La Bonne aventure (Sue)/5/III

Michel Lévy Frères, libraires-éditeurs (p. 71-104).
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III

Le lendemain matin du jour où le prince royal avait dîné chez Anatole Ducormier en nombreuse et brillante compagnie, la même société se trouvait réunie au Pavillon de la Source, ainsi qu’on en était convenu la veille. Bientôt madame, la princesse de Lowestein remit le journal des tribunaux si impatiemment attendu à un aide-de-camp du prince royal, que celui-ci avait chargé de cette intéressante lecture. Anatole et sa femme arrivèrent les derniers. Le prince de Prusse les accueillit comme toujours, avec une distinction particulière, et engagea Ducormier à rester près de lui.

Les femmes s’assirent en cercle, les hommes se tinrent, derrière elles ; un profond silence s’établit. Le colonel Butler (aide-de-camp du prince) s’assit devant une petite table où se trouvait le verre d’eau sucrée de rigueur, et commença ainsi la lecture du journal judiciaire, au milieu d’une vive attention.

OBSERVATEUR DES TRIBUNAUX.

COUR D’ASSISES DE LA SEINE.
Présidence de M. Masson.
Audience du 5 septembre 1840.

« Paris et la France viennent d’être tenus pendant un mois dans une attente qu’il a été donné à peu de drames judiciaires d’exciter à un aussi haut degré ; nous n’avons pas besoin de longs développements pour démontrer que le procès qui commence aujourd’hui réclame la première place parmi les pages les plus intéressantes que le palais puisse jamais fournir à l’Observateur des Tribunaux.

« Depuis deux mois, l’instruction de ce procès, incroyable par les faits, presque énigmatique par le but, mais plein d’affliction pour l’une des plus grandes et des plus illustres familles de France, s’élaborait en silence, lorsqu’il y a peu de jours quelques fragments de l’acte d’accusation furent indiscrètement lancés dans le public ; un soulèvement électrique de toutes les classes de la société contre l’énormité de l’attentat éclata d’un bout de la France à l’autre ; telle fut à Paris l’influence de l’acte d’accusation, quoique incomplètement connu, qu’avant le jugement l’arrêt de condamnation se formulait dans les esprits les plus indulgents, l’on assurait même que la principale accusée verrait le barreau, qui de lui-même tend ordinairement la main aux prévenus, reculer cette fois devant une défense regardée d’avance comme impuissante.

« Ces craintes se sont réalisées. Telle était la monstruosité de l’attentat et la position que s’était faite la principale accusée par ses aveux mêlés de réticences inexplicables, qu’aucun avocat n’a voulu se charger de sa triste cause, M. le président a été obligé de désigner à l’accusée un défenseur d’office.

LE PRINCE ROYAL (interrompant la lecture.)

Il faut, en effet, que le crime de l’accusée soit évident à tous les yeux pour qu’elle ne trouve pas un défenseur. Qu’en pensez-vous, monsieur le comte ?

DUCORMIER.

Je crois, en effet, monseigneur, que ces exemples sont extrêmement rares dans nos procédures, car le proverbe dit qu’il n’est pas de si mauvaise cause qu’elle ne trouve un avocat.

LA DUCHESSE DE SPINOLA.

J’avoue, monseigneur, que le début de ce journal excite l’intérêt au dernier point.

LE PRINCE ROYAL.

Aussi, mesdames, je vous demande pardon d’avoir un instant interrompu cette lecture. (Faisant un signe à son aide de camp) : Veuillez continuer, colonel Butler.

L’aide de camp reprit ainsi :

« La curiosité, l’émotion du public a redoublé, lorsque l’on a su que la victime de ce crime épouvantable, quoiqu’elle lutte contre une mort qu’on dit prochaine, aurait peut-être le courage de se faire transporter à l’une des premières audiences, pour obéir aux désirs du tribunal et y comparaître entourée de tous les membres de son illustre famille, qui se porte partie civile.

