L’instruction primaire en Écosse
Revue pédagogique, premier semestre 18805 (p. 78-88).

L’INSTRUCTION PRIMAIRE EN ÉCOSSE
(Suite)[1].


Législation scolaire. — Actes de 1872 et 1878.

Nous avons vu quel était, il y a moins de vingt ans, l’état de l’enseignement primaire en Écosse ; nous savons de quelle manière cet enseignement était donné et comment étaient organisées les écoles. Dans les préliminaires de « l’Education Act » de 1872, il est dit, en premier lieu, que la loi nouvelle a pour objet d’améliorer le système d’éducation existant, de manière à assurer l’instruction efficace des enfants et d’en étendre les avantages à la nation entière, et en second lieu, que les droits de la famille, en matière religieuse, continueront à être respectés, les parents ayant toute liberté de faire donner à leurs enfants l’instruction religieuse, ou de s’opposer à ce qu’ils la reçoivent, sans qu’ils puissent être privés d’aucun des avantages auxquels ont un droit égal tous ceux qui fréquentent les écoles.

La loi reconnaît deux catégories d’écoles publiques, les écoles de paroisse et les écoles de bourg. Sous la dénomination d’écoles de paroisse sont comprises toutes les écoles établies par le conseil scolaire de la paroisse et placées sous le régime de l’Act de 1872. Les écoles de bourg, appelées aussi écoles supérieures, académies ou écoles de grammaire, sont établies au chef-lieu du bourg et sont administrées par le conseil scolaire du bourg.

Constitution des autorités scolaires. — La haute direction de l’enseignement élémentaire est remise à un département national d’éducation (Scotch Education department), dont les membres sont nommés par le gouvernement et qui a son siège à Londres.

Le pouvoir intermédiaire est exercé par un bureau d’éducation institué pour une durée de trois ans, avec faculté pour le gouvernement de porter à cinq ans la durée de son mandat. Les membres, au nombre de cinq, et le secrétaire sont nommés par la reine. Ce bureau, qui relève du département national d’éducation, a son siège à Édimbourg. De temps à autre, il peut charger un ou plusieurs de ses membres de missions spéciales, ou même d’inspections dont l’objet se rattache à l’exécution de la loi. Il fait connaître au département d’éducation les résultats de ses enquêtes, et lui expose ses vues sur les conditions et le mode de répartition des subsides alloués par le Parlement. Chaque année, il rend compte de ses actes d’administration dans un rapport destiné à être soumis aux Chambres.

Des Comités scolaires. — Le bureau d’éducation nomme, pour une durée qu’il détermine, et avec la sanction des lords de la Trésorerie, les employés et agents jugés nécessaires. Le président, deux membres ordinaires et le secrétaire reçoivent un traitement dont le chiffre est fixé par les lords ; il est pourvu à ce traitement, comme à toutes les dépenses nécessitées par le service, au moyen de fonds votés par le Parlement. Un Comité scolaire local est élu dans chaque paroisse ou bourg. Lorsque la délimitation scolaire d’une paroisse ou d’un bourg donne lieu à difficulté, la question est portée devant le bureau d’éducation ou devant le shérif du comté le plus intéressé, suivant la nature de la contestation. Le bureau d’éducation peut prononcer la réunion d’une paroisse à une autre paroisse, ou la réunion d’une paroisse à un bourg, lorsque la population du bourg est au-dessous de 3,000 âmes. Le bureau détermine le nombre des membres de chaque Comité scolaire local, qui est de cinq au moins et de quinze au plus, suivant l’importance de la paroisse ou du bourg.

Sont électeurs, toutes les personnes ayant atteint l’âge légal, non frappées d’incapacité et qui figurent au dernier rôle de la paroisse ou du bourg comme tenanciers d’une propriété d’un revenu annuel minimum de 4 livres (100 fr.) et située dans les limites de la paroisse ou du bourg. Chaque électeur dispose d’un nombre de voix égal à celui des membres à élire ; il peut les attribuer à un seul candidat ou les répartir entre plusieurs, à sa convenance. Nul instituteur soit d’une école publique, soit d’une école subventionnée par le gouvernement, ne peut faire partie du comité scolaire local.

Le pouvoir dont tout comité scolaire est investi ne doit en aucun cas excéder trois ans ; le département d’éducation fixe la date de la réélection pour les écoles de paroisse et les écoles de bourg. Lorsqu’une vacance vient à se produire dans l’intervalle d’une élection à l’autre, il y est pourvu par le comité scolaire. Au cas où l’élection d’un ou de plusieurs membres ne serait pas faite dans les conditions de temps et de lieu spécifiées dans la loi, le comité scolaire, s’il est régulièrement constitué, désigne lui-même les personnes appelées à le compléter ; si ces conditions ne sont pas remplies, le département d’éducation ordonne une seconde élection.

