La Catastrophe de la Martinique (Hess)/46

Librairie Charpentier et Fasquelle (p. 288-291).


XLVI

LES MOUVEMENTS SISMIQUES ET VOLCANIQUES DANS LA ZONE DE MOINDRE RÉSISTANCE


C’est Humboldt, je crois, qui a qualifié de zone de moindre résistance aux efforts d’expansion de la masse liquide centrale, la zone du centre Amérique et des Antilles, où il aurait calculé que la croûte terrestre est d’épaisseur moindre.

L’éruption de la Montagne Pelée n’a pas été un phénomène isolé. Elle a fait partie d’une série de manifestations du mouvement qui a agité toute la zone « de moindre résistance ».

Il y a eu tremblements de terre et éruptions volcaniques, successivement, au Guatemala, à la Martinique et à Saint-Vincent.

L’éruption de la Montagne Pelée a commencé en avril, juste à l’époque des éruptions et des tremblements de terre de Guatemala, qui étaient ainsi annoncés par Reuter et Havas :


New-York, 21 avril. — Une dépêche du Guatemala au Herald annonce que trois secousses de tremblement de terre ont eu lieu vendredi soir, détruisant la ville de Quesaltenango et détruisant de fond en comble Amatitlan.

Cinq cents personnes auraient été tuées à Quesaltenango, mais le nombre des victimes ne peut encore être exactement évalué à l’heure actuelle. (Reuter.)


New-York, 23 avril. — Le Herald publie un télégramme de Guatemala, disant que la plupart des villes, villages et plantations situés dans l’ouest de la République ont été détruits. Les volcans de Chingo, de San-Salvator et de Santa-Maria sont en éruption.

Le centre des récentes secousses de tremblement de ferre paraît avoir été dans ses derniers volcans. (Havas.)



L’île de Saint-Vincent fut aussi très cruellement éprouvée.

Deux mille cinq cents victimes et toute la partie nord de l’île ravagée par le volcan dont l’éruption paraît avoir été de même nature et de mêmes effets que ceux de la Montagne Pelée.

Un ami, qui venait de Saint-Vincent et que j’ai rencontré à Fort-de-France, m’a dit que c’était même volcan, même éruption.

Voici à ce propos quelques détails, d’après le Tidende :


L’éruption commence le 7, à 9 heures du matin.

La soufrière tonne et lance des éclairs. À 1 h. 30 de l’après-midi ce sont des grondements formidables avec d’énormes colonnes de fumée. À 2 h. 40, grêle de scories suivie d’une pluie de fines poussières. La cendre tombe à Kingston. Secousse de tremblement de terre. Plusieurs habitations détruites.

À 4 heures, obscurité complète.

Le 8, des morts, des dégâts.

Le 9, soufrière en pleine éruption.

Le 10, toute l’île « est couverte d’une humidité particulière et l’inhalation de vapeurs nocives répand la maladie ».

Le 16, il y a cinq mille personnes dans la misère et deux mille cinq cents morts.


Il s’est formé de nouveaux cratères à la soufrière de Saint-Vincent.


Un ministre wesleyen « qui fit une excursion jusqu’à 8 milles du cratère dans la journée du mercredi, vit s’élever une colonne de fumée de 13 kilomètres (?) puis un immense nuage de fumée descendit sur la route et l’avertit de ne plus avancer. Ce banc de fumée et de vapeurs sulfureuses avait la forme d’un gigantesque promontoire, puis se transformant en collection de nuages tournant avec rapidité, aboutit à des efflorescences de formes admirables brillamment illuminées de reflets électriques ». Des renseignements officiels disent qu’on ne peut s’approcher à plus de 5 milles du volcan à cause de l’intense chaleur. Le lac du sommet semble avoir disparu. Toute la contrée de Carib est couverte par de la terre volcanique.



Le 7 jusqu’à 7 heures du soir à la Barbade il y eut quelques éclairs dans le Nord-Ouest. Après 9 heures l’obscurité devint épaisse. Les tramways suspendirent leur service à huit heures.

Le lendemain le jour s’ouvrit triste et gris. La surface de la terre était couverte d’une fine poussière d’un gris brun. Les toits et les arbres en étaient chargés.

« Un gentleman a calculé qu’il était tombé 2.252.120 tonnes de poussière en 12 heures, soit 50 tonnes par hectare » (!).

Cette poussière venait de Saint-Vincent.