« Ce matin les débats ont commencé ; de mémoire d’homme on n’avait vu pareille affluence au palais ; dès six heures du matin, plus de cent personnes, parmi lesquelles se trouvent une soixante d’avocats qui n’ont pu trouver de billets de faveur, se pressaient dans la galerie qui conduit à la cour d’assises ; à neuf heures cette foule se prolongeait jusqu’à la salle des Pas-Perdus ; un poste tout entier de gardes municipaux suffisait à peine à la contenir. À neuf heures et demie, les portes intérieures de la salle sont ouvertes aux personnes munies d’assignations ou de billets délivrés par M. le président (plus de quatre mille demandes lui ont été adressées, dit-on). La diplomatie, la chambre des pairs, la chambre des députés, la noblesse, la robe et la finance, ont sollicité cette faveur ; il y a eu bien des requêtes formées, peu d’exaucées. ; on assure que M. le premier président lui-même a été refusé il y a trois jours.

« Toutes les places étant occupées, on étouffe, on s’écrase dans les couloirs, et les divers escaliers qui conduisent aux portes d’entrée sont obstrués.

« Plusieurs banquettes ont été spécialement réservées pour le barreau ; l’enceinte qui borde le bureau de la cour est réservée pour la famille de la victime et pour son mari, qui se porte partie civile. Derrière la cour, des chaises sont placées pour les magistrats ; on y aperçoit MM. Rocher, Gilbert des Voysins, conseillers a la cour de cassation, de Herain, de Bastard, Jacquinot-Godard, Lefèvre, Pécourt, Champanet, Naudin, Boucly, Nouguier, Didelot, etc.

« On remarque aussi, sur des sièges derrière la cour, M. de S***, pair de France. S. E. M. le ministre plénipotentiaire de Suède, M. le général G***, MM. de T***, de la R***, de G***, M. le comte d’A***, directeur de la banque. Ce dernier n’arrive à sa place de haute faveur qu’après les plus grands efforts ; il reste pendant dix minutes confondu avec les témoins et entouré de deux sergents de ville et de trois gardes municipaux ; on le voit à la porte de la dernière enceinte, parlementant avec un municipal ; lui déclinant ses qualités présentes, se recommandant du souvenir de son autorité passée ; le garde municipal reste inflexible et continue de refuser l’entrée à l’ex-ministre de l’intérieur. Cependant un huissier vient tirer d’embarras M. le comte d’A***, qui raconte en riant sa petite mésaventure à M. de S***.

« Un grand nombre de dames garnissent les bancs qui leur sont destinés dans l’enceinte intérieure ; au milieu, d’elles, on nous indique madame la duchesse de Valaincourt, madame la comtesse de Brévanne, madame la princesse Soltikoff, madame la baronne de Robersac, madame la vicomtesse de Mareuil, et autres dames appartenant au plus grand monde.

« À dix heures, on voit se garnir le banc réservé a la famille de la partie civile ; M. le duc de Beaupertuis, mari de la victime, entre le premier. »

(À ce moment, la lecture du journal est interrompue par une exclamation de surprise et d’effroi qu’Anatole Ducormier ne peut retenir : il devient livide, et est obligé de s’appuyer au dossier du fauteuil de la duchesse de Spinola, placée devant lui. Quelques femmes se lèvent ; tous les regards se tournent vers Anatole, auprès de qui madame Ducormier accourt aussitôt…)

LE PRINCE ROYAL (avec intérêt à Ducormier).

Mon Dieu, monsieur le comte, vous pâlissez, vous pouvez à peine vous soutenir.

LA COMTESSE DUCORMIER (à son mari).

De grâce, mon ami, qu’avez-vous ?

DUCORMIER (d’une voix altérée).

Pardon, monseigneur, de cette émotion insurmontable ; vous la comprendrez, vous l’excuserez lorsque vous saurez que madame la duchesse de Beaupertuis est la fille de M. le prince de Morsenne, mon protecteur, l’homme excellent à qui je dois ma carrière inespérée.

LE PRINCE ROYAL (avec émotion).

Ah ! maintenant je regrette ma curiosité.

LE PRINCE DE LOWESTEIN.

Et moi, monseigneur, je regrette aussi vivement d’avoir fait naître cette curiosité.

MADAME DUCORMIER (à son mari).

Venez, mon ami. Son Altesse Royale voudra bien vous excuser de ne pas assister à une lecture qui sous tant de rapports vous serait si pénible.

LE PRINCE ROYAL.

