L’Islam (Landrieux)/Texte entier

Lethielleux (p. -TdM).


L'ISLAM




OUVRAGES DU MÊME AUTEUR
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Au pays du Christ. Études bibliques en Égypte et en Palestine (3e édition, 7e mille) — 1 vol. in-4o illustré. Paris, Bonne Presse 7.50

Ouvrage couronné par l’Académie française

Autour de la Foi. - 1 vol. in-16. Paris, Lethielleux 1.25
L’Histoire et les Histoires dans la Bible. — 1 vol. in-16. Paris, Lethielleux. 0.60
L’Église et les Églises dans l’Histoire. — 1 vol. in-16. Paris, Lethielleux 0.60
L’Inquisition. Les temps, les causes et les faits. 1 vol. in-16. Paris, Lethielleux. 0.60
De la Trinité à l’Eucharistie. — 1 vol. in-16. Paris, Lethielleux 0.60
Une Petite Sœur. — 1 vol. in-12 (3e édition, 11e mille). Paris, Bonne Presse. 1.50

Ouvrage couronné par l’Académie française

— Edition Allemande. Eine kleine Schwester, traduction de Ch. Doërr — Caritas Verlag, de Fribourg en Brisgau. 4 mk. 50
— Edition Anglaise. A Little Sister. Traduction de L. York Smith. Chez Kegan Paul. Trench, Trübner et C°. London, Broadway House, Corter Lane E. C. 3 sh.
— Edition Espagnole. Sous presse chez Subirana à Barcelone.
— Edition Italienne, en préparation.


MAURICE LANDRIEUX



L’Islam


Les trompe-l’œil de l’Islam
La France, puissance musulmane



PARIS
P. LETHIELLEUX, LIBRAIRE-ÉDITEUR
10, RUE CASSETTE, 10




L’auteur et l’éditeur réservent tous droits de reproduction et de traduction.


Cet ouvrage a été déposé, conformément aux lois, en Janvier 1913.



PRÉFACE


Les vaillants petits peuples des Balkans viennent d’écrire dans l’Histoire une page superbe. Un moment, on a cru qu’elle allait clore le chapitre des luttes épiques du chrétien contre le Maure.

Si le choléra ne leur avait brusquement barré la route, ils auraient terminé à coups de canon, ce que Charles Martel avait commencé, au VIIIe siècle, à grands coups d’épée : la tâche où l’Espagne des temps héroïques s’attarda pendant tout le Moyen-âge et à laquelle l’effort répété des croisades n’avait pu donner qu’une solution précaire et sans lendemain, la tâche compromise par le retour offensif de 1453 qui ramenait le Croissant à Stamboul, la tâche que laissaient encore inachevée et le triomphe des flottes catholiques à Lépante, en 1571, et la victoire de Sobieski, à Vienne, en 1683.

Trois semaines ont suffi aux Bulgares, aux Serbes, aux Monténégrins, appuyés par les Grecs, pour bousculer et balayer cet empire turc dont les grandes puissances cherchaient en vain depuis si longtemps, sans oser s’y résoudre, à débarrasser l’Europe.

Si tous ces bulletins de victoires, mêlés, dans la presse, aux échos de la campagne du Maroc, n’avaient ramené tout à coup au premier plan de l’actualité, le monde de l’Islam, ce petit livre, vraisemblablement, n’aurai pas vu le jour.

Mais tout ce qui peut projeter un peu de lumière sur le mystère où s’enveloppe toujours l’âme musulmane, excite aujourd’hui la curiosité publique ; et, plus encore que le désir de répondre aux questions qui sont sur toutes les lèvres, le besoin de protester contre les informations fantaisistes qui tombent parfois de haut et qui encombrent les journaux, détermine ceux qui ont pu l’approcher de plus près à dire, en toute loyauté, ce qu’ils en savent.

D’ailleurs, la France, la France tout court, s’il est permis de rétrécir ainsi, comme le font nos politiciens de fortune, le concept de la nation française, la France catholique surtout n’a pas le droit de se désintéresser de l’Islam. Car l’Islam est à nos portes, il est chez nous : « La France, de fait, est une grande puissance musulmane ! »

L’Algérie et la Tunisie représentent exactement, en étendue, notre territoire continental : l’Algérie pour les 4/5, la Tunisie pour 1/5. Le Maroc à lui tout seul le dépasse d’un tiers. Quant au Sahara français, le 1/3 à peu près de l’immense désert africain, il est 6 fois grand comme la France.

Nous avons donc des raisons toutes spéciales de nous occuper, de nous préoccuper de l’Islam. J’ai été en contact, à plusieurs reprises, avec l’Islam, en Afrique et en Orient, en Algérie, en Tunisie, chez les Kabyles et dans le M’Zab, au Caire, à Jérusalem, à Damas, hier encore à Constantinople, et j’ai résumé, dans cette étude, ce que j’en ai vu et ce qu’on m’en a dit, mes impressions personnelles, mais contrôlées et mises au point, sur place, par l’expérience et la documentation d’hommes graves, établis dans le pays, en relation constante avec les populations musulmanes et dont le jugement repose sur une observation méthodique et prolongée.

Si ce travail a quelque crédit, il le devra à leur compétence et à leur autorité.

Reims, le 15 novembre 1912.
Mce Landrieux



I
LES TROMPE-L’OEIL
DE
L’ISLAM




LES TROMPE-L’ŒIL DE L'ISLAM



L’Islamisme est une création géniale de l’enfer.

C’est une religion et une politique, plus encore peut-être une politique qu’une religion, en ce sens que Mahomet a fait de sa religion un appui pour sa politique.

C’est une législation fondue dans une théologie, un gouvernement soudé à un sacerdoce ; un ensemble d’institutions, de rites et de croyances qui ont constitué l’armature du monde musulman.

C’est une religion d’une certaine envergure, mais hybride, bâtie d’abord sur le Monothéisme, dogme fondamental de la religion d’Abraham, avec des matériaux disparates et déformés, extraits pêle-mêle de l’Évangile et surtout de la Bible, dans l’espoir d’attirer les Juifs et les Chrétiens, mixture singulière, synthèse mal venue des religions en présence et en conflit, qui apportait aux races orientales, mystiques, paresseuses et sensuelles, avec une dogmatique très simplifiée, une morale aisée sans contrainte.

Mahomet, mauvais berger, fit mine de conduire les âmes à Dieu, pour les en détourner plus sûrement. Il se présenta comme Envoyé par Dieu, pour achever l’œuvre d’Abraham, de Moyse et de Jésus, en réconciliant dans l’Islam, les Juifs et les Chrétiens.

Vains appels, qui n’eurent pas plus d’écho dans un camp que dans l’autre : d’où la haine de Mahomet contre la Synagogue et contre l’Église, rancune de son orgueil déçu.

L’Islam, qui marquait un progrès sur la religion attardée des Arabes, trouva quelque crédit chez les indigènes. Il apparut à ces descendants d’Ismaël comme un legs lointain d’Abraham, avec le prestige et la magie de son nom. Il s’est imposé à eux par l’autorité et la séduction d’une grande idée politique et religieuse.

Les princes eurent intérêt à le soutenir parce qu’il leur mettait en mains, par la concentration des deux pouvoirs, un merveilleux instrument de domination. Et les grands coups de sabre ont singulièrement accéléré la conversion de leurs sujets.


Comme un grand fleuve boueux qui charrie quelques paillettes d’or, l’Islam ne vaut que pour autant qu’il reflète la Bible.

Son Évangile, le Koran, est un recueil indigeste et décousu des oracles de Mahomet, rédigé non par le Prophète, qui ne savait pas écrire, mais, plus tard, par ses disciples.

Il se compose de 6632 versets répartis en chapitres qu’on appelle les Sourates et alignés, sans critique aucune, d’après leur dimension, en commençant par les plus longs, pour finir par les plus courts.

Il renferme, sous un amas confus de sentences incohérentes et creuses, de contes burlesques, d’invectives violentes ou puériles, avec des longueurs fastidieuses et des redites sans fin, des préceptes utilitaires, de sages leçons et quelques belles images calquées sur la Bible. Mais encore ces récits bibliques y sont-ils mutilés et dénaturés. « Les grandes figures de l’Histoire Sainte, écrit M. de Voguë, dont chacun de nous retrouve les silhouettes colossales gravées au fond de sa mémoire par les leçons de sa mère, y sont réduites aux proportions des personnages de contes de fées ».

On a relevé, dans le Koran, 255 contradictions qui mettent fort en peine les exégètes musulmans.

Telle est la Religion qui tient encore courbés, sous son joug de fer, plus de 200 millions d’êtres humains.

C’est une manie, qui pourrait bien être un mot d’ordre, de réhabiliter toutes les religions fausses à mesure qu’on s’acharne à déprécier le catholicisme.

Cette tactique habile fait des dupes jusque dans nos rangs.

On accueille, dans les milieux catholiques, avec la même complaisance, la même crédulité déplorable et naïve, toutes les critiques, même les pires, contre l’Église, la nôtre, et toutes les apologies, toutes les tirades ronflantes et admiratives en faveur des autres.

On s’imagine que de prêter ainsi une oreille facile aux reproches que nous font nos adversaires et aux éloges qu’ils se donnent, c’est faire preuve d’une grande largeur d’esprit.

L’Islam, comme le Protestantisme, comme le Bouddhisme, a bénéficié de cette étrange mentalité.

Que de livres écrits sous cette impression, par des hommes très sincères, mais trop confiants, qui se sont laissés prendre aux trompe-l’œil de l’Islam.

Naguère, à Alger, à Tunis, au Congrès des Orientalistes, au Congrès de l’Afrique du Nord, on applaudissait encore ces apologistes de l’Islam, dont la thèse est un défi au bon sens et à l’Histoire : La Tolérance dans l’Islam.

Ici, on vante la loyauté, la bonne foi de Mahomet. Là, on essaie de réhabiliter la morale du Koran. Ailleurs, on s’extasie devant la piété des musulmans.

Ces jugements ont-ils quelque fondement ?

Regardons-y d’un peu plus près.

Voyons d’abord ce que vaut la piété des musulmans ; ce que pèse la morale de l’Islam ; ce qu’enseigne le Koran sur la tolérance.

Nous tirerons ensuite des conclusions sur les conséquences de la politique française en pays musulmans.


I


La piété chez les Musulmans.


J’ai été comme tout le monde frappé par les démonstrations publiques de la foi des Musulmans. Généralement, cette foi est profonde, elle est sincère.

Le chant des Muezzins appelant les croyants à la prière, dans le silence profond des nuits d’Orient, m’a toujours impressionné.

La prière dans les mosquées ne m’a jamais paru un spectacle banal. Un soir surtout, à Tlemcen, j’ai été vivement ému, en voyant une masse compacte de 2000 Arabes rangés côte à côte, dans un ordre parfait, les riches mêlés aux pauvres, sans distinction de classes, sans privilèges, pour faire ensemble, avec les prostrations liturgiques, la prière officielle. Et mon émotion allait presque aux larmes, car je voyais plus loin, je voyais autre chose. En entendant ces hommes réciter, avec une telle dignité, ces prières dont chaque verset enveloppe, sous des mots de respect, une erreur ou un blasphème, je songeais à tant de catholiques qui, chez nous, ne prient jamais.

Et pendant que les burnous blancs se prosternaient lentement sur les tapis épais, pendant que ce chœur d’hommes, à l’unisson des voix, grave comme la psalmodie des moines au fond d’un cloître, roulait son écho sonore sous les voûtes basses de cette mosquée, plus vide et plus froide qu’un temple protestant, une vision lointaine attristait ma pensée : le tabernacle solitaire, nos églises de France désertes et silencieuses !

Une autre fois, — c’était à Lagouat — aux premières lueurs de l’aube, vers quatre heures du matin, je me sentis bercé dans mon sommeil par une mélodie lointaine qui semblait tomber du ciel sur la ville endormie. Des voix isolées modulaient un chant plaintif et grave auquel d’autres voix, bientôt, répondirent. Peu à peu, le nombre s’accrut des voix mystérieuses et le choral s’enfla, entraîné par une voix au timbre plus aigu qui tombait de plus haut et les dominait toutes ; et, bientôt, ce fut le chœur puissant d’une cité tout entière qui priait, dans la nuit.

