L’Instant éternel/La douceur suprême

E. Sansot et Cie (p. 185-186).


LA DOUCEUR SUPRÊME


Tout m’est de la douleur à travers ma douleur,
La splendeur de l’espace,
Et le rythme plus large et plus grand de mon cœur
Quand la musique passe.

Tout fait ombre à mon âme, et le soir m’est amer
Et longue l’heure brève,
Et poignant le désir qui m’apporte la mer
Et le vent de la grève.

Oh ! triste, triste cœur, il n’est pour toi plus rien,
Ni mieux, ni plus, ni pire,
Tu fus maudit d’avoir convoité pour tout bien
La beauté d’un sourire.

Il n’est pour toi plus rien… Ah ! mon cœur, c’est trop peu…
Et pour ce, pleure, pleure…
Ou, plutôt, las et fier, sous le ciel dur et bleu,
Écoute sonner l’heure.


Ta détresse est si grande et ton chagrin si fort
Qu’au sort je t’abandonne,
Attends austèrement le vouloir de la mort
Et la saison d’automne.

Attends… Il te viendra, pourtant, cette douceur
Que rien ne peut te prendre,
La douceur, cœur souffrant, de n’être plus un cœur
Et de ne plus t’entendre…