Je vous en conjure, madame, emmenez ce cher comte. Il doit cruellement souffrir : je connais son cœur.

DUCORMIER (avec effort).

Monseigneur, j’aurai maintenant le courage d’entendre la suite de ce procès.

LE PRINCE ROYAL.

Mon cher comte, y pensez-vous ? c’est de la dernière imprudence, c’est vous exposer sans raison aux émotions les plus poignantes.

DUCORMIER.

Hélas ! je m’y attends, monseigneur. Mais maintenant que je sais qu’il s’agit de la fille de mon bienfaiteur, j’ai hâte plus que personne ici de connaître tous les détails de cet événement pour moi si horrible, si inattendu.

LE PRINCE ROYAL (serrant cordialement la main de Ducormier.)

Je conçois votre désir, il est courageux, Mais vous allez subir là, mon pauvre comte, une cruelle épreuve. (S’adressant à son aide de camp.) Continuez, je vous prie, colonel Butler.

(Anatole tombe accablé sur un siège placé près de lui, cache son visage entre ses deux mains, et la lecture recommence ainsi au milieu de la vive émotion causée par cet incident.)

« À dix heures on voit se garnir les bancs réservés à la famille de la partie civile. M. le duc de Beaupertuis, mari de la victime, entre le premier ; à côté de lui se placent madame la princesse de Morsenne, dont il est le gendre, et madame la marquise de Baudricourt, M. le duc et madame la duchesse de Morainval, M. le marquis de Vatpré, M. le maréchal prince de Lugano, tous parents de M. le duc et de madame la duchesse de Beaupertuis.

« Un petit incident cause quelque tumulte bientôt apaisé. Un monsieur d’une tournure juvénile, quoique d’un certain âge, avait donné le bras à madame la princesse de Morsenne, mère de la victime, et se disposait à entrer aussi dans l’enceinte réservée aux parents, lorsque l’huissier lui demande son nom.

« Nous entendons ce monsieur répondre :

« — Je m’appelle le chevalier de Saint-Merry.

« — Pardon, monsieur, — dit l’huissier en consultant sa liste, mais je ne vois pas, votre nom inscrit comme parent.

« — Si je ne suis pas parent, — répond avec hauteur et impatience M. de Saint-Merry en voulant forcer le passage, — je suis ami intime de la famille de Beaupertuis.

« — Vous ne pouvez entrer, monsieur, dans cette enceinte, — reprend l’huissier, — et je vous prie de vous retirer.

« — Monsieur m’accompagne, dit alors à haute voix madame la princesse de Morsenne à l’huissier ; puis, faisant signe à ce monsieur, elle lui dit : — Venez, venez, chevalier.

« Madame la princesse, qui paraît ignorer les usages du tribunal, va prendre le bras de M. le chevalier et le fait asseoir auprès d’elle ; l’audiencier n’ose sans doute pas s’opposer à cette infraction, soit par déférence au désir de la grande dame, soit par respect pour sa douleur (madame la princesse est la mère de la victime), et la légère rumeur causée par cet incident s’apaise bientôt.

« Au centre de l’enceinte réservée aux parents de la victime, on voit un grand fauteuil vide destiné à la recevoir, si son état, que l’on dit désespéré, permet qu’on la transporte à l’audience.

« Les avocats de la partie civile, deux princes du barreau, Me Rousseau et Me Cornuel, se sont fait assister dans cette cause importante par deux jeunes confrères : Me Rousseau est assisté par Me Dubreuil ; Me Cornuel par Me Justin.

« Les défenseurs de la principale accusée et de sa complice, M. Dumont et M. Louville (le premier a été nommé d’office par M. le président), sont aux bancs de la défense.

« À dix heures la cour entre en séance et occupe ses sièges. MM. les jurés sont ensuite introduits et prennent leur place habituelle.

« M. le président. — Je recommande le plus profond silence ; faites entrer les accusées.

« Un mouvement universel de curiosité éclate dans l’auditoire. C’est avec la plus grande peine que les deux accusées, conduites par des gardes municipaux, peuvent arriver jusqu’au banc des criminels.