C’est entendu, ils ont de la religion. Mais leur religion est toute concentrée sur cette grande idée de Dieu que Mahomet a empruntée à notre Bible et à notre Évangile.

Ils ont de la foi. Ils adorent et ils prient.

Mais c’est tout.

Rien qui corresponde à ce que nous appelons la piété, la religion du cœur, la religion intérieure, la vie surnaturelle.

Leur religion a toute son expression dans la pratique extérieure, dans le formalisme cultuel, dans le geste liturgique.

Ils n’ont pas même su conserver intacte cette croyance au vrai Dieu, d’où l’Islam tire toute sa grandeur. Ils l’ont défigurée. La formule qui l’exprime : « Il n’y a d’autre Dieu que Dieu, et Mahomet est le Prophète de Dieu ! » est la négation de la Trinité plus encore que l’affirmation de l’unité de Dieu. Et là-dessus, ils ont entassé un monceau de fables et de superstitions.

Ils prient. Mais ils ne prient pas comme nous prions.

Leur prière s’absorbe dans la louange ; c’est l’écrasement de l’âme dans l’adoration du Tout-Puissant, plutôt que l’élévation de l’âme dans l’amour, le cri filial vers le Père qui est au Ciel.

Ils prient. Mais leur prière tout en formules est encerclée dans un réseau étroit, aux mailles serrées, de minutieuses prescriptions, méthodiques, sèches et brutales comme la théorie militaire. On dirait que le souci d’occuper le corps l’emporte sur la préoccupation d’intéresser l’âme : 109 règles spéciales sur les conditions externes de la prière : purifications à faire, orientation à observer, distractions à éviter, attitude à prendre, agencement du vêtement, etc. ; 101 sur les heures de la prière ; 165 sur l’appel à la prière...[1].

Ils prient. Mais ils ne connaissent pas ce sentiment profond de piété intime qui recueille, qui isole, qui cherche l’ombre, la solitude et le silence.

Chose étrange ! Ces gens-là qui enveloppent leur vie privée d’un mystère impénétrable, étalent au grand jour leurs dévotions. Ils ont le respect humain à rebours.

Un arabe, un turc, béat, inerte, assis devant sa porte, sans penser à rien, se mettra à marmotter une prière, il égrènera son chapelet si quelqu’un, n’importe qui, vient à passer.

J’ai voyagé, toute une semaine, en diligence, avec des Mozabites. Aux relais, ils descendaient, s’éloignaient de dix pas à peine, s’installaient bien en évidence et faisaient leur prière. Mais ils remontaient en voiture avec de la terre au front qu’ils n’essuyaient qu’après, pour qu’on sache et qu’on voie que leurs prostrations avaient été profondes.

Dans le M’Zab, sur les places publiques, en plein marché, il y a une estrade fixe en maçonnerie, d’un mètre ou deux de hauteur, qu’on appelle la M’Salla et qui sert à la prière : les dévots y montent, un par un, quelquefois deux, pour faire, coram populo, parade de leur religion.

Leur Rhamadan qui parait si rude et qui l’est en effet pour ceux qui travaillent, n’est pas non plus ce que, de loin, il parait être. Il se réduit, en définitive, à une simple transposition des heures de repas, grâce aux deux ou trois festins dont les pénitents de Mahomet agrémentent, la nuit, leur abstinence légale.

Car, si l’abstinence doit être absolue, du lever au coucher du soleil, au point que les plus fervents, avec une rigidité d’observance puérile et pharisaïque, évitent d’avaler leur salive, il est loisible, et c’est d’usage universel, de faire joyeusement la noce depuis le soir jusqu’au matin. Les nuits de Rhamadan sont des nuits de fête. Les marchés regorgent. C’est le mois où l’on mange le plus. En sorte que, à bien prendre les choses, leur fameux Carême n’était, au temps de Mahomet, surtout en Orient, qu’une atténuation très sensible du Carême chrétien d’autrefois, qui durait six semaines, ne comportait qu’un seul repas, le soir, toujours maigre, et ne connaissait pas ces reprises nocturnes.

Que dire encore de ces étranges confréries de derviches, d’Aïssaouas surtout, que penser de ces mystiques acrobates, énergumènes et déments, qui ont la prétention d’incarner, dans leurs rites sauvages et burlesques, l’ascèse de l’Islam ?

Jamais, nulle part, l’effort de l’âme pour s’abstraire, pour s’évader de la chair, pour s’enlever, pour aller à Dieu, n’a ravalé l’homme plus bas, dans l’ignominie, au niveau de la bête.

J’ai lu leurs prières. Il en est de puériles. Il y en a dont la formule, au moins, ne déparerait pas nos eucologes. Mais, comme rien chez eux ne peut être simple, ils les répètent cent fois, mille fois, jusqu’à dix mille fois de suite, scandées par le charivari de l’orchestre.

Après ces interminables psalmodies, noyées dans un nuage épais d’encens, qui avaient commencé graves et dignes d’abord, comme une prière de moines, pour s’achever en hurlements, dans un vacarme assourdissant de tambourins, de fifres et de cymbales, les Aïssaouas s’animent, s’échauffent, s’entraînent à balancer violemment la tête en avant, en arrière, au rythme accéléré de l’infernale musique. Ils se montent à un degré de surexcitation, d’ivresse, de frénésie qui va jusqu’à la convulsion épileptique.

Alors, de l’allure bestiale des fous furieux, marquant machinalement la mesure, du balancement de leur tête, les yeux injectés, la bave aux lèvres, toujours hurlant le nom d’Allah, ils s’approchent du Mokkadem impassible, beau vieillard à barbe blanche, qui leur fait avaler, dans une sorte de communion satanique, des scorpions vivants.

Puis, par bonds, comme des fauves, ils s’en vont décrocher à une panoplie d’énormes broches que j’ai eues en mains, que j’ai palpées et retournées dans tous les sens et qui ne sont pas truquées. Ils s’en transpercent les joues, les bras, les jambes. Ils se les enfoncent même à travers le ventre.

A Kairouan, le Mokkadem qui nous avait placés tout près de lui, le Père D. et moi, par déférence, nous fit amener comme on amène une bête, sur ses quatre pattes, un de ces malheureux, pris dans le tas, qui s’était perforé ainsi les deux joues et aux flancs duquel pendaient deux lames plantées à vif dans les chairs.

J’ai mesuré, avec mes doigts, pour me rendre bien compte, la distance du coin de la bouche au trou de la broche : il s’était réellement transpercé de part en part et la plaie ne saignait pas.

Quand le sabbat a assez duré, on les traîne, les uns après les autres, aux pieds du Mokkadem, ou bien ils y viennent d’eux-mêmes. Il les prend, un par un, la tête sur ses genoux, les caresse doucement, se penche sur eux, leur murmure à l’oreille quelques formules de prière ; puis, d’un geste lent, il retire les broches ; et c’est fini. Ils sont remis sur pied, ils reprennent leurs sens.

Ils franchissent la porte et se retrouvent, comme tout le monde, perdus, résorbés dans le mouvement de la rue.

Une autre fois, à Bizerte, au sortir d’une séance analogue, je voulus faire dire à un Musulman intelligent, instruit, qui nous recevait chez lui, sa pensée sur ces singuliers ascètes que le peuple vénère comme des saints et qu’il appelait, lui, du moins devant nous, des fous.

— Est-ce sérieux ? Y a-t-il des dessous, un tour de main, une duperie quelconque ?

— Sérieux ? bien sûr, dit-il. Mais Allah ne demande pas cela. Ce sont des fous !

Et il se hâta d’aiguiller la conversation sur un autre sujet.

Un quart d’heure plus tard, j’y revins, en le pressant tellement qu’il ne put éluder l’indiscrète question.

— « Que veux-tu ? Quand des hommes sont saints et qu’ils prient bien, peut-on jamais savoir ce qu’Allah fera pour eux ! »

Lui aussi, au fond, pensait comme les autres, il canonisait ces extatiques à face de possédés.


II


La Morale de Mahomet


Tout est comme cela, chez eux, dans ce pays de mirage. De loin, sous les feux éblouissants du soleil, c’est merveilleux ! De près, l’illusion tombe et la réalité désenchante.

Autant ils affichent leurs pratiques religieuses, autant ils dissimulent leur vie intime. Car ce formalisme religieux, aux rites solennels, au geste hiératique, n’est qu’une belle façade derrière laquelle se meut à l’aise une morale facile, élargie à plaisir pour qu’on puisse y loger, sans trop de honte, toutes ces voluptés qu’ailleurs on appelle des vices.

L’Évangile a bien dit : « Celui qui fait le mal n’aime pas la lumière du jour ».

La maison arabe, la maison musulmane plutôt, est triste, maussade, d’aspect hostile et sournois : pas de fenêtres sur la rue, ou bien elles sont aveuglées par les moucharabiehs et munies de grilles solides ; la porte basse et massive est toujours close ; elle fait l’effet d’une porte de prison. On l’entr’ouvre à peine pour entrer ou sortir et l’œil le plus indiscret n’arrive même pas à jeter, en passant, un regard furtif sur la cour. Il se heurte tout de suite à un mur qui fait écran.

La polygamie, simultanée ou successive, ravale la femme au tout dernier rang de l’échelle sociale. Achetée, vendue, renvoyée, elle ne compte pas. Adulée ou piétinée, toujours méprisée, elle est la chose du maître, avilie sous les caresses, tout autant que sous les coups, petite bête de luxe avec laquelle on joue, bête de somme qu’on exploite et qu’on rejette dès qu’elle est hors d’usage.

La polygamie, pour ce motif utilitaire, est appréciée chez les Arabes terriens des Ksours. Ils ont autant de femmes qu’ils en peuvent nourrir : ce sont des bras qui travaillent et qui ne coûtent pas cher. J’ai vu, en Orient, de pauvres femmes attelées à la charrue avec l’âne et traitées comme lui ; c’est tout dire, car, l’orient, c’est l’enfer des ânes.

Et cette claustration étroite, ces voiles épais, cet ensemble d’observances rigides et d’implacables sanctions qui répriment les moindres écarts, tout cela donne la mesure de la confiance que ces gens-là ont dans la vertu les uns des autres.

En Kabylie, les femmes, qui paraissent jouir d’une liberté relative, ne sortent jamais seules. Elles vont généralement par groupes, et quand parfois vous en croisez quelqu’une, dans un sentier, qui paraît isolée, un œil aux aguets quelque part la surveille. Leur corvée quotidienne, c’est de descendre aux fontaines, fort éloignées bien souvent, pour y puiser l’eau du ménage : il y a des chemins qui leur sont affectés, où les hommes ne s’aventurent pas.

Il est à remarquer que ces réserves ne visent pas seulement les étrangers, mais tout homme quel qu’il soit. Le voisin ignore tout de la vie intime et familiale de son voisin. Le frère ne connaît pas la femme de son frère. On se voit entre hommes ; on traite les affaires, à la boutique qui est toujours éloignée de la maison, au bazar, ou au marché. Les rares visites que les hommes se font entre eux sont reçues au divan, l’unique pièce accessible, à proximité de la porte.

A Ghardaia, à Ouargla, les terrasses des maisons sont entourées d’un mur qui monte à près de deux mètres, pour empêcher que l’œil ne plonge dans la maison du voisin. Malgré cela, quand un homme veut monter sur sa propre terrasse, il est encore obligé d’avertir tout le voisinage, par un cri convenu, pour que les femmes qui seraient sur les terrasses d’alentour aient le temps de disparaître.

Même à Constantinople, où la vie moderne a pris possession de la rue, où les turcs s’évadent tant qu’ils le peuvent du moule oriental, à Constantinople, en 1912, après la révolution émancipatrice, un effendi ne rentrera pas chez lui si sa femme reçoit la visite d’une autre femme.

Le Mozabite a toujours à la main, quand il sort, une énorme clef, rattachée par une courroie à son poignet ; cela veut dire : « Je suis dehors, mais ma femme est en sûreté ».

On ne fera croire à personne que ce luxe de précautions soit un argument en faveur de la vertu des Musulmans.