Attributions et obligations du Comité scolaire. — Les comités scolaires locaux ont qualité de personnes civiles et sont aptes à accepter des dons ou legs. Ils peuvent déléguer une partie de leurs pouvoirs à des administrateurs scolaires. Toutes les écoles de paroisse qui relevaient précédemment d’une juridiction de famille ou d’église, sont placées sous leur autorité, sans préjudice des titres et charges existants. À l’égard des écoles de bourg, les comités locaux sont également substitués aux conseils paroissiaux, qui étaient autrefois investis du droit d’administrer ces écoles ou d’en nommer le personnel enseignant.

Toutes les écoles de paroisse et de bourg, placées sous l’autorité des comités scolaires locaux, prennent désormais le caractère et la dénomination d’écoles publiques. Les comités ont le devoir d’assurer, soit par l’établissement d’écoles nouvelles, soit par la disposition à donner aux locaux scolaires existants, les moyens d’instruction suffisants pour tous les enfants en âge d’école dans la circonscription ; ils transmettent au bureau d’éducation tous les éléments d’information sur les mesures prises par les autorités locales et sur les besoins auxquels il reste à pourvoir. Ces renseignements sont contrôlés par des officiers et agents délégués à cet effet, et après enquête, le bureau d’éducation prescrit sans délai toutes les mesures que la situation réclame. Les comités scolaires adressent également au bureau d’éducation des rapports détaillés sur l’administration de chacune des écoles, sur le nombre des élèves qui les fréquentent et sur la qualité des maîtres ; à défaut, le bureau d’éducation charge des inspecteurs de la visite des écoles, et ceux-ci lui font connaître le résultat de leurs observations.

Les conseils scolaires ont le pouvoir d’acquérir les terrains et emplacements nécessaires pour la construction des écoles, pour l’établissement de jardins et d’habitations des maîtres ; ils ont qualité pour traiter les opérations d’achat ou de vente, pour passer les baux, pour prendre telles dispositions reconnues utiles pour construire, approprier ou agrandir les locaux scolaires.

En ce qui concerne les écoles entretenues à l’aide de ressources fournies par des particuliers ou par des congrégations, ces écoles, de l’assentiment de leurs fondateurs et de leurs administrateurs, peuvent être transférées au comité scolaire de la paroisse et du bourg, et dès lors ces écoles sont assimilées à tous égards aux écoles publiques, et les maîtres se trouvent placés dans la position et mis en possession de tous les droits et avantages des instituteurs publics.

Les comités scolaires ont le droit d’établir des écoles gardiennes (infant schools) pour l’instruction des enfants au-dessous de sept ans, et des écoles du soir, selon les besoins de la localité. Ils peuvent aussi, en certains cas et avec l’autorisation du bureau d’éducation, ériger des écoles industrielles, en se conformant aux dispositions de l’Act de 1866 sur les écoles de cet ordre.

Plusieurs comités scolaires de paroisse ou de bourg peuvent, sous la condition d’y être autorisés par le bureau d’éducation, se réunir pour l’établissement et l’entretien à frais communs d’écoles publiques et pour la désignation des instituteurs.

Des ressources et dépenses des écoles. — Les dépenses des comités locaux sont acquittées au moyen du fonds scolaire, lequel est formé des subventions allouées par le Parlement, des produits des fondations ou souscriptions volontaires et de taxes spéciales supportées par les habitants du bourg et de la paroisse.

Lorsque la construction d’une école nouvelle a été décidée, la dépense à laquelle elle donne lieu peut être répartie sur une période de cinquante années au maximum ; la somme empruntée est remboursée chaque année et les intérêts sont prélevés sur le fonds scolaire. Cet emprunt est d’ordinaire contracté auprès des commissaires des travaux publics, qui prennent garantie sur le produit des taxes scolaires.

Chaque comité scolaire, dès la première réunion, désigné un secrétaire agent comptable, auquel est remise la gestion financière et qui, chaque année, rend compte de sa gestion à un délégué du bureau d’éducation. Cet officier, qui réside à Édimbourg, centralise les comptes en recettes et dépenses des comités scolaires locaux et en présente le détail dans un rapport destiné à être soumis d’abord au bureau d’éducation, puis au parlement.