« De toutes parts on entend s’écrier : — Assis ! en place ! — Plusieurs dames placées sur les dernières banquettes sont montées sur leurs sièges pour tâcher d’apercevoir les prévenues.

« Cette attente est en partie trompée, grâce au voile qui couvre presque complètement la figure des deux accusées ; elles tiennent leur tête baissée, le bas de leur visage est caché dans leur mouchoir.

« La principale accusée est coiffée d’une capote de crêpe blanc assez fraîche ; elle porte une robe de soie couleur raisin de Corinthe et un châle bleu à palmettes ; sa complice porte des vêtements de deuil qui attestent de longs services.

« M. Merville, substitut de M. le procureur général. — Attendu la longueur présumée des débats, nous requérons l’adjonction de deux jurés suppléants et d’un magistrat assesseur.

« M. le président (aux avocats). — La défense s’y oppose-t-elle ?

« Me Dumont. — Non, monsieur le président.

« M. le président. — La cour fait droit aux réquisitions du ministère public. Première accusée, levez-vous.

« L’accusée se lève brusquement.

« M. le président. — Quels sont vos noms et prénoms ?

« L’accusée (d’une voix brève) — Joséphine Maria Clermont, femme Fauveau.

« M. le président. — Votre âge ?

« L’accusée. — Vingt-cinq ans et deux mois.

« M. le président. — Le lieu, de votre naissance ?

« L’accusée. — Paris.

« M. le président. — Votre profession ?

« L’accusée. — J’étais marchande de gants et de parfumerie.

« M. le président. — Où demeuriez-vous lors de votre arrestation ?

« L’accusée. — À l’hôtel de Morsenne.

« M. le président. — Asseyez-vous.

« L’accusée Maria Fauveau, dont nous n’avons pu jusqu’alors distinguer complètement les traits, a répondu à toutes les précédentes questions d’une voix brève, saccadée. Plusieurs fois elle a souri d’un air sardonique, ce qui a paru causer une fâcheuse impression dans l’auditoire et surtout sur les bancs de la partie civile, où se trouvent M. le duc de Beaupertuis, sa belle-mère et sa famille.

« Madame la princesse de Morsenne, mère de la victime, a porté son mouchoir à ses yeux durant l’interrogatoire de l’accusée. Tandis que M. le duc de Beaupertuis détournait les yeux avec horreur, un de ses parents semble lui adresser des consolations.

« M. le président. — Seconde accusée, levez-vous.

« Cette accusée paraît si faible, si tremblante, qu’elle est obligée de s’appuyer sur le bras d’un garde municipal pour se lever de son banc ; elle porte son mouchoir à ses yeux et l’on entend ses sanglots étouffés.

« M. le président. — Quels sont vos nom et prénoms ?

« L’accusée répond d’une voix si faible que sa réponse ne parvient pas jusqu’au tribunal.


« M. le président à l’accusée. — Tâchez de parler plus intelligiblement. Quels sont vos nom et prénoms ?

« L’accusée (avec effort). Eulalie-Clémence Duval.

« M. le président. — Votre âge ?

« L’accusée. — Vingt et un ans.

« M. le président. — Le lieu de votre naissance ?

« L’accusée (d’une voix de plus en plus altérée). — La ville de Metz.

« M. le président. — Votre profession ?

« L’accusée, dont l’émotion est à son comble, ne peut supporter plus longtemps cet interrogatoire elle retombe sur son banc, dans un tel état de faiblesse, que son avocat est obligé de lui faire respirer des sels dont il s’est probablement muni d’avance.

« L’audience reste suspendue pendant quelques instants ; la principale accusée semble prendre un vif intérêt à la position de sa complice, et lui prodigue ses soins avec effusion.

« Pendant la durée de cet incident, les deux accusées ne peuvent s’entourer des mêmes précautions qui, jusqu’alors, avaient en partie dérobé leurs traits à la curiosité publique, et l’on peut alors parfaitement les distinguer.

