L’Instant éternel/Le jardin

E. Sansot et Cie (p. 11-12).


LE JARDIN


Notre âme, autour de nous, en rayons se prolonge,
Nos rêves sont épars sous nos flottants cheveux,
La contemplation ouvre ses grands yeux bleus,
Tout le jardin remue au long souffle du songe.

On voit l’amour, les pleurs, les lis se mélangeant,
Les astres, sur les cieux, sont beaux comme des lyres,
Au visage du soir les lacs sont des sourires,
Le silence s’avance avec ses pieds d’argent.

La nuit vient nous blesser au cœur, l’une après l’une,
D’une flèche d’azur et d’étoiles… Sur l’eau
Une neige d’odeurs tombe du vieux sureau,
Le temps passe, léger, voilé de clair de lune…

Sous l’ombre qui se creuse en un dais plus profond,
Regardez le jardin célébrant son mystère,
Les parfums des forêts s’abattent sur la terre,
Le phalène, en volant, fait un bruit qui sent bon.


Dans l’air aux purs contours le jardin se balance,
Au gré d’une clarté, d’une brise, il s’émeut,
Écoutez… Dans la paix tout son feuillage pleut,
Une rose sauvage embaume son silence.

Et j’ai le grand désir d’aller courir là-bas,
Où la mousse est en fleurs sur les sources secrètes,
Où l’air est violet autour des violettes,
Où le vent est tout nu sous l’odeur du lilas…

Ah ! j’ai le grand désir de voir, blanche de marbre,
Une blanche fontaine au tournant des chemins,
Et j’ai le grand désir d’appuyer mes deux mains
À l’arbre qui se meurt de douceur d’être un arbre…