Charpentier & Fasquelle (p. 77-78).

Giotto. — Avec le Giotto, le dessin échappe au caricatural de la forme, à l’effort à la fois maladroit et tourmenté d’un art naissant, et dans le dessin, se fait comme un apaisement, et le commencement de la tranquillité sereine du Beau.

Les cous rentrent dans les épaules, les yeux s’ouvrent placidement dans des contours noyés, le nez perd la rigidité de bois de ses lignes, les bouches ne se dessinent plus dans une crispation douloureuse, et le naturel des poses humaines est conquis. Giotto, c’est, on peut le dire, le peintre de l’expression morale, qui s’est un peu perdue, quand l’attention des peintres a été toute portée sur la forme matérielle des individus. Même le Giotto de I’Académie des Beaux-Arts fait un peu cheminer la Vierge byzantine vers la massive beauté de la maîtresse du Titien. Le peintre du treizième siècle s’essaye à rendre les solidités matérielles du corps humain, et sous les plis tendrement modeleurs du linge, il laisse entrevoir les opulents seins de la nourrice d’un Dieu. Et sa Vierge a d’immenses yeux dans leur ombre recueillie, un nez charnu, une bouche épaisse, enfin les contours de la force et de la puissance, dans la belle santé d’une humanité réelle.