E. Sansot et Cie (p. 9-10).


ÉMOI


Prenons-nous par les mains, mes sœurs chères… Le soir
Baigne ses beaux pieds nus au ruisseau de la lune,
Le grand cor montagnard aspire de l’espoir,
Le torrent est ainsi qu’un ruban de fortune…

Il naît des papillons de nos rêves légers,
Et la langueur se berce aux bras de la liane,
Le mois de mai s’effeuille à travers les vergers,
Les colombes ont peur de l’ombre de Diane.

Mes sœurs, voyez tomber l’averse des lilas,
Le silence est tout blanc de joie et d’innocence,
L’herbe haute fleurit la grâce de nos pas,
Le printemps est plus doux qu’un jeune roi qui danse…

La vigne vient frôler notre cou virginal,
C’est l’instant d’une tendre et poignante folie,
Les sources ont pleuré tout leur cœur de cristal,
Le thym donne une odeur à la mélancolie…


Les roses ont mûri comme des fruits… Venez…
Que notre ombre soit bonne à la route suivie…
Faisons, en souriant, des gestes étonnés…
Ô mes sœurs, respirons la tiédeur de la vie !…

Les airs sont enivrés d’un parfum d’oranger,
On a vu s’avancer, du chemin des cascades,
Un jeune homme pensif, beau comme un étranger
Qui saluerait, un soir, l’archipel des Cyclades…