CLV

ÉLIE FAIT DESCENDRE LE FEU DU CIEL SUR LE SACRIFICE
IL FAIT TUER LES PRÊTRES DE BAAL ET FAIT CESSER LA SÉCHERESSE

(802 ans avant J.-C.)



Élie, s’approchant du peuple, lui dit : « Jusqu’à quand serez-vous comme un homme qui boite des deux côtés ? Si le Seigneur est Dieu, adorez-le, et n’en adorez pas d’autre. Si Baal est Dieu, adorez-le. Je suis resté seul vivant de tous les prophètes du Seigneur ; au lieu que ceux de Baal sont au nombre de huit cent cinquante. Vous allez tous juger par vous-mêmes lequel est le vrai Dieu, le Seigneur ou Baal.

« Qu’on nous donne deux bœufs ; que les hommes de Baal choisissent le leur ; ils le couperont en morceaux. »

Gaston. Tout vivant ?

Grand’mère. Non, après l’avoir tué. « Ils le mettront sur du bois sans mettre du feu dessous. J’en ferai autant avec l’autre bœuf. Invoquez tous votre Dieu. Moi j’invoquerai le nom de mon Seigneur. Celui qui fera descendre le feu du ciel et verra consumer son sacrifice, sera reconnu adorateur du vrai Dieu. La proposition est-elle juste ? »

Tout le peuple répondit : « La proposition est très-juste. »

Élie donna donc ordre qu’on préparât tout pour le sacrifice.

Les prêtres de Baal, ayant tout apprêté, se mirent à crier : « Baal, exaucez-nous ! » Mais Baal ne disait mot ; personne ne leur répondait ; ils avaient beau crier, tourner autour de l’autel, le bois ne prenait pas feu.

Il était déjà midi, Élie commençait à se moquer d’eux. « Criez plus haut, disait-il, car votre divin Baal cause peut-être avec quelqu’un et ne vous entend pas ; ou bien il est en route, dans quelque hôtellerie. Il dort peut-être ; il faut le réveiller. »

Les prêtres se mirent donc à crier plus fort au point d’être enroués ; ils se firent des coupures et des piqûres aux bras et aux jambes pour attendrir Baal, et leur sang coulait partout ; mais Baal restait sourd et ne donnait aucun signe de vie.

Alors Élie dit au peuple : « Venez avec moi ; apportez-moi douze pierres pour chacune des tribus d’Israël afin de construire un autel. »

Quand les pierres furent assemblées pour former l’autel, Élie fit une rigole tout autour. Il posa le bois, mit dessus le bœuf coupé en morceaux ; puis il fit apporter quatre grandes cruches d’eau qu’il fit répandre sur la chair et sur l’autel.

Petit-Louis. Pourquoi cela ? Le bois mouillé brûle plus difficilement.

Grand’mère. C’est précisément pour cela que le fil Élie ; il voulait rendre plus merveilleux encore l’effet du feu du ciel. Il fit répandre ainsi sur l’autel douze cruches d’eau jusqu’à ce que tout fût trempé ; les eaux couraient autour de l’autel ; la rigole était pleine et débordait.

Alors le prophète Élie s’approcha de l’autel, et pria le Seigneur, disant : « Seigneur, Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, faites voir aujourd’hui que vous êtes le Dieu d’Israël, que je suis votre serviteur et que c’est par votre ordre que je fais toutes ces choses. Exaucez-moi, Seigneur, afin que votre peuple sache que vous êtes Seigneur Dieu, »

Au même instant le feu du ciel tomba sur l’autel, et dévora non-seulement l’holocauste et le bois, mais encore les pierres, l’eau et la poussière qui étaient dans la rigole autour de l’autel.

Tout le peuple, ayant vu ce miracle, se prosterna le front contre terre et dit : « C’est le Seigneur qui est le vrai Dieu. »

Alors Élie leur dit : « Prenez les prophètes de Baal et n’en laissez échapper aucun. » Le peuple les ayant tous saisis, Élie les mena au torrent du Cison, où il les fit mourir.

Marie-Thérèse. Pourquoi les a-t-il tués près du torrent ?

Grand’mère. Probablement pour que leur sang impur et consacré au démon, ne souillât pas la ville où devait être adoré le Seigneur seul. Dans le torrent où on les précipitait après les avoir égorgés, l’eau emportait leurs dépouilles et leur sang vers la mer.

Après cette exécution, Élie dit à Achab : « Allez, mangez et buvez, car j’entends le bruit d’une grande pluie. » Achab alla boire et manger.

Henri. Une chose m’étonne ; c’est que ce roi si puissant, si cruel, si orgueilleux, soit resté tranquille et muet, devant le massacre de ses prêtres et que depuis le commencement il ait laissé faire Élie, qu’il détestait.

Grand’mère. Parce qu’il avait peur du peuple, que la sécheresse et la famine avaient beaucoup irrité. Il n’avait ni affection, ni respect pour ces prêtres, qu’il savait être des imposteurs. Cela lui était bien égal qu’on les fit mourir ; il pouvait en avoir des centaines d’autres quand il le voudrait. Il espérait aussi qu’à la suite de tout cela, Élie enverrait de la pluie, car lui-même risquait de mourir de faim et de soif avant peu.

Élie, de son côté, monta sur le haut du mont Carmel avec son serviteur. — « Va, lui dit-il, et regarde du côté de la mer ; tu me diras ce que tu vois. — Je ne vois rien, » dit le serviteur. — « Retourne sept fois au même endroit, et tu médiras ce que tu vois. » — À la septième fois, le serviteur dit : « Je vois un petit nuage qui s’élève de la mer. — Va dire à Achab qu’il rentre bien vite dans sa ville de Jezrahel, parce qu’il va tomber une grande pluie. » Élie, inspiré par le Seigneur, alla lui-même vers Achab, qui monta dans son char. Et Élie courut devant lui jusqu’à Jezrahel.

Jacques. Comment un grand prophète comme Élie court-il comme un coureur devant le char de ce méchant roi ?

Grand’mère. Cela paraît en effet surprenant ; la sainte Écriture ne l’explique pas ; elle dit seulement que la main du Seigneur fut sur Élie ; et, s’étant ceint les reins, il courait devant Achab jusqu’à ce qu’il vînt à Jezrahel