E. Sansot et Cie (p. 191-192).


PLEURS


Oh ! pauvre femme en pleurs, ne les crois pas perdus
Ces pleurs que ne voit pas l’homme qui te les coûte,
Ne berce pas, pourtant, tes rêves éperdus
Du mensonge que Dieu, dans l’ombre, les écoute.

Quand ils s’échapperont de ton cœur entr’ouvert,
Nul astre n’en boira la douleur souveraine,
Ils n’ajouteront pas d’amertume à la mer
Ces tristes pleurs humains chargés de peine humaine.

Mais soit qu’ils aient coulé devant le ciel tremblant,
Quand la lune, au zénith, se meurt de solitude,
Mais soit qu’ils aient coulé dans ton oreiller blanc,
Sur tes doigts en prière ou ton livre d’étude,

Ils ont, autour de toi, fait le décor sacré,
Tu goûtas la beauté dans d’invisibles roses,
Ton regard que mouilla l’orgueil de les pleurer
Se reposa plus long, plus profond sur les choses.


Tu n’as que ce seul bien : ces pleurs chauds et nombreux,
Mais que ce bien est grand !… Quel sage ne l’envie ?…
C’est tant avoir un cœur que l’avoir malheureux,
Souffrir d’amour c’est s’appuyer tant à la vie !…

Non, ne les crois pas vains, ces pleurs silencieux,
Dans le secret des nuits, pleinement, vis leur drame,
Ah ! répands-les, ne leur devrais-tu, pauvre femme,
Que le geste émouvant de te voiler les yeux !