L’Instant éternel/Mon secret

E. Sansot et Cie (p. 120-121).


MON SECRET


Je crois que j’ai laissé s’échapper mon secret
De mon âme entr’ouverte et du bord de ma robe,
De mon pas, à la fois, volontaire et discret
Qui te cherche sans fin et, toujours, se dérobe.

Je crois qu’il est tombé des lèvres du bouquet
Dont j’aspirais le miel et les effluves vagues,
De mon rêve attentif, de mon geste distrait,
De l’or de mes cheveux et des yeux de mes bagues.

Je crois qu’il est tombé sous le poids de mon cœur,
Et parce qu’aujourd’hui, j’étais un peu jolie,
Je crois qu’il a roulé des bras de mon bonheur
Et du voile baissé de ma mélancolie.

Je crois qu’il est parti dans un vif tournoiement,
Car le printemps dansait une valse argentée,
Je crois qu’il est tombé de mes doigts, simplement,
Comme tombe une fleur trop longuement portée.


Je crois qu’il est tombé par la grâce du jour,
Par le rire des dieux, alors, épars, sans doute,
— Je t’avais aperçu, de bien loin, sur la route —
Il est tombé, je crois, à tes pieds, cher amour…