E. Sansot et Cie (p. 22-23).


AUBE


L’aube tremble aux frissons de la jeune lumière,
Le ciel est tendre et bon dans son azur mouillé,
On se figure un parc par l’automne rouillé
Et des brumes de rêve errant sur la bruyère…

Sans fin, vibre le bois à l’écho de l’écho,
Sous l’haleine du puits un léger saule bouge,
Le coq jette son cri qu’on s’imagine rouge,
Ce cri qui fait songer tant au coquelicot.

L’aurore danse au fond de l’atmosphère sombre,
Et la soif des crapauds fait sonore l’étang