L’Italie d’hier/Simon Memmi

Charpentier & Fasquelle (p. 78-79).

Simon Memmi. — Une « Annonciation ». Grande peinture dans les architectures romano-byzantines, égayée de carrelages aux mille couleurs : peinture toute riche, toute somptueuse, toute luxueuse d’étoffes, toute orientale, et comme meublée des présents des rois Mages.

Une Vierge, au bandeau d’orfèvrerie garni de pierres précieuses, à la robe d’azur, à demi retroussée sur sa cathèdre, la figure baissée, une main sur son cœur, l’autre tenant un livre, qui s’est refermé sur son pouce, dans une pose de modestie effarouchée, dans une reculade de pieux effroi, sa petite bouche contractée, presque chagrine. Devant, jaillissant d’un calice d’or, un lys tout chargé de fleurs, se dresse comme une barrière entre la Vierge et un ange, l’ange de l’Annonciation, vêtu d’une lobe blanche aux tons changeants, et comme reflétée de lapis lazuli en ses légères ombres, et élincelante en sa lumière, d’une jonchée de fleurettes d’or, pareille à la dentelle aux petits fers d’une reliure, et qui fait comme un fourmillement d’or sur la neige. De la bouche de l’ange agenouillé se déroule, ainsi qu’en un phylactère, ces mots gaufrés sur le fond de la toile : « Ave Maria, gratiâ plena, Dominus tecum. »

Cet ange de l’Annonciation, un ange déconcertant, presque satanique avec ses ombres et ses demi-teintes, doucement verdâtres, dans des chairs veloutées du ton rose des pastels du dix-huitième siècle, avec son long cou de serpent, avec son regard, dont l’étroit filet blanc de l’œil, entre les deux lignes à demi fermées des paupières, luit comme l’acier d’une lame de couteau, — avec l’étrangeté de sa beauté perverse.