Non pas que tous soient nécessairement débauchés au sens où nous l’entendons, nous autres, car tels et tels actes que nous qualifions vices, sont chez eux parfaitement légitimes, puisque Mahomet a très habilement allégé le Décalogue des préceptes gênants, le VIe et le IXe, en écornant fortement les autres.

Toutes ces belles qualités de droiture, d’équité, de proverbiale fidélité à la foi jurée, qu’on prête si libéralement aux Musulmans sont surfaites, comme tout le reste.

Le vol chez eux est passé à l’état d’industrie : l’Arabe est « chapardeur ». Le mensonge est pour eux un besoin. Ils mentent même lorsque c’est inutile, autorisés d’ailleurs par le Koran, qui n’y voit aucun mal s’il s’agit de tromper sa femme ou de tromper le Roumi. Quant au parjure, il ne déshonore pas son homme : il n’y a pas de pays où l’on puisse se procurer aussi aisément de faux témoins et à si bon compte.

Il faut dire qu’on y regarde de plus près entre soi qu’avec l’étranger ; que la morale est plus serrée de croyant à croyant et qu’il se rencontre tout de même d’honnêtes Musulmans qui valent mieux que leur religion, mieux surtout que Mahomet[2].

J’ai noté ce propos recueilli à Constantinople, de la bouche d’un turc très haut placé, homme intègre qui eut jadis un rôle important dans le Gouvernement et dont je tairai le nom : « Il est difficile, disait-il, d’être honnête en observant le Koran ».

Ils ont grand air et ils en imposent : voilà la vérité. Le pharisaïsme n’est pas mort : il s’est fait musulman.

On ne peut nier que cette belle façade ne dissimule de profondes misères et que ce monde-là ne soit pourri. Les conversations entre hommes, avant, après la prière, entre deux prières, sont des conversations de corps de garde. Les vices honteux sont fréquents et précoces, en pays musulmans.

Les croyants sont sincères, au moins dans le peuple, mais la religion, chez eux, ne s’identifie pas avec la vie morale : elle est superposée, elle est parallèle : c’est un trompe-l’œil, c’est du pharisaïsme : « sépulcres blanchis, pleins de corruption ! »

Et puis, c’est si commode, quand on a vagabondé hors du droit chemin musulman, si large, si coulant ; quand tout de même on a péché, c’est si facile ! On fait quelques ablutions et il n’y paraît plus. Point n’est besoin de profonde componction, ni de pénibles aveux : un peu d’eau sur la peau et la conscience est purifiée.

Je les ai vus et longuement observés, dans les mosquées, aux fontaines des ablutions, où trois ou quatre à la fois se purifient, pendant que les autres attendent patiemment leur tour.

Tout est prévu, ordonnancé ; pas un geste qui soit spontané. On doit commencer par la main droite, monter jusqu’au coude par trois fois, puis la gauche ; après, c’est le pied droit jusqu’à la cheville, ensuite l’autre ; enfin le visage, les oreilles, les yeux, le nez, la bouche, la tête, méthodiquement. Alors on est pur comme un ange. On s’ébroue un moment, on quitte ses sandales, quand on en a, et l’on s’installe sur les nattes pour y faire sa prière. Les mots en sont comptés et le rite se décompose en quelques mouvements toujours identiques, nets et précis comme un exercice militaire, la Rekâa.

Qu’importent les rechutes ! Il suffit d’être pur au moment de la prière ; et, pour être pur, on se repurifie avec l’eau de la fontaine.

Et pour aller au ciel, il est nécessaire, et, c’est assez, de prononcer la formule, la Chahada en levant l’index, avant que de mourir. Aussi, un bon Musulman ne risque jamais sa peau sans faire le geste sacré, le Chahed, en récitant la formule.

J’ai rencontré, dans la région de Ouargla, une équipe de R’tas, ces fameux cureurs de puits, groupés en confrérie, qui sont voués à l’entretien des vieux puits artésiens dont l’origine se perd dans la nuit des temps.

Le R’tas se bouche le nez et les oreilles avec du coton huilé. Il se fait descendre, par une corde lestée d’une grosse pierre, dans le puits souvent très profond. Il y reste un temps qui n’en finit pas, quatre, cinq et six minutes ! Sur un signal, on le remonte. Il reparaît transi, grelottant, avec un petit couffin rempli de vase et de cailloux ; et, pendant qu’il se réchauffe à la flamme d’un grand feu, un autre descend pour ramener un second couffin de boue. Et c’est ainsi du matin jusqu’au soir, tout le long de l’année.

Or, ce métier est dangereux et je voyais ces hommes faire scrupuleusement le geste sacré avant chaque plongée.

C’était, après ce bras rigide, après cette main levée, cet index tendu vers le ciel qui s’enfonçait le dernier sous l’eau.

Que si pourtant on manque son coup, eh bien, ce n’est qu’ajourné, on y arrive tout de même : l’Enfer n’est éternel que pour les Roumis.

Nous sommes loin, très loin, du sentier aride et épineux, tout jalonné de croix, qui aboutit à la porte étroite du Ciel de l’Évangile. Mahomet nous a changé tout cela.

Comment, avec une doctrine aussi large, une religion si accommodante, si complaisante, la morale, telle que nous l’entendons, tiendrait-elle debout ?

Comment, le frein une fois cassé, des tempéraments humains, des natures orientales surtout, ne seraient-elles pas entrainées par la fougue des passions débridées ?

Alors, pour que tout de même l’état social soit possible, on a donné du jeu aux passions.

A voir leur nombre et la place qui leur est faite dans la cité, on dirait que les courtisanes, même celles de bas étage, sont reconnues d’utilité publique.

Elles vont et viennent librement, mêlées à la vie de tout le monde, parées comme des reines de comédie, la tête haute, sans être autrement méprisées ni tenues à l’écart. C’est une profession qui n’est pas décriée comme elle l’est en pays chrétiens ; à tel point que, dans les fêtes publiques, elles sont admises comme telles ; elles y figurent d’office.

A Ghardaia, dans une grande course de chameaux organisée par l’autorité militaire française, quelque chose comme le concours hippique, je vois encore ces filles, bercées dans leurs riches bassours qu’empanachaient des plumes d’autruche, se promener, aux pas dolents de leurs chameaux, aux tout premiers rangs de l’assistance.

La polygamie, qui laisse à chacun de la marge à son foyer, est une sauvegarde pour tous.

Ce régime farouche de réclusion et de surveillance des femmes, qui trahit l’insécurité du milieu et la défiance mutuelle, prévient bien des scandales. L’hypocrisie des mœurs cache les autres et la crainte du fusil, du poison ou du poignard supplée à la vertu.

On m’a montré, en Kabylie, un vieillard, implacable justicier, sur le front duquel l’exécution tragique de sa propre fille, un drame à la Brutus, avait mis une sorte d’auréole.

La fille coupable doit dénoncer son séducteur ; c’est la loi. Celle-là restait muette. Le père, lassé d’attendre, convoqua un jour tout le village pour les funérailles de son enfant vivante. Sur le bord de la fosse, il lui passa au cou un lacet et lui fit une suprême sommation. Elle se tut. Stoïquement, il l’étrangla, aidé par ses fils, et l’on procéda, sur le champ, avec les rites accoutumés, à la cérémonie funèbre.

Tout homme convaincu d’avoir adressé la parole à une femme qui n’est pas la sienne est puni d’amende et banni pour deux ans.

On comprend qu’avec des étançons de ce calibre on arrive tout de même à faire tenir debout, à peu près, le vieux précepte mosaïque : « Tu ne prendras pas la femme de ton prochain ! »

S’il nous fallait un argument de plus pour confondre la morale de l’Islam, l’immorale conception du ciel musulman nous le fournirait.

D’abord, c’est un ciel tout arabe ; et cela seul trahit la fabrique humaine.

Une religion divine, ou qui se croit telle, ne peut pas ne pas prétendre à l’universalité. Elle doit convenir, non pas à un pays, à une race, mais à l’humanité ; non pas à un groupe d’hommes, mais à tous les hommes, sauf, comme le catholicisme, à se plier, dans les formes secondaires du rite, au tempérament des différents peuples.

Mahomet, arabe, en plein pays arabe, n’a pas su voir plus loin ni plus haut que l’horizon arabe : il a bâti son ciel pour les Arabes, avec des matériaux arabes.

Il suffit pour s’en convaincre d’avoir vu de près ce monde-là.

L’idée qu’on se fait du bonheur dépend, plus souvent qu’on ne le pense, par contraste, soit de la souffrance ou de la peine du moment : on serait heureux de se chauffer lorsqu’on a froid, de se reposer quand on est fatigué, de manger lorsqu’on a faim ; ou bien encore de la convoitise, de la passion satisfaites.

Or l’Arabe, l’homme du désert, nomade perpétuel, sans patrie, sans foyer, qui s’en va de campement en campement, à travers les solitudes arides, mornes, hostiles, brûlées de soleil, l’Arabe qui vit de rien, qui ne boit que l’eau saumâtre des puits ou l’eau amère et tiède de sa gherba, l’Arabe soupire après l’ombre épaisse des bois, après les sources fraîches de l’oasis ; et c’est fête pour lui quand une réjouissance quelconque le ramène en face d’un bon festin.

Ces festins, les Diffa, sont des festins de Pantagruel. On y sert des monceaux de viande, des bêtes entières, moutons, chamelons rôtis tout d’une pièce. Les convives en sortent repus pour huit jours.

Enfin, l’arabe est sensuel ; et, quand il monte dans le Nord, à Biskra, à Constantine, à Tunis, il court les mauvais lieux, les quartiers mal famés où pullulent les cafés maures, les danseuses, les courtisanes et les petits théâtres obscènes. Car cette gravité solennelle, de rêveur et non d’ascète, n’a que l’épaisseur du burnous ; et ce pardessus cache un noceur plutôt qu’un mystique.

Le Paradis de Mahomet n’est qu’un amalgame de ces trois éléments : l’oasis, la Difa et les Houris, qui sont les Almées de l’autre monde[3].

C’est un jardin de délices, une oasis merveilleuse, avec des palais splendides, un luxe éblouissant, — car l’arabe aime le faste, les bijoux, les parfums ; — et l’on y trouve accumulées toutes les jouissances, et les plus sensuelles, que la volupté peut rêver.

Le Koran, dont les descriptions sont déjà très matérielles, est encore assez discret sur ce chapitre délicat, bien que les traductions atténuent singulièrement la crudité des termes arabes.

Le ciel qu’il laisse entrevoir a encore une certaine tenue ; il n’en étale pas trop cyniquement les turpitudes[4] ; mais les commentateurs et les théologiens de l’Islam n’ont pas eu la même réserve. Ils ont accumulé, sur les données laconiques du Livre, des extravagances et d’audacieuses franchises que nos oreilles ne supportent pas.

Tantôt c’est du Rabelais, et du pire, et nous n’en parlerons pas. Tantôt, c’est du Boccace, de l’Hoffmann, et du plus fantastique : en voici quelques échantillons :

« Les arbres de l’oasis sont énormes, un cavalier n’en ferait pas le tour en galopant toute sa vie[5] ».

« Les arbres sont en émeraude, leurs branches s’abaissent d’elles-mêmes à portée de la main pour que les élus puissent, sans effort, en cueillir les fruits[6] ».

« Le fameux arbre Touba, qui ressemble au noyer, donne du raisin dont les grappes sont si grandes qu’un corbeau, qui marcherait tout un mois, n’en atteindrait pas le bout[7].

« Il y aura des chevaux superbes, ailés, sellés de pierres précieuses, qui n’auront ni crottin, ni urine[8].

Le Koran dit : « qu’on mangera pour la seule jouissance » (xix, 63) ; il parle « de viandes abondantes (lii, 22), de la chair délicieuse des oiseaux (lvi, 21), des vins exquis, qui ne donneront ni maux de tête ni étourdissements » (Ibid., 17-18 — xliii, 72 — lxxvi, 15, 25) de bon vieux vin bouché : « ils boiront d’un vin exquis et scellé, le cachet sera de musc » (lxxxiii, 25).