Le comité scolaire fixe le taux de la rétribution scolaire à payer par chaque élève, et le recouvrement en est fait par les soins du trésorier ou secrétaire agent comptable du comité.

Personnel des maîtres. — Nul n’est nommé à un emploi de directeur d’école publique, s’il n’est pourvu du certificat de capacité, lequel est délivré par le département d’éducation, à la suite d’un examen passé devant un jury pour chaque ordre d’enseignement. Le candidat qui serait en possession d’un grade obtenu dans l’une des universités du royaume est dispensé de l’examen requis pour le certificat de capacité.

Lorsqu’un instituteur a été jugé ou reconnu insuffisant ou impropre aux fonctions de l’enseignement, le comité scolaire local peut, à la suite d’un rapport qui lui est soumis par l’inspecteur des écoles, remplacer ce maître, sous la double condition qu’une copie du rapport sera délivrée au maître intéressé, et que la mesure qui l’atteint sera confirmée par le bureau d’éducation.

Des écoles supérieures. — Les écoles supérieures sont celles où l’on enseigne, outre les matières élémentaires, les langues grecque et latine, les langues vivantes, les mathématiques, les sciences naturelles, etc. Les comités locaux, ayant l’administration de ces écoles, font préparer les programmes et déterminent les conditions auxquelles doivent satisfaire les maîtres ; l’examen est passé devant un jury composé de professeurs appartenant à l’une des universités d’Écosse, ou d’instituteurs d’une compétence reconnue et exerçant eux-mêmes dans des écoles supérieures.

Les fonds et revenus des écoles supérieures sont formés : 1° de contributions à prélever sur les biens et immeubles des bourgs et paroisses dans lesquels ces écoles sont établies ; 2° des dotations affectées aux besoins des écoles respectives ; 3° de ressources créées pour Je progrès de l’instruction et sur des sujets déterminés ; 4° des rétributions payées par les élèves. Ces diverses ressources sont spéciales et ne doivent jamais se confondre avec les ressources destinées à alimenter les autres écoles ; les rétributions des élèves sont versées entre les mains du trésorier, qui en rend compte séparément au bureau d’éducation. Le taux de la rétribution à payer par les élèves est fixé par le directeur de l’école et par les maîtres-adjoints, sous réserve de l’approbation du comité local, qui, en cas de dissentiment, en réfère au bureau d’éducation. Les écoles supérieures sont soumises à une inspection spéciale, qui a lieu une fois dans l’année, sous la surveillance et le contrôle du comité local.

De l’inspection des écoles. — Toutes les autres écoles publiques doivent rester en tout temps ouvertes aux inspecteurs ; mais il n’entre pas dans les attributions de ceux-ci de s’enquérir de la profession religieuse des élèves, ni de les interroger sur aucune matière d’enseignement religieux.

Des subsides alloués par le Parlement. — Le Parlement accorde des subsides aux comités scolaires locaux pour les besoins des écoles placées sous leur surveillance, et aux administrateurs des écoles qui, dans l’opinion du département d’éducation, contribuent efficacement à l’instruction des enfants dans les bourgs et les paroisses où ces écoles sont établies. En aucun cas, les subsides du Parlement ne sauraient être appliqués à des dépenses ayant pour objet l’instruction religieuse des enfants ; ces subsides ne sauraient non plus être employés à des travaux de construction ou d’appropriation d’écoles qui n’auraient pas fait l’objet d’une demande du comité scolaire, contenant tous les renseignements nécessaires pour mettre le département d’éducation en mesure de se prononcer sur l’opportunité de ces travaux.

Choix de l’école et enseignement religieux. — Toutes les écoles soumises à l’inspection et participant aux avantages spécifiés ci-dessus sont ouvertes à tous les enfants indistinctement, à quelque religion qu’ils appartiennent. Il est loisible aux parents de retirer leurs enfants d’une école et de les placer dans une autre école ; l’enseignement religieux n’y est donné qu’à la demande expresse des parents, et jamais cet enseignement n’est donné aux heures consacrées aux cours élémentaires.

Obligation pour les parents de pourvoir à l’instruction de leurs enfants. — Les parents ou tuteurs sont tenus de faire donner l’instruction élémentaire en lecture, écriture et calcul à leurs enfants âgés de 5 à 13 ans ; lorsqu’ils en sont empêchés par leur état d’indigence, ils doivent s’adresser au bureau de bienfaisance de la localité, lequel paye en leur lieu et place la rétribution scolaire, dont le montant est prélevé sur le fonds des pauvres. La même obligation existe à l’égard des enfants aveugles. Les parents ont toujours le choix de l’école dans laquelle l’enfant doit être placé.

