que les petites filles, chez nous, commencent à réciter les litanies de Vénus. Mais, de mot en mot, épelés dans notre langue, qui n’était pas la sienne, la Petite fille de Jérusalem arriva très vite au verbe aimer, et le moins qu’on puisse dire, c’est que le plus beau mot de la langue française bondit de tous côtés et en tous sens des œuvres charmantes de Mme  Myriam Harry.

Il bondit avec la prestesse et la folie d’une bille lancée par un adroit bilboquet, tantôt sous le ciel brûlant de l’Afrique, près des jets d’eau, des terrasses et des divans indiscrets du harem ; dans les vergers de Palestine ; au bord des fleuves de la mer de Chine, sur les routes des caravanes, au milieu des flocons de neige qui couvrent les sapins de la Germanie, sous le ciel gris et rose du pays de France.

À ce jeu du bilboquet, on ne gagne pas à tout coup, mais à tout coup on admire la bille, la jolie bille, avec ses enluminures hardies qui toutes représentent le plaisir et l’amour. Page:Reval - La Chaine des dames.pdf/91 Page:Reval - La Chaine des dames.pdf/92 Page:Reval - La Chaine des dames.pdf/93 Page:Reval - La Chaine des dames.pdf/94 Page:Reval - La Chaine des dames.pdf/95 Page:Reval - La Chaine des dames.pdf/96 Page:Reval - La Chaine des dames.pdf/97 Page:Reval - La Chaine des dames.pdf/98 des mots, est bien un écrivain de chez nous.

Du haut des tours de Jérusalem, où je la vois se pencher sur la plaine et regarder qui avance du côté de Sion — Émir ou soldat — du haut de ces tours, où la brise du Liban gonfle ses voiles gris et caresse comme un doux emblème les deux petites mandarines qui sont sa parure d’épousée, Myriam Harry paraît être le fantôme de la sensualité de l’Orient dressé sur les ruines, non pour gémir, comme Esther, ni pour venger, comme Judith, mais pour moduler le nouveau cantique des Amants, qui s’élèvera de la ville sainte et, par sa bouche, fera frémir les reins et les cœurs !