La plume des commentateurs est autrement prolixe : « Chaque élu a son palais ; chaque palais a 70 pavillons de jacynthe rouge ; chaque pavillon, 70 chambres d’émeraude verte ; dans chaque chambre, 70 tables de plusieurs kilomètres de longueur ; sur chaque table, 70 plats différents ; et Allah donnera à chaque croyant la capacité de les manger tous, en un seul repas. »

« Chaque homme aura la force de cent hommes, pour manger.

« Après le banquet d’Allah, il y aura le banquet de Mahomet qui durera 5000 ans, puis celui d’Abou-Beker qui durera 24.000 ans, ensuite celui d’Omar, 12.000 ans, etc…

« On leur servira des oiseaux gros comme des chameaux dont la seule vue fera venir l’eau à la bouche. L’élu s’écriera : que sa chair doit être succulente ! et aussitôt l’oiseau tombera devant lui, cuit, bouilli ou rôti, selon son goût. Il le mangera, n’en laissant que les os, et l’oiseau ressuscitera et reprendra son vol ».

« L’élu sera préservé des inconvénients de la digestion. »[9].

Il y en a comme cela des pages et des pages, avec un luxe invraisemblable de détails puérils, bizarres et grossiers. C’est du délire et de la folie, de la folie malsaine, car le chapitre des Houris dépasse encore tout ce que l’imagination la plus dévergondée peut inventer : la béatitude céleste n’est qu’une noce grossière, une débauche éternelle, l’apothéose éhontée de l’instinct, de l’instinct inférieur qui ne dépasse pas le niveau de l’estomac.

La vision de Dieu ne paraît pas peser bien lourd dans les conceptions mystiques de l’Islam. Le Koran ne semble la concéder que pour une fois. Certains docteurs pensent que les élus verront Dieu pendant 300 ans d’abord, puis, tous les vendredis ; et, comme il faut toujours un faux pli, une grimace, une note étrange et niaise, « Dieu se montrera aux élus dans un bloc immense de camphre blanc »[10].

L’extravagance, la puérilité, le manque d’harmonie, l’incohérence, voilà bien le trait caractéristique des œuvres diaboliques.

Cette tare d’excentricité et d’obscénité, qu’il n’est plus possible de dissimuler depuis que le monde musulman ouvre ses fenêtres, ou plutôt depuis qu’on a forcé sa porte, jette le discrédit sur l’Islam.

Les esprits clairvoyants, les hommes de bon sens, s’en rendent bien compte. Ils sont embarrassés de leurs croyances enfantines, étriquées, mal charpentées, malvenues.

J’ai recueilli l’aveu de ce malaise au cours d’une entrevue qu’un ami m’avait ménagée avec quelques professeurs d’une Université musulmane, leurs Docteurs en Sorbonne.

Ils m’ont dit qu’il ne fallait pas juger l’Islam d’après la mentalité étroite et superstitieuse du peuple, que la religion avait perdu sa pureté primitive et qu’ils travaillaient, eux, dans leur enseignement, à dégager la vraie doctrine, des légendes et des fables qui la défigurent, superfétations dont Mahomet n’est pas responsable et qui viennent des théologiens et des commentateurs. Ils prétendent que les descriptions réalistes et sensuelles du paradis musulman doivent s’entendre dans un sens tout mystique.

Bref, ils sont modernistes.

Ils renient leurs traditions et leurs théologiens ; et, à force de rogner et d’épurer, à force de jeter du lest, ils feront de la doctrine de l’Islam, déjà si maigre et si pauvre, une petite chose encore plus vide, plus confuse et plus vague, trop éthérée pour le peuple, trop chétive et trop creuse pour ceux qui réfléchissent et qui pensent.

Ils ont beau dire et beau faire, l’Islam n’a pas les reins assez solides pour supporter une réforme. Le jour où il ne pourra plus être ce qu’il est aujourd’hui, il ne sera plus rien.

Il a vécu de vols et d’emprunts. S’il a pu, de loin, faire quelque illusion, il le doit à la grande idée monothéiste qui lui sert de façade et à trois ou quatre préceptes moraux dont Mahomet a trouvé la formule dans la Bible ou dans l’Évangile.

Quant à son apport personnel, il est tout en incohérence et en immoralité, pour aboutir, en définitive, à cette étrange conclusion d’offrir le vice comme suprême récompense de la vertu.

Si donc la piété ne vaut pas grand’chose, la morale assurément ne pèse pas lourd.

J’ai sous les yeux la lettre d’un professeur de l’Université, la nôtre, qui a passé de longues années, à titre de précepteur, dans les milieux musulmans du nord de l’Afrique, et j’y lis cet aveu : « J’ai connu de très belles âmes chez les catholiques, chez les protestants aussi, et même chez les juifs. Je n’en ai pas rencontré chez les mahométans ».


III


La tolérance dans l’Islam


Les musulmans ont toujours eu, sur ce point, mauvais renom. Le fameux « Crois ou meurs ! » est resté dans l’histoire comme la caractéristique de l’apostolat musulman.

Aujourd’hui, on rencontre des gens qui parlent, à pleine bouche, de la tolérance de l’Islam et qui alignent quelques versets du Koran à l’appui de leur dire ; car il y a, en effet, dans le Koran, des maximes de tolérance :

« Prêche les hommes, ne les commande pas avec violence » (lxxxviii, 22). — « Ton ministère se borne à la prédication ». — (xiii, 40. xxxv, 21). — « Souffre les infidèles avec patience » (86, 17). — « Ne leur nuis point » (xxxiii, 47). — « Aie pour eux de l’indulgence » (v, 16). — « Ne faites pas violence aux hommes à cause de leur religion » (ii, 257).

Il y a autre chose aussi dans le Koran :

« Mettez à mort les idolâtres partout où vous les rencontrerez » (ix, 5). — « Tuez-les partout où vous les trouverez » (iv, 93) ; car « L’idolâtrie est pire que le meurtre » (ii, 187). — « Faites-en un grand carnage » (xlvii, 4). « Si le sort des armes les fait tomber en ton pouvoir, effraie, par leur supplice, ceux qui les suivent » (viii, 59). — « Lorsque vous attaquez, soyez inébranlables (viii, 47). — « Ceux qui combattent ont leur récompense assurée auprès de Dieu » (ii, 274). — « Si vous refusez de marcher, redoutez les vengeances divines : les supplices attendent tous ceux qui reculent » (xlviii, 16) ; etc., etc. Enfin et surtout, la Sourate IXe tout entière, la Sourate du Sabre, consacrée à la Guerre sainte, qui compte 130 versets.

Les arguments, les textes, à première vue, ne manquent donc pas pour soutenir l’une et l’autre thèse.

Mais, ce qu’on ignore généralement et ce que les musulmans se gardent bien de dire, c’est qu’il y a, dans le Koran, des versets supprimés, mis de côté, non avenus, qui ne comptent plus.

Une maxime arabe nous fournirait la clef du problème : « Si tu es piquet, patiente ! Si tu es maillet, frappe ! »

Tout le secret de la politique musulmane à l’égard des Roumis est là. Il serait aisé d’en faire la preuve, siècle par siècle, l’histoire en main.

Mahomet a connu ces deux positions.

Il a été piquet, à La Mecque, pendant les premiers temps, puis maillet, à Médine.

A La Mecque, on ne l’écoute pas, on lui tourne le dos : il est humble, timide, hésitant. Pour amadouer ses adversaires, il fait le bon apôtre, il file doux, il est tolérant, il s’en tient à la persuasion, à la prédication.

Mais, sitôt qu’à Médine il se sent appuyé, à mesure que son prestige s’affirme, il reprend confiance ; il jette le masque ; il parle en maître ; il est violent, intransigeant ; il devient agressif, contre les Arabes récalcitrants de La Mecque qui l’ont méprisé, contre les Juifs qui ont repoussé ses avances, contre les chrétiens qui résistent.

Il a donc eu deux manières. Mais la vraie, c’est la seconde. Et si l’on veut démêler, dans le fouillis des oracles musulmans, sa pensée profonde, la loi directrice qu’il entend laisser à ses disciples, il faut la chercher dans la IXe Sourate, la Sourate du Sabre, la dernière en date, qui renferme son testament politique et religieux : la haine du roumi, la lutte sanglante, inexorable, la Guerre sainte qui s’impose à tout musulman comme le plus sacré des devoirs.

Plus tard, ces hésitations du début, ces fluctuations que les circonstances lui avaient imposées et qui n’étaient que le reflet de ses embarras successifs, devinrent gênantes. Il essaya de se couvrir, pour sauver la face, par une révélation. C’était son grand moyen, et il s’en servait même pour rétablir la paix dans son ménage (lxvi, 8), et modérer un peu la coquetterie exagérée de ses femmes (xxxiii, 33).

Il mit sur le compte de Dieu ses contradictions : « Si nous changeons un verset du Koran, est-il écrit à la XVIe Sourate, verset 103, Dieu sait ce qu’il fait ». Et ailleurs : « Nous n’abrogeons aucun verset sans le remplacer par un autre meilleur » (ii, 100).

C’était poser le principe des abrogations, dont les commentateurs ont précisé les règles.

Il y a, dans le Koran, 207 versets, qui figurent toujours dans le texte, mais qui sont abrogés par 93 autres. Le 5e Verset de la IXe Sourate : « Tuez-les tous, partout où vous les trouverez. » en abroge à lui seul 124.

Or, ce sont précisément tous les versets de tolérance, toutes ces maximes pacifistes qui sont abrogées ; et, voici, formulé en termes très clairs, le principe général : Chaque fois qu’il est dit à Mahomet : « Éloigne-toi d’eux, ne leur fais pas violence ! » Chaque fois qu’il lui est ordonné de supporter avec patience Juifs et Chrétiens, ces versets là sont abrogés par la IXe Sourate[11].

Le droit musulman s’inspire de cette doctrine et déclare :

Art. 245 : « La guerre sainte est l’état normal du musulman ».

Art. 246 : « L’état de guerre doit être considéré au point de vue individuel et au point de vue international : Au point de vue individuel, tout infidèle est virtuellement livré aux musulmans. Au point de vue international, la guerre sainte est une guerre d’extermination de tous les apostats arabes ou idolâtres qui ne se convertiraient point à l’Islam, puis, des Chrétiens et des Juifs qui refuseraient de se soumettre au joug musulman et de payer tribut ».

Il est à remarquer qu’il y a là une distinction. Pour les Arabes récalcitrants : Crois ou meurs !

Pour les Juifs et les Chrétiens : Crois, paye, ou meurs !

La guerre sainte est un devoir strict pour tout musulman valide. Quels que soient les textes des traités, la paix n’est jamais qu’une trêve.

Que l’on ne croie pas qu’il s’agit ici de doctrines surannées : tout cela est enseigné couramment dans les universités musulmanes, du Caire à Damas, partout, même à Tunis, et, à notre barbe, en Algérie ; cela est écrit dans les livres musulmans qui sont réédités tous les jours.

De fait, en pratique, la terre se divise en pays d’Islam (Dar-el-Islam) et en pays de guerre (Dar-el-Narb).

Les pays d’Islam sont de trois sortes : les musulmans ; les non musulmans soumis, mêlés aux musulmans, sur les terres musulmanes ; les non musulmans soumis, mais hors des territoires musulmans, et gouvernés par leurs propres chefs, tributaires du Sultan.

Les pays de guerre comprennent d’abord les nations qui n’ont pas de traité et avec lesquelles l’état de guerre est, en principe, permanent ; puis les nations qui ont des traités et vis-à-vis desquelles il y a trêve provisoire.

En terre musulmane, les non musulmans (Dimmi) spécialement les chrétiens, paieront un tribut, la capitation, (ix, 29) et on leur imposera, pour les humilier, « l’obligation de porter eux-mêmes leur argent chez l’émir, qui les recevra assis, leur donnera un coup de poing sur la tête et les fera chasser ensuite par ses gens ».

On ne tolèrera leur culte qu’aux dures conditions réglées par le Pacte d’Omar :

1° Interdiction de construire de nouvelles églises, et de réparer les anciennes.

2° Libre accès des églises et des monastères aux musulmans. Obligation de les y accueillir et de les y hospitaliser comme en caravansérail.