Un agent nommé par le comité est spécialement chargé de constater et de signaler à l’autorité du bourg ou de la paroisse les infractions commises et d’en poursuivre la répression, lorsqu’il a été établi que les parents se sont soustraits sans motif valable aux prescriptions légales. Le shérif du comté, sur le rapport écrit du comité scolaire et après décision, condamne les parents contrevenants à payer une amende de 20 shillings au maximum et à subir un emprisonnement dont la durée n’excède pas quatorze jours. Lorsqu’il y a récidive, la même pénalité peut être prononcée, mais seulement trois mois après. Le produit des amendes est versé au fonds scolaire.

Les maîtres, patrons, fermiers, sont astreints aux mêmes obligations et encourent les mêmes peines à l’égard des enfants qu’ils emploient, quand ces enfants, âgés de moins de 13 ans, n’ont pas fréquenté régulièrement l’école pendant une durée de trois ans au moins. Cette responsabilité ne diminue en rien celle des parents ; elle ne cesse pour les uns comme pour les autres que lorsque l’enfant est pourvu du certificat délivré par un inspecteur des écoles et justifiant de connaissances suffisantes en lecture, écriture et arithmétique élémentaire.

Chaque année, le département d’éducation rend compte au Parlement des actes de son administration pendant année précédente, à l’égard des écoles qui ont participé aux subventions du gouvernement.

Amendements et dispositions additionnelles. — Au cours de la session parlementaire de 1878, un Act additionnel a été rendu principalement en vue de déterminer les obligations des patrons envers les enfants qu’ils emploient. D’après la loi nouvelle, il n’est désormais permis à aucun patron d’employer les enfants au-dessous de 40 ans, ou les enfants de 10 à 14 ans qui ne seraient pas pourvus du brevet élémentaire visé par l’Act de 1872. Il est également interdit à tout patron ou marchand exerçant une industrie sur la voie publique de prendre à son service des enfants ne remplissant pas les conditions ci-dessus, ou de les retenir hors de leur domicile, du 1er avril au 1er octobre au delà de 9 heures du soir, et du 1er octobre au 1er avril plus tard que 7 heures du soir. L’exception est admise lorsque, à la distance de trois milles du lieu où réside et où travaille l’enfant, il n’existe pas d’école inspectée que celui-ci puisse fréquenter, lorsque le travail auquel l’enfant est employé a lieu durant les jours de congé scolaire ou aux heures où l’école n’est pas ouverte, ou bien encore lorsque à présence de l’enfant est réclamée, soit aux champs pour les travaux de l’agriculture, soit à la mer aux époques de grande pêche, et encore l’enfant ne peut-il être retenu plus de six semaines dans le courant de l’année. En cas d’infraction à ces prescriptions, le patron ou son représentant est puni d’une amende qui n’excède pas 40 shillings. La même pénalité est prononcée contre le patron ou le parent qui aurait produit un faux certificat portant que l’enfant a atteint l’âge fixé par la loi.

La loi de 1878 porte que les dépenses d’établissement et l’entretien des écoles supérieures peuvent être prélevées sur Je fonds scolaire, quand ces écoles se trouvent placées sous l’autorité du comité local. Tous les établissements de cet ordre sont soumis à la surveillance des inspecteurs et relèvent du département d’éducation, au même titre que les écoles élémentaires.

L’Act de 1872 met à la charge du fonds des pauvres la rétribution scolaire des enfants dont les parents sont hors d’état de payer ; l’Act de 1878 rend cette dépense obligatoire, et lorsque le bureau de bienfaisance refuse de l’acquitter, le comité scolaire local peut s’adresser au shérif qui, après enquête, en prescrit le payement.

Une autre modification importante a été apportée à la loi de 1872 quant à la fréquentation obligatoire de l’enfant ; les poursuites qui ne devaient être ordonnées que de trois mois en trois mois, peuvent être reprises, en cas de récidive, dans l’intervalle d’un mois.

Pour le reste rien n’est changé : les dispositions antérieures demeurent entières en ce qui concerne les principes sur l’enseignement tant littéraire que religieux, la compétence des comités scolaires, les conditions auxquelles est subordonnée l’allocation des subsides, l’administration, le régime intérieur et l’inspection des écoles, l’admission des élèves, les garanties exigées des instituteurs, et tout ce qui constitue le système d’éducation élémentaire en Écosse.

(À suivre.)
  1. Voir le numéro d’octobre 1879.