L’Instant éternel/Espérance

E. Sansot et Cie (p. 6-8).


ESPÉRANCE


Que le soleil est chaud dans le parfum des treilles,
Et comme il est vibrant de souffle harmonieux !…
La forêt a chanté par toutes ses abeilles
Et je souris d’avoir une larme à mes yeux.

Ô vous qui frémissez d’être des jeunes filles,
Mes sœurs, vous qui courez sur les bords des étangs,
Du jardin entr’ouvrez si doucement les grilles
Pour regarder passer la forme du printemps,

Voulez-vous, avec moi, dire le grand poème
Du rêve, du désir, de l’attente et du soir ?…
Nul jeune homme, jamais, chez moi, ne vint s’asseoir
Et, pourtant, apprenez, mes sœurs chères, que j’aime.

Oh ! pouvoir être jeune avec tous ses baisers,
Oh ! pouvoir être belle avec tout son sourire,
Secouer ses cheveux dans les airs embrasés
Et jeter dans le vent son cœur comme une lyre !…


Oh ! sur sa tempe avoir un fardeau de douceur,
Par des pleurs amoureux mouiller toute son âme,
Et goûter une lèvre en sentant une fleur,
Et se sentir mourir du frisson d’être femme !…

Boire, dans le matin, à plein rire enivré,
Et prendre du ciel bleu sous ses paupières closes,
Et voir danser la vie en son miroir doré
Et porter son bonheur comme un panier de roses !…

Mes sœurs, un bien-aimé chez vous est-il passé ?…
Oui, toutes nous avons les mêmes cœurs étranges…
Qui de nous n’aime pas les urnes, le passé,
Les songes et le lin, les larmes et les anges ?…

Parlez-moi… Je suis ivre à mourir de l’amour…
Le vent d’avril a fait le tour de ma demeure…
Allons jeter des fleurs, là-bas, vers un retour…
Sur la face du soir un ciel d’étoiles pleure…