« La première des prévenues, Maria Fauveau, quoique sa figure soit très pâle et très fatiguée, est l’une des plus jolies femmes que l’on puisse rencontrer. De superbe cheveux noirs, disposés en bandeaux, encadrent son front et font ressortir l’éblouissante blancheur de son teint ; l’on peut remarquer que sa taille est aussi svelte qu’élégante car son châle tombe de ses épaules dans l’empressement qu’elle met à secourir sa complice ; malheureusement le charmant visage de Maria Eauveau, est pour ainsi dire déparé par le regard de ses grands yeux noirs qui semble parfois égaré ; de plus, une sorte de contraction nerveuse des lèvres donne à la bouche de l’accusée une expression sardonique et méchante, alors même qu’elle prodigue ses soins à sa complice.

« Celle-ci, la fille Clémence Duval, malgré l’excessive maigreur de ses traits, a conservé les traces d’une rare beauté ; aussi, en voyant ses grands yeux d’un bleu d’azur, ses longs cheveux blonds et le caractère presque angélique de cette physionomie douce et souffrante, il est pénible de se souvenir de faits irrécusables, d’accablantes présomptions qui ne permettent pas de douter que la belle Clémence Duval ne soit coupable d’un crime odieux et probablement complice du monstrueux forfait pour lequel la femme Maria Fauveau est amenée devant la cour d’assises.

« Au bout de quelques instants, grâce aux soins dont elle est entourée, la fille Clémence Duval se trouve en état de répondre aux questions de M. le président.

« Le calme se rétablit et l’interrogatoire continue.

« M. le président à l’accusée. — Je vous ai demandé quelle était votre profession lors que vous avez été arrêtée.

« L’accusée. — Je tâchais-de vivre de mon travail.

« M le président à l’accusée. — Où demeuriez-vous lors de votre arrestation ?

« L’accusée. — Rue de la Bienfaisance, n° 3 ; j’occupais là un cabinet garni.

« M. le président à l’accusée. — Asseyez-vous.

« (La fille Clémence Duval retombe sur son banc et cache sa figure dans son mouchoir.)

« M. le président. — Je n’ai pas besoin de rappeler aux conseils des accusées qu’ils ne peuvent rien dire contre leur conscience ou contre le respect du aux lois, et qu’ils doivent s’exprimer avec décence et modération.

« Les deux défenseurs s’inclinent respectueusement.


« M. le président se lève et se découvre ; la cour l’imite, ainsi que messieurs les jurés, à qui M. le président lit la formule suivante :

« Messieurs, vous jurez et promettez devant Dieu et devant les hommes d’examiner avec l’attention la plus scrupuleuse les charges qui sont portées contre la femme Maria Fauveau et contre la fille Clémence Duval ; de ne trahir ni les intérêts des accusées ni ceux de la société qui les accuse ; de ne communiquer avec personne jusqu’après votre déclaration, de n’écouter ni la haine, ni la méchanceté, ni la crainte, ni l’affection ; de vous décider d’après les charges et les moyens de défense, suivant votre conscience et votre intime conviction, avec l’impartialité et la fermeté qui conviennent à un homme probe et libre.

« Après cette allocution, faite d’un ton imposant et solennel par M. le président, on procède à l’appel nominal de MM. les jurés : tour à tour ils étendent la main et prêtent serment en disant : Je le jure.

« M. le président aux accusées. Soyez attentives à l’acte d’accusation, dont le greffier va donner lecture à la cour.

« (Mouvement prolongé dans toute la salle.)

« M. le président. — Je recommande au public le plus grand silence ; j’avertis en outre, que tout signes soit d’approbation, soit d’improbation, est expressément défendu ; je serais obligé de faire sortir les personnes qui troubleraient l’ordre. (Un profond silence s’établit.)

« M. le greffier lit l’arrêt de renvoi suivant.

« Le procureur général près la cour royale de Paris expose que, par arrêt du 8 juillet dernier, la cour a ordonné la mise en accusation et le renvoi devant la cour d’assises de la Seine pour y être jugées conformément à la loi, de :

« 1° Joséphine-Maria Clermont, femme Fauveau, âgée de vingt-cinq ans et deux mois, née à Paris, et ayant exercé la profession de marchande de gants et de parfumerie.

« 2° Eulalie-Clémence Duval, célibataire, âgée de vingt-et-un ans, née à Metz, sans profession, et domiciliée rue de la Bienfaisance, n° 3.

« Déclare le procureur général que de l’instruction résultent les faits suivants contenus dans l’acte d’accusation. »