3° Défense d’ériger ou de montrer des croix en public.

4° Sonneries de cloches seulement tolérées, pourvu qu’elles soient très discrètes. — Enterrements, sans chant dans la rue.

5° Obligation de traiter les musulmans avec honneur, de se lever en leur présence, de s’effacer dans les rues pour les laisser passer.

6° Défense de porter le costume musulman et d’enfreindre les lois somptuaires sur le vêtement.

7° Interdiction du cheval ; et, sur les mulets et les ânes, pas de selles : « Ils s’y tiendront assis d’un côté, sans monter jamais en cavalier, et ils mettront pied à terre chaque fois qu’ils rencontreront un musulman ».

8° Leurs maisons ne prendront pas jour sur les maisons musulmanes.

9° Complication et restriction du droit de propriété.

J’entends l’objection : « Mais qui donc aujourd’hui songe encore au pacte d’Omar ? »

Dans les temps modernes, il semblerait, en effet, qu’un souffle de tolérance, en dépit des doctrines, ait passé sur l’Islam, et j’ai entendu le Pape Léon XIII, en 1893, dire à un ambassadeur qui lui apportait solennellement les vœux et les présents du Sultan : « Plût à Dieu que la Sainte Église obtienne, des gouvernements catholiques, la liberté que lui laisse le Sultan dans ses États ! »

Rappelons-nous le proverbe arabe : « Si tu es piquet, patiente ; si tu es maillet, frappe ! »

Il y a bel âge que les gloires du Padischah sont éclipsées. Le Sultan, qui s’effondre aujourd’hui sous les coups des Bulgares, n’était déjà plus, en ce temps-là, que l’ombre de lui-même. On ne disait point tout haut « il n’a ni armée qui compte, ni marine qui vaille, » car on se le figurait moins malade encore qu’il n’était et l’ombre hautaine de Guillaume II masquait sa misère. En réalité, il ne tenait debout qu’épaulé, à contre cœur, par la jalousie mutuelle des Puissances. Pas une ne se risquait à y toucher, crainte des autres, mais le Grand-Turc n’était plus qu’un mannequin entre les mains de l’Europe.

C’est donc moins à son bon vouloir qu’à cette rivalité d’influences diplomatiques qui pesaient sur la politique de l’Islam, que l’Église devait, en Turquie, sa liberté.

L’Algérie est colonie française ; la Tunisie est sous le protectorat français, et la crainte salutaire des baïonnettes et des canons maintient le cimeterre des croyants au fourreau.

Le piquet patiente, mais on sent bien tout de même que le maillet s’impatiente, prêt à prendre sa revanche sur les Francs de Charles Martel et sur les petits-fils des Croisés.

Jusqu’à 1830, les Maures et les Sarrazins, les pirates des côtes barbaresques étaient la terreur de l’Europe méridionale. Les bagnes de Tunis et d’Alger regorgeaient de chrétiens captifs.

Les massacres de Patras et de Chio, en 1822, ceux de Damas, en 1860, ne sont pas oubliés : vingt fois ils ont failli se renouveler ; j’ai recueilli là-bas, au Liban, sur place, dans les Consulats, en 1908, des faits qui ne laissent aucun doute : l’ordre était donné ; il s’en est fallu de rien qu’il ne fût exécuté.

Les Arméniens ont été égorgés en masse, en tas, pêle-mêle, avec des raffinements de cruauté inouïs, sur un signe du sultan-rouge. Le compte de ces hécatombes est effrayant : 200.000, au bas mot, en 1896 ; 30.000 en 1909 ! Sans compter les milliers de jeunes filles enlevées par troupeaux, qu’on n’a jamais revues, proie prélevée par le vice sur le carnage, réservée à des drames de honte et de sang, dans le mystère des harems musulmans où elles ont dû abjurer, subir, ou mourir. Car, dans ces accès de frénésie qui n’ont rien d’humain, la bête se réveille dans le Turc, assoiffée de sang et de luxure.

Les mutilations féroces dont furent victimes les prisonniers italiens, en Tripolitaine, et nos soldats, au Maroc, sont d’hier.

Ce sont des procédés pareils, des assassinats, des viols et des atrocités sans nom qui ont exaspéré les chrétiens des Balkans. Et les journaux, tous les matins, nous apportent, avec le récit des tueries sauvages et lâches qui marquent, du sang des femmes et des enfants, les étapes de l’Islam en déroute, l’écho sinistre des appels à la Guerre sainte qui tiennent en alerte le monde musulman tout entier.

Non, non, qu’on ne s’y méprenne point, la tolérance n’est pas, chez eux, un principe : ce n’est qu’un procédé, une attitude du moment, une tactique prudente en face du plus fort.

L’intolérance est un dogme. La Guerre sainte est un devoir.

Le musulman n’est tolérant que quand les événements l’y obligent.

Lorsqu’il est le plus faible et qu’il ne peut faire autrement, il dissimule et il attend ; mais, sous la cendre, le feu couve toujours : « Baise la main de ton ennemi, en attendant que tu puisses la mordre ! »



II
LA FRANCE
PUISSANCE MUSULMANE




Cette trop rapide incursion sur les terres qu’abrite le Croissant et chez les peuples qui prient vers la Mecque, laisse en suspens deux problèmes qui n’en font qu’un et qui ont, pour nous, plus qu’un simple attrait de curiosité, mais un réel intérêt : car, de la solution que le Gouvernement leur donnera, et il ne semble pas qu’il ait encore trouvé la bonne, dépend l’avenir de notre superbe colonie du Nord de l’Afrique.

Nous sommes enclins, nous autres français, à prêter aux Arabes, aux Juifs, aux nègres du Soudan, à tout le monde, nos vues, nos sentiments, nos impressions, notre mentalité aryenne et chrétienne. Nous ne savons pas nous dégager de nous-mêmes, de l’ambiance locale, pour nous mettre, un moment, dans la peau du voisin ou de l’adversaire ; et cette erreur de mise au point égare nos jugements, fausse toutes nos prévisions.

Alger n’est qu’à 36 heures de Paris, mais, entre ces gens-là et nous, il y a des siècles et un abîme.

Que de français, établis en Algérie ou en Tunisie, depuis des années, qui n’ont pas soupçonné encore l’âme musulmane !

Ils croient les bien connaître pour les avoir croisés dans la rue, tous les jours. Ils les trouvent étranges parce qu’ils portent un burnous et qu’ils font leur prière. Mais, parce qu’ils parlent un peu notre langue, qu’ils montent en tramway et paient leurs impôts, on s’imagine qu’ils ont pris leur parti de la conquête, que leurs cœurs sont annexés avec le sol et qu’ils nous sont profondément attachés.

La vérité, c’est que, figée dans son type, réfractaire à toute influence, galvanisée par sa religion, cette race antique, que les Romains eux-mêmes n’ont pas su entamer, ne s’est pas mêlée à la nôtre, ainsi qu’il arrive d’ordinaire dans les pays conquis, comme l’eau se mêle au vin : elle est restée à côté, juxtaposée, comme l’eau dans un vase où l’on verse de l’huile.

Ils ne nous aiment pas. Ils ne sont pas plus français qu’au premier jour.

Mais ils font bonne figure. Ils ont le génie de la dissimulation. Ils sont diplomates dans le sang. Ils ont l’échine souple. Beaux parleurs et grands phraseurs, ils dissimulent leur rancune de vaincus, sous une feinte soumission. Leurs yeux profonds, voilés de mystère, ne révèlent pas l’âme : ils la masquent.

Est-ce à dire que le gouvernement français ne leur fait pas d’avances ? Le Gouvernement leur fait beaucoup d’avances ; mais, soit méconnaissance des choses ou parti-pris de sectaires, l’un et l’autre probablement, il les prend au rebours du bon sens.

L’indigène, en tant qu’arabe, serait accessible ; en tant que musulman, il est irréductible. Or, on flatte le musulman pour gagner l’arabe.

La France officielle, qui a renié le Baptême de Reims, se pose là-bas en protectrice de l’Islam.

Elle a déclaré solennellement à Alger, par la bouche de M. Loubet, Président de la République, qu’ « elle se glorifiait d’être une grande puissance musulmane ».

Et, à voir ce qui se passe en Algérie et en Tunisie, on croirait plutôt qu’au lieu d’être libre-penseuse, la France n’a fait que changer de Religion ; car, l’appui qu’elle donnait jadis au Catholicisme, elle le donne maintenant à l’Islam.

Après ce que nous avons dit de l’intolérance dogmatique et systématique de la Religion de Mahomet, il est évident que plus les Arabes seront musulmans, plus ils seront fanatiques ; et que, favoriser l’Islam, c’est entretenir et attiser, chez les indigènes, la haine du Roumi.

Or le Roumi, là-bas, c’est le Français.

Le prestige de l’Islam avait reçu, au moment de la conquête, un coup dont il ne devait pas se relever : l’attitude des vainqueurs l’a tout de suite raffermi.

Ce fut une lourde faute politique.

D’après les notes qui nous arrivent, chaque matin, par la presse, de Constantinople, les journaux indigènes ne parlent à leurs lecteurs que d’escadrons Bulgares enfoncés, de Serbes pulvérisés, de Grecs aux abois ; ils disent que les canons allemands ont fait merveille et que le Bosphore est encombré des vaisseaux pris à l’ennemi. Et partout, sauf sur le théâtre même des opérations, en Asie, en Afrique, le peuple en est convaincu.

On n’a pas l’idée, chez nous, de la façon dont se fait l’opinion dans ces milieux de rêve et de mirage, ni de la déformation que subissent, dans les récits arabes, les évènements les plus simples et les faits les plus matériels.

Ce fut la même chose en Algérie, au siècle dernier. Le succès de nos armes est avéré ; la conquête n’est pas contestable : nous sommes en possession ; nous occupons. Mais, dans les clans indigènes arriérés qui n’ont que de rares contacts avec les grands centres, on pense autrement, on raconte autre chose.

« Nous avions péché, disent les Arabes : On ne pratiquait plus assez la religion. Dieu nous châtie.

« Le Sultan, — dans les villes du Sud, sous les tentes, chez le petit peuple, ils sont tous convaincus que le Sultan gouverne le monde, — le Sultan, pour nous punir, a fait venir la France. Mais le châtiment n’aura qu’un temps ; et, même en nous humiliant, Dieu est bon pour nous, car les Français sont au service de l’Islam.

« Nous n’avions pas de routes, de chemins de fer, de télégraphes : ils nous en font. Ils nous obligent à payer des impôts, mais c’est pour le Sultan qui exige d’eux une redevance.

« Et quand l’heure sera venue, le Sultan les chassera ».

Il faut avouer que l’attitude de la France, en Algérie et en Tunisie, n’est pas pour les détromper.

Ils ont d’abord été étonnés qu’on ne les forçât pas à se faire catholiques ; car ils ne conçoivent point qu’un vainqueur n’impose pas sa religion au vaincu.

Mais, on a fait plus. On a interdit pendant longtemps la moindre propagande catholique aux Évêques d’Alger et aux Missionnaires.

Ce n’est qu’en 1868, trente-huit ans après la conquête, que Monseigneur Lavigerie obtint une liberté discrète et restreinte pour l’enseignement du catéchisme, dans ses orphelinats arabes.

On a construit des Mosquées.

On annonce, à coups de canon, le lever et le coucher du soleil pour le Rhamadan.

On paie les Muphtis.

Pendant 15 à 20 ans, les bateaux français transportèrent gratuitement les pèlerins au foyer même du fanatisme, à La Mecque, où les Oulémas, par leurs prédications, entretiennent et exaspèrent la haine du Roumi.

Aujourd’hui encore, les représentants du Gouvernement français vont saluer officiellement les pèlerins sur le bateau, au moment du départ.

Les armateurs ont ordre d’embarquer une quantité d’eau suffisante, en prévision des ablutions rituelles, afin que les dévots passagers puissent vaquer librement à la prière, pendant la traversée.

