L’Instant éternel/La minute

E. Sansot et Cie (p. 107-108).


LA MINUTE


Minute qui n’es plus, ô minute passée,
Quand tu touchas le sol,
Je n’ai su te saisir d’une main plus pressée
Encore que ton vol.

Dans ton souffle était tout le bonheur de ma vie,
Je le savais pourtant…
Quelle aberration !… Je ne t’ai pas ravie
Dans ton unique instant.

Tu riais, l'aile ouverte et battante à ma porte,
Le soupir oppressé,
Et je pleure, ah ! je pleure, ô minute bien morte,
Ombre dans le passé,

Car rien ne pourrait faire, ô minute envolée,
Ni tout le vent épars,
Ni toute la lueur de la voûte étoilée,
Ni tous les beaux hasards,


Ni le destin criant, ni le sang, ni la guerre,
Ni l’océan, ni l’or,
Ni le vouloir de Dieu même, ô minute chère,
Que tu fusses encor !…