En 1908, on a dû retarder le départ du pèlerinage, à cause de la peste, mais le Gouverneur général, en notifiant cette mesure, exprimait ses regrets, du ton dont on fait les excuses : « Le Gouvernement de la République, profondément respectueux des croyances musulmanes, a le regret de… ». Aussi on disait tout haut, en Algérie, qu’il ne manquait au Gouverneur qu’un burnous.

L’accès des mosquées de Tunisie est interdit aux Européens. Ce sont des sanctuaires inviolables, territoires sacrés que le pied du Roumi n’a jamais foulés.

Inaugure-t-on quelque part une Mosquée, une Médersa, les officiers de la garnison, les fonctionnaires, Gouverneur, Résident, Préfets en tête, sont mobilisés.

Le 8 mai 1905, M. Jonart, présidait ainsi, en grande pompe, l’inauguration de la Médersa de Tlemcem. « La France a pris l’engagement solennel, dit-il, de respecter les croyances des peuples qui s’étaient soumis à elle.

« Cet engagement, elle l’a observé scrupuleusement ; mais elle ne s’est pas contentée de faire ce qu’elle avait promis ; elle a voulu davantage ; elle a compris qu’il était de son devoir de travailler au développement intellectuel et moral des indigènes, en mettant à la disposition d’une élite un enseignement supérieur, qui convînt particulièrement à leurs sentiments et à leurs idées. »

Le Directeur de la Médersa accentua encore cette déclaration :

« Nos élèves, seront musulmans à la sortie de la Médersa, comme ils le sont à leur entrée ; car notre premier devoir ici est de toujours éviter de froisser les sentiments religieux des jeunes gens qui viennent à nous. »

Vraiment, ce sera l’âge d’or, quand le Gouvernement de la République traitera les catholiques de France, comme il traite les musulmans d’Afrique.

La loi de séparation a dû être appliquée à l’Algérie, mais le Gouvernement a eu soin de faire savoir aux chefs religieux de l’Islam qu’ils n’avaient rien à craindre, qu’aucune mosquée ne serait touchée.

Et Monsieur Fallières n’a eu que ce refrain à la bouche, dans son dernier voyage d’Afrique.

Le 18 avril, à Tunis : « Soyez assuré, dit-il au Cheick-ul-Islam, que la République française s’attachera, comme par le passé, à respecter vos lois et vos traditions religieuses ».

Le 19, dans son toast au Bey : « Nous ne sommes pas venus pour imposer à cette contrée des croyances qui ne sont pas les siennes ».

Le 21, à Gabès : « Nous ne voulons pas toucher à vos croyances. Le domaine de la conscience est inviolable ».

Le même jour, à Sfax : « Vous avez vos croyances, c’est naturel, et nous ne voulons pas les blesser ».

Or, ces mêmes musulmans ont été témoins des mesures prises contre nos religieux, contre le clergé français, contre le culte catholique !

C’est comme si on leur disait cyniquement : « Nous persécutons notre religion à nous, mais nous respectons la vôtre ».

Toutes les écoles françaises sont laïcisées : on n’a fermé aucune des écoles arabes qui sont essentiellement confessionnelles, puisque le Koran est la base de tout l’enseignement musulman.

On a eu toutes les peines du monde, même là-bas, à amener les petits arabes dans ces écoles sans Dieu, qui ne furent fréquentées, à l’origine, que par les Juifs.

Des Caïds m’ont dit, dans le M’zab, au Sahara, en parlant de l’instituteur laïque : « Comment veux-tu que nous envoyions nos enfants à cet homme-là qui ne croit à rien et qui se moque de sa religion comme de la nôtre ? Nous préférions cent fois les Frères qui leur parlaient de Dieu ».

Les premiers élèves indigènes furent des petits pauvres, les enfants des familles les moins considérées, des sans-le-sou, que les autres payaient et substituaient à leurs propres enfants.

D’ailleurs, l’école primaire française, telle qu’elle est conçue, si peu adaptée aux besoins du pays, fait fausse route. Paul Bert l’avouait déjà de son temps : « Nos instituteurs, disait-il, enseignent là-bas sans discernement tout ce qu’on leur a appris ». Et, au Conseil supérieur du Gouvernement d’Algérie, en 1886, le Gouverneur général disait en propres termes : « L’expérience tend à démontrer que c’est quelquefois chez les indigènes à qui nous avons donné l’instruction la plus complète que nous rencontrons le plus d’hostilité ».

Depuis, l’influence néfaste de l’école laïque n’a fait qu’empirer.

Les Arabes haïssent le chrétien ; ils méprisent l’impie.

Ils voient tous les jours la France maçonnique, juive et libre penseuse, outrager la religion, et leur rancune de vaincus n’en devient que plus impatiente et plus amère.

Chose curieuse, cette hostilité sourde, activement entretenue par les marabouts, se concrétise pratiquement dans les Zaouïas, les confréries religieuses organisées en sociétés secrètes, au sein desquelles le fanatisme en fermentation, toujours sous pression, n’attend qu’un signe et une occasion pour éclater.

Là, les burnous se muent en frocs de moines ; l’obéissance y est absolue, aveugle, selon cette formule, qui rappelle une devise célèbre : « comme un cadavre entre les mains d’un laveur de morts ».

Or, ces confréries ont des ramifications partout ; elle sont puissantes au Maroc. Rien que dans la province d’Alger, elles comptent 70.000 membres[12].

N’est-il pas étrange qu’après avoir traité en parias, sur son propre sol, les congrégations catholiques qui étaient des foyers de charité, de science, de patriotisme, d’apostolat, qu’après les avoir stupidement outragées, dépouillées, expulsées, notre gouvernement de sectaires et de maçons se retrouve en face des congrégations musulmanes, en face d’une autre franc-maçonnerie prête à l’expulser lui-même le jour où une complication extérieure quelconque nous obligerait à dégarnir un peu trop les forts et les casernes de la colonie.

A Tunis, un haut fonctionnaire indigène, président de l’Association des Anciens élèves de la Grande Mosquée, très au courant de nos affaires, à qui je demandais de me préciser la nuance qui différencie aujourd’hui, dans cette confusion inextricable des races, le Maure, de l’Arabe, me fit, après quelques explications, en forme de conclusion, cette réponse significative, et d’un ton qui soulignait chaque mot d’un gros trait noir : « Écoute-moi bien : appelle-nous comme tu veux : Turcs, Arabes ou Maures, il n’y a ici que des musulmans ! »

Dans un autre ordre d’idées, je dirais volontiers dans le même ordre d’idées, car la question est plus religieuse qu’on ne le pense, le fameux décret Crémieux, qui émancipa les Juifs algériens, en 1870, eut suffi à lui tout seul pour nous aliéner les indigènes à jamais.

Ceux-là seuls s’en étonneront qui ignorent quelle dose de haine et de souverain mépris recèle, pour le Juif, une âme de musulman : vieux ressentiment peut-être, au cœur des Arabes, pour l’expulsion tragique d’Ismaël et d’Agar, de la tente d’Abraham !

Le Juif était honni beaucoup plus que le chrétien, à tel point que les Arabes ne comprennent point encore que le meurtre d’un Juif puisse constituer un délit. Et voilà qu’à leur barbe, tout d’un coup, le Gouvernement confère à ceux-là le titre, les droits et les privilèges des citoyens français qu’on leur refuse à eux-mêmes ; il les place sur le même pied que le conquérant.

Ce fut la cause du soulèvement de la Kabylie, en 1871 ; et peu s’en fallut que l’insurrection ne devînt générale.

Si encore les Juifs avaient su jouir modestement de leur succès ! S’ils s’étaient montrés moins rapaces et moins arrogants ! Mais ils furent et ils sont, sur l’autre rive de la Méditerranée, comme chez nous, comme partout, d’impitoyables brasseurs d’affaires ; et, à mesure qu’ils réussissent à tondre l’indigène, les susceptibilités s’enveniment avec la rancune des victimes.

Enfin, il n’est pas jusqu’aux pierres qui ne parlent de revanche.

Les ruines, partout, surgissent du sol, robustes, massives, hardies, débris superbes de la puissance romaine.

Et alors, les indigènes se disent : Les hommes d’Occident sont déjà venus dans notre pays. Ils étaient plus forts que ceux d’aujourd’hui puisqu’ils ont bâti des maisons plus solides et plus hautes. Nos ancêtres les ont chassés : nous chasserons bien aussi les Français.

Résumons-nous :

L’Islam étant ce qu’il est, plus les Arabes seront musulmans, plus ils seront réfractaires à l’assimilation. Et je crois même qu’il faut dire : tant qu’ils seront musulmans, ils seront irréductibles.

« Nous aurons beau faire, disait le Cardinal Lavigerie, avec le Koran, nous n’avancerons point d’un pas. Dans mille ans, avec le Koran, nous serons encore pour les Arabes, comme aujourd’hui, des chiens de chrétiens[13]. »

C’est donc une aberration politique, une folie, un crime que de favoriser l’Islam, de le soutenir, de l’imposer aux indigènes ; car, on va jusque là : on a obligé les Kabyles, qui n’en avaient pas et qui n’en voulaient point, à se construire des mosquées.

Par contre, moins les Arabes seront musulmans, moins ils seront fanatiques, et plus nous aurons de chance de les gagner, de nous les attacher. Dès qu’un Kabyle est chrétien, il dit : « Je suis français ! » L’Arabe ne peut pas comprendre que le baptême ne soit pas pour lui un acte de naturalisation.

La seule tentative sérieuse et profonde d’assimilation, c’est donc, toute préoccupation d’apostolat religieux mise à part, la Christianisation ; car, si la libre-pensée arrive à détourner les Arabes de la mosquée, elle ne les détourne pas des zaouïas. Elle les laisse sous la coupe des sociétés secrètes.

Les conversions sont-elles possibles ?

On répète partout, et ça ne se discute plus, que les Musulmans sont inconvertissables. Est-ce vrai ?

C’est vrai, à un certain point de vue.

C’est vrai, dans une certaine mesure.

De fait, en plein pays d’Islam, les conversions jusqu’alors furent extrêmement rares. Elles étaient moralement impossibles : d’abord à cause de la difficulté d’aborder la question religieuse avec des gens qui se défient toujours et se dérobent sans cesse ; à cause encore de l’impossibilité de modifier tout d’un coup une mentalité encerclée dans des préjugés séculaires : il y faut du temps, un travail plus lent et méthodique, par l’école qui, d’une génération à l’autre, déblaie, redresse et réforme ; à cause aussi des conséquences : ce n’est pas tout de voir clair, la conversion implique la réforme des mœurs : « Ta religion, disent-ils au missionnaire, doit être vraie puisque tu es meilleur que nous ; mais, voilà, elle exige des sacrifices ! » et, plusieurs que la lumière a amenés jusqu’à la porte, restent dans le vestibule sans avoir le courage d’entrer ; à cause enfin des dangers auquels sont exposés les nouveaux convertis : ils y risquent leur peau ; la fuite seule peut les soustraire à la mort.

« Je connais la religion, me dit un jour un jeune Mozabite ; mais je ne peux pas me faire baptiser ici : emmène-moi en France avec toi et je serai chrétien ».

On a peu réussi ; mais, surtout, on a peu essayé ; timidement, par l’école, où l’on ne parlait qu’à voix basse et à demi-mots. De l’apostolat direct et positif, on n’en a jamais fait, parce qu’on n’a jamais pu en faire.

Mais l’âme musulmane, pas plus que l’âme païenne, n’est inapte à recevoir la lumière. Elle le serait plutôt moins.

Il y a en elle une base qu’on ne trouve pas chez les païens : la foi en Dieu, le sentiment religieux.

Ce n’est pas elle qui est inapte à recevoir la lumière. C’est la cave obscure, dans laquelle on la tenait enfermée, qui la maintenait obstinément loin de la lumière.

L’Islam n’a tenu que par la foi aveugle, qui s’interdit toute question, toute réflexion, toute discussion. Il est resté debout parce qu’il y avait interdiction absolue d’y toucher.

Mahomet a mis un bandeau de plomb sur les yeux de ses fidèles. Mais le bandeau se desserre. Cette passivité intellectuelle ne pouvait durer que dans l’ignorance et par l’isolement. C’est pourquoi le monde musulman était si rigoureusement fermé.

Et voici que les évènements ont marché. Les brèches se font de plus en plus larges dans les murs épais de la prison. Le besoin d’instruction travaille ces populations arriérées. La lumière s’infiltre peu à peu dans le sombre caveau. La raison et le bon sens reprennent leurs droits, et la logique, tout doucement, fait son œuvre.

A mesure que l’instruction pénètre avec les livres, les revues, les journaux, les Musulmans intelligents sentent l’infériorité de leur religion, la vulgarité de leur morale, la puérilité de leurs rites, la futilité de leurs observances. Instinctivement, ils discutent en eux-mêmes la valeur du Koran, la personne de Mahomet ; et le sentiment religieux, si profond chez eux, les pousse à chercher ailleurs l’idéal qu’ils ne trouvent plus dans l’Islam.

Ce serait l’heure propice. Ce serait le moment de prendre, dans notre main, la main de cet aveugle qui tâtonne, de répondre à ses inquiétudes, d’apporter la lumière à ses yeux fatigués des ténèbres, qui cherchent, avec anxiété, dans la nuit.

Malheureusement, la politique se met en travers de l’apostolat. Ceux qui voudraient, qui pourraient agir sont paralysés dans leur action et les pauvres Musulmans, laissés à eux-mêmes, ne s’évadent de la prison de l’Islam que pour se perdre dans le désert de la libre-pensée.

Ce travail de désagrégation est commencé ; il s’accentue tous les jours. Les déchets sont considérables, dans la jeunesse surtout.

« La plupart de nos jeunes gens, me disait avec tristesse un Musulman fort sensé, ne vont plus à la Mosquée ; ils ont perdu la foi. Moi, je suis un croyant et je trouve la paix de ma conscience dans la pratique de ma religion. Mais, il est bien évident que si la France importe, dans nos universités, son rationalisme, mon fils sera libre-penseur ».

L’école laïque fait des ravages là-bas, comme chez nous. Poussées par ce besoin d’instruction qui les travaille, les générations nouvelles, après avoir boudé quelque temps, sont allées boire à cette citerne empoisonnée, parce qu’elles n’avaient rien d’autre sous la main.

La question religieuse les préoccupe plus qu’ils ne veulent le laisser paraître. L’appréhension qu’ils ont d’en parler cède parfois à la curiosité qui s’éveille en eux.

Un soir que nous revenions d’une tournée de malades, dans un village kabyle, une forte tête de l’endroit interpella le Père, à la djemma, devant un groupe d’hommes, qui devisaient entre eux, à propos de la visite récente d’un pasteur protestant, dont la propagande avait agité toute la région : car, si le Gouvernement prend ombrage du moindre prosélytisme catholique, il laisse pleine liberté d’action aux semeurs de bibles et aux diaconesses d’Outre-Manche.

Le Kabyle avait en main des exemplaires de l’ « Évangile de Luc », dont le village était, depuis la veille, inondé.

Il demanda en quoi les Protestants différaient des Catholiques ; et le Père fit un catéchisme sur ce thème.

Le cou tendu, l’oreille ouverte, les yeux brillants, tous ces hommes écoutaient, coupant parfois d’une réflexion, d’une objection, les explications du Missionnaire. On sentait que, pour une fois, puisqu’on y était et que, peut-être, demain on n’oserait plus, ils se seraient attardés volontiers à ce sermon improvisé, qu’ils aiguillèrent d’eux-mêmes sur la confession et sur l’infaillibilité du Pape.

Le Père était étonné d’une pareille initiative et, plus encore, de la tournure qu’avait pris l’entretien.

Dans l’intimité, un par un, avec la circonspection de Nicodème, de biais, sans avoir l’air d’y attacher la moindre importance, ils se prêtent encore à une causerie de ce genre. Mais, en public, jamais.

Ceux qui ont quelque culture ne sont pas aussi ignorants du catholicisme qu’on pourrait le croire : science informe et confuse qui ne vaut guère mieux que l’ignorance, si elle n’est pire, mais qui tient leur esprit en éveil.

A Constantinople, dans la ravissante petite mosquée d’Eyoub, ancienne église grecque, joyau d’art byzantin, couverte de merveilleuses mosaïques, aux tons chauds adoucis par les siècles, qui racontent toute la vie de Jésus, un vieil iman, d’un air futé, m’expliqua tout au long, comme si je les ignorais, les scènes évangéliques, avec une précision et une vélocité de paroles que j’avais plaisir à stimuler par mes questions.

Quand il eut fini : « Tu parles comme un vieux moine, lui dis-je. Tu connais bien la religion de Jésus : un jour, tu te convertiras ».

Il répondit par une profession de foi musulmane, en se frappant la poitrine, d’une main large ouverte.

Tu vois bien, pourtant, que Jésus a fait des miracles. Mahomet n’en a pas fait : donc Jésus est plus grand que Mahomet ».

Alors, de la tête et des yeux, lentement, il fit signe que non et me tendit la main, en souriant, pour avoir son bagchich.

Une autre fois, à Oran, dans une Mosquée encore, un des gardiens m’aborda brusquement, sans autre préambule, par cette apostrophe : « Alors, tu es catholique, toi, et tu crois que Jésus est le Fils de Dieu ? Mais, tu as tort, car Dieu ne peut pas avoir de fils.

— Alors, tu sais, toi, ce que Dieu peut et ce qu’il ne peut pas ?

Et, poursuivant son idée, il me raconta qu’il avait beaucoup étudié, que Jésus n’était qu’un prophète, comme Mahomet, mais que Mahomet était venu après lui et qu’il était plus grand que lui.

— « Puisque tu crois en Mahomet, écoute-moi bien : Mahomet a dit que Jésus était un sage et qu’il était un saint. Or, Jésus a déclaré vingt fois qu’il était Fils de Dieu, Dieu comme son Père, que son Père et lui ne faisaient qu’un. Il est mort pour l’avoir soutenu, avec serment, devant le Sanhédrin de Jérusalem. S’il était un sage, il savait ce que les mots veulent dire et ce que pèse une pareille affirmation. S’il était un saint, on ne peut contester sa loyauté, sa droiture, sa sincérité, ni admettre qu’il soit un blasphémateur et un parjure. Alors tu vois bien que, si tu crois en Mahomet, tu dois croire aussi que Jésus est le Fils de Dieu ! »

. . . . . . . . . . . . . . .

Ces faits sont trop menus pour étayer une thèse ; mais si, rien qu’en passant, j’ai pu noter ceux-là, c’est qu’il y en a cent autres à travers lesquels on voit transparaître l’inquiétude qui tourmente les âmes.

Dans les classes élevées, les chefs religieux, conscients du danger, s’efforcent en vain d’enrayer le mouvement en faisant la part du feu. Ils ne peuvent lutter.

Plus bas, les Marabouts s’inquiètent et s’agitent. Ils sont retors et tenaces dans les discussions. Ils tiennent leur monde en haleine, les petites gens, les simples, crédules et ignorants. Quand on leur dit que telle croyance est absurde, telle observance immorale et que, par conséquent, ça ne peut venir de Dieu, ils répliquent : « Tu ne comprends pas : ça vient de Dieu, donc ça n’est ni absurde ni immoral ».

Des ouvrages pleins de sophismes, mais très captieux, ont été faits par les théologiens musulmans, et les croyants, qui n’y regardent pas de trop près, arrivent tant bien que mal, plutôt mal que bien, à raisonner leur foi.

Les idées changent, les mœurs aussi.

J’ai entendu un autre Musulman affirmer que, dans son monde, le grand, la polygamie tombait en désuétude, nullement pour un motif religieux, puisque la religion l’autorise, mais plutôt parce qu’il est de bon ton de vivre « à l’Européenne ».

En le poussant un peu aux confidences, il m’avoua que cette réforme était peut-être plus apparente que réelle, un trompe-l’œil, toujours.

On organise la maison de ville, avec l’épouse officielle, recluse encore, qui se croit l’unique et qui l’est quelquefois.

Seulement, ces monogames se ménagent des compensations. Au lieu d’une suppression, il n’y a eu qu’un transbordement : le harem a été discrètement installé à la campagne.

Dans ces conditions, dis-je au brave Turc qui m’expliquait la combinaison, si la polygamie disparaît, ce n’est pas qu’on y renonce, c’est parce qu’on la cache. On n’est plus officiellement polygame, soit, mais on n’est pas davantage monogame. C’est cryptogame qu’il faudrait dire.

Tout entravé qu’il soit, l’apostolat catholique gagne cependant du terrain.

Il est représenté, dans l’Afrique du Nord, par les Pères Blancs du Cardinal Lavigerie, fondés tout spécialement pour la mission musulmane.

Depuis plus de trente ans, en contact journalier avec les Musulmans, ils les ont étudiés de près. Ils connaissent leurs coutumes, leur mentalité, leurs préjugés. Ils parlent leur langue, ils ont lu tous leurs livres.

Ils ont des postes avancés jusqu’à Ghardaïa, Ouargla, El-Goléa, en plein Sahara. Ils en ont davantage en Kabylie, sans compter leurs établissements de Tunis et d’Alger.

J’ai visité la plupart de ces postes. J’ai vu les missionnaires à l’œuvre. Ils m’ont dit leurs difficultés, leurs épreuves et aussi leurs espérances, leur plan de campagne et leurs travaux d’approche : comment ils procèdent et sur quoi ils s’appuient. Ils m’ont confié les souffrances de cet apostolat complexe à l’excès et délicat comme pas un ; les lassitudes de l’effort quotidien qui semble n’aboutir à rien, des appels forcément discrets qui se perdent sans écho dans les profondeurs obscures de ces âmes murées, des semailles patientes aux si lointaines échéances.

Et j’en ai rapporté l’impression qu’à la longue, tous ces champs immenses desséchés par l’Islam, toutes ces terres désolées, plus ingrates que le désert, finiraient par se laisser vaincre et qu’elles donneraient enfin leur fruit.

Car il est dans les plans de la Providence que les précurseurs tracent les chemins « à Celui qui doit venir » et qui n’exclut personne.

On ne peut désespérer indéfiniment de ce prodigue sournois et butté, pour qui tant de sacrifices déjà ont été faits. Il commence à sentir sa misère. Il regarde autour de lui. Las et dégoûté de boire une eau saumâtre à l’outre racornie de Mahomet, il viendra à son tour puiser, lui aussi, aux sources vives que le Christ a fait jaillir pour la vie éternelle.

Assurément tous les cadrans de l’Islam ne marquent pas la même heure.

Le Caire, Alger, Tunis avancent sur Damas. Le M’zab retarde sur la Kabylie.

A Damas, rien ne bouge. A Tunis, au Caire, il semble que le blé lève, avec l’ivraie du rationalisme qui l’étouffera peut-être. Mais, en Kabylie, il monte en épis, si bien qu’il y a déjà quelques belles gerbes dans le grenier du père de famille.

Le M’zab et la Kabylie sont les deux pôles opposés du monde musulman, l’extrême gauche et l’extrême droite de l’Islam, en Afrique.

Les Mozabites et les Kabyles ne sont pas des Arabes. Ce sont des Berbères, les autochtones, les gens du pays, les descendants dégénérés des vieux Numides de Jugurtha, vraisemblablement, qui, pour sauvegarder leur indépendance, à l’époque des grandes invasions, de l’invasion arabe surtout, aux viiie et xie siècles, se sont réfugiés, les uns en plein Sahara, les autres dans ce massif impénétrable des montagnes du Djurjura, qui forment une véritable petite Suisse, entre Alger et Constantine.

Les Mozabites ont créé, au milieu du désert, cinq villes fortifiées qui comptent 40.000 habitants, et de merveilleuses oasis qu’alimentent plus de 2000 puits creusés en plein roc, à 50, 60 mètres de profondeur et d’où les chameaux, jour et nuit, tirent l’eau pour arroser les palmeraies, car le palmier n’est à l’aise que « les pieds dans l’eau, la tête dans le feu ».

Les Kabyles ont construit 1400 villages, perchés comme des nids d’aigles sur les crêtes et les sommets des montagnes ; et, toujours sur la défensive, vivant de leurs figues et de leurs olives, ils ont tenu l’envahisseur à distance.

Ni les Romains, ni les Vandales, ni les soldats de Byzance, ni les hordes Arabes qui ont conquis tour à tour l’Afrique du Nord, n’ont pu jamais entamer la Kabylie.

Il a fallu la « furia francese », la baïonnette de nos zouaves, en 1857, pour emporter d’assaut ce gigantesque donjon bâti par la nature, pour forcer et réduire cette race fière et ombrageuse, vierge jusqu’alors de tout joug, qui n’a pas pris son parti de la défaite et qui, en 1871, s’est soulevée pour recouvrer son indépendance.

« Prends le deuil, o ma tête ! chantaient, sous le coup de l’humiliation, les bardes indigènes. O mes yeux, c’est du sang qu’il faut à vos larmes ! Ce qui est arrivé ne s’était pas vu depuis le commencement du monde. Le Français s’est abattu sur nous comme un torrent. L’honneur de la Kabylie est mort ! »

Au contact des Arabes, les Kabyles et les Mozabites n’ont su se garer des miasmes du Koran. Ils se sont laissés, peu à peu, contaminer par l’Islam. Mais, tandis que les autres s’y jetaient tête baissée, les Kabyles n’y entrèrent que d’un pas résigné et sans enthousiasme.

Les Mozabites s’en tiennent rigoureusement au Koran. Ils font bon marché des traditions postérieures. Ils réclament l’élection des chefs religieux. Leur constitution sociale est toute théocratique, sous la direction occulte des Tolbas, « conseil suprême des Anciens du Peuple » dont l’influence est telle que les Caïds ne peuvent rien sans eux ni contre eux.

Ces cadres plus solides ont maintenu plus rigides et plus minutieuses les pratiques cultuelles, plus strictes les observances, plus compacte la cohésion, plus serrée la discipline.

Là, les Pères Blancs ont eu plus de peine à se faire accepter. On est resté sur la réserve. On s’est tenu plus longtemps à l’écart. Mais la dignité de leur vie, leur loyauté, les services rendus leur ont conquis déjà l’estime universelle, l’affection des enfants et la confiance des parents.

Les codes sévères de claustration ont fléchi devant le dévouement des Sœurs blanches ; et, la charité chrétienne, sous cette forme aimable, pénètre, comme un doux rayon de soleil, dans ces intérieurs musulmans pour relever, par cette prédication muette de la bonté et de la vertu, l’âme inculte et déprimée des femmes.

En Kabylie, l’accueil est franc, ouvert, cordial.

Non pas que la foi y soit moins profonde, mais les liens extérieurs de l’Islam y sont plus relâchés.

Le fanatisme, tout aussi farouche, s’identifie, moins qu’ailleurs, avec le sentiment religieux ; ce serait plutôt l’exaltation du sentiment patriotique.

Les écoles des Missionnaires regorgent d’enfants.

Les portes s’ouvrent plus facilement. Les femmes, très surveillées pourtant, ne sont pas voilées.

J’ai fait, avec les Pères, à Mengalleth, chez les Ouadhias, à Tagmount, des tournées de malades, dans les maisons musulmanes. Et c’était plaisir de voir l’empressement, la joie, l’expansion de tout ce monde autour du Missionnaire. On le questionnait, on le consultait, on réclamait son intervention pour apaiser les querelles de ménage, régler des affaires de famille, réconcilier même des divorcés.

La confiance va jusqu’à la bourse inclusivement : on porte son argent chez les Pères, pour qu’il y soit plus en sûreté.

En Kabylie, la brèche est faite. Il y a des Kabyles chrétiens : un millier au moins, et, des catéchumènes, par centaines. Ils ont bien eu à souffrir, au début surtout. On leur a fait grise mine. On les malmène à l’occasion. Mais ils tiennent bon ; ils se tiennent bien et les yeux malveillants qui les surveillent, en quête de scandale, subissent malgré eux l’ascendant de la vertu. Un travail se fait dans les esprits. On compare, on juge. On discute entre soi, aux portes du village, à la djemma, la question religieuse. La transcendance l’impose de l’Évangile sur le Koran. Peu à peu, on voit s’émousser les préjugés, mollir le parti-pris et ces barrières finissent par tomber qu’on avait crues inébranlables.

J’ai prêché, plusieurs fois, le Dimanche, dans ces modestes églises de Kabylie, remplies de musulmans convertis et le spectacle que j’avais sous les yeux de ce petit bercail environné de loups, de ces burnous aux plis monastiques, de ces gracieux costumes de femmes d’allure antique et orientale, la foi surtout, la foi toute fraîche, toute neuve, qui a lutté, qui a pâti, que je sentais vibrer dans les âmes et qui transparaissait sur les physionomies, tout cela me reportait aux premiers temps du Christianisme.

M’inspirant alors des choses familières aux Kabyles — la Kabylie, c’est le pays des figues, — je saluai en eux, avec émotion, les prémisses d’une chrétienté nouvelle : « Quand les feuilles de vos figuiers commencent à pousser, vous dites que le printemps va venir[14] » Et moi, de vous voir ainsi groupés autour du tabernacle, premiers-nés de l’église de Kabylie, j’en augure que les temps sont proches et l’avenir plein de promesses ! »

Que de traits charmants ou poignants on m’a contés que je voudrais redire !

Reconnaissez-vous cette âme d’enfant, qu’on avait vue déjà aux âges héroïques de l’Église, la petite Antoinette, de Mengalleth ?

Elle avait six ans. Le Missionnaire avait donné à elle et à sa cousine, bébé de cinq ans, un crucifix. On l’entendit, sans qu’elle s’en doutât faire, d’un air grave, ce discours à sa petite amie : « Ma fille, ce n’est pas pour que tu sois plus jolie que le Père t’a mis cette croix au cou. C’est l’image de Notre Seigneur. Les Kabyles ne l’aiment pas ; ils l’insultent. Toi, tu la respecteras. Ne permets pas qu’on crache dessus. Si on le fait, tu essuieras le crachat, puis tu baiseras la Croix, en disant : Mon Jésus, moi je vous aime ; pardonnez aux méchants qui ne vous connaissent pas ! »

Une autre fois, sa grand’mère passant avec elle à la Djemma, fut grossièrement insultée ; l’enfant avait huit ans.

— « Vieille sorcière, charogne, tournée aux Roumis, métorniya, tu n’as pas honte d’avoir abandonné la religion de tes pères ! »

La vieille se taisait. L’enfant se redressa en face des hommes : « — Non, dit-elle, nous n’avons pas honte. La religion de Jésus est la meilleure et nous en sommes fières ! »

Un homme furieux repoussa la petite, et, de son bâton, frappa rudement la vieille. Mais l’enfant répliqua :

« Rien ne nous fera abandonner le Bon Dieu ; et, si vous voulez nous tuer, eh bien — en tendant résolument son cou — faites-le tout de suite ! »

Quand un peuple sent couler dans ses veines le sang des martyrs, il est mûr pour la foi.

Si la France assurait seulement la liberté, si elle y mettait surtout un peu de bienveillance, avant vingt ans, la Kabylie serait chrétienne. Et, le jour où la Kabylie sera chrétienne, elle sera française.

Les instituteurs laïques eux-mêmes, quand ils sont sincères et qu’il n’y a point d’oreilles indiscrètes, disent aux PP. Blancs : « Il n’y a que vous qui fassiez ici quelque chose de sérieux ; nous autres nous ne pouvons rien. »


L’Islam ressemble à ses mosquées.

Les constructions sont basses, lourdes, massives. Seul le minaret grêle fait effort pour monter, comme s’il voulait percer les nues.

C’est bien cela. Une belle et grande idée, la foi en Dieu, mais grêle aussi, évidée, anémiée, sans force. Puis, tout bas par terre, une dogmatique massive et confuse qui masque, comme un trompe-l’œil, l’inanité honteuse de la morale.

De loin, dans le prestigieux décor de la vie orientale, c’est imposant. Sitôt qu’on approche et pour peu qu’on y regarde, on voit que c’est creux, qu’il n’y a rien, rien dans la mosquée, rien derrière ce paravent, qu’incohérence et dépravation.

Quel contraste avec le Catholicisme solidement charpenté, bâti tout d’une pièce, sur le roc ; le Catholicisme, d’une si belle venue dans sa puissante cohésion ; d’une si belle tenue dans la simplicité et la hardiesse du plan, dans la netteté des lignes, dans l’harmonie de l’ensemble !

Le Catholicisme se meut avec aisance et majesté dans les profondeurs infinies de la Divinité et dans l’âme candide des humbles de ce monde.

Tout à Dieu et tout à l’homme, sans abaisser Dieu, sans écraser l’homme, l’Évangile n’a pas cherché de puériles subtilités pour épargner l’orgueil, en écartant le mystère ; car le mystère atteste que Dieu seul est grand et que l’homme est plus petit que Dieu. Il n’a pas cherché de mesquins accommodements avec la morale, pour ménager la volupté : il a montré la voie austère parce qu’elle est la voie sûre.

L’Église catholique a le secret, qui n’a été donné à nulle autre, de se mettre, sans lâches concessions, à la portée de l’homme. Elle ne s’abaisse jamais : elle s’incline, toujours noble, toujours tendre, toujours mère. Et, si l’homme n’est qu’un enfant, si le pécheur est tombé trop bas, elle sait l’atteindre quand même : elle se penche un peu plus.

Chez elle, pas d’inconséquences : la foi concorde avec la loi ; la croyance, avec la vie. La religion extérieure n’est que l’expression, l’expansion, l’épanouissement de la religion intérieure.

Pour être bon, pour être pur, point n’est besoin de l’oublier, ni d’en sortir. Plus on s’y enfonce, plus on se sent devenir meilleur. Et, si parfaits qu’ils soient, elle montre encore aux Saints des perfections plus belles, des sommets plus élevés à gravir.

L’Islam, qui s’agriffe à elle comme, après le chêne, une liane folle, touffue, malsaine, pour l’étrangler dans son étreinte nerveuse, l’Islam a du moins cela de bon qu’il met en relief, par contraste, la transcendance du Catholicisme.


TABLE DES MATIÈRES

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  1. En voici quelques échantillons :
      Pendant la prière, on ne doit jamais cracher à droite, mais à gauche, et, si c’est à la Mosquée, dans le pan de son manteau. — Il ne faut pas courir pour aller à la prière. — On entre du pied droit, à la Mosquée ; on sort du pied gauche. — C’est un péché de ne pas bien s’aligner dans le rang. — Il doit y avoir contact avec les voisins, d’épaule à épaule et de pied à pied. — Le dos doit être horizontal pendant l’inclination. — Sept parties osseuses du corps doivent toucher le sol : le front, les deux mains, les deux genoux, les deux pieds. — Le nez également, même s’il y a de la boue, etc.
      Cf. El BOKARI. Les traditions islamiques. — Traduction Houdas. Édit. in-4* publiée par l’École des langues orientales vivantes. Paris, 1903. T. 1, p. 154, 157, 207, 243, 264, 271.
  2. Mahomet a eu 30 femmes. Il a pris Aïtcha à 9 ans. Il a forcé son beau-frère Saïd à divorcer pour lui prendre sa femme.
  3. Cf. Koran. Sourate xxxi. 7 — lxxxviii. 10 — lvi, 12.
  4. Le Koran : S. lvi. 88 — xliv. 52 — xxx. 14 — xxi. 63 — lii. 19 — xliii. 71 — iii. 13 — lii. 20. — xxxvi. 55 — xxxv. 52.
  5. Abd-er-Rahim — Qortouby.
  6. Koran lxxvi, 14 — lxix, 23.
  7. Abou-Amama, — Qortouby.
  8. Tirmidy-Abd-er-Rahim, — Qortouby.
  9. Cf. Abou-Beker, — El. Siouti, — Khazeu, — Anas, — Abd-er-Rhahim, etc…
  10. Abdallah-ben-Messaoud. — Hassan. — Qortouby.
  11. Abou’l Kassem Habath Allah, dans son traité des Abrogés et des abrogeants.
  12. Cf. Vuiller : La Tunisie, p. 191.
  13. Cf. Vie du Cardinal Lavigerie. T. I, p. 224.
  14. Marc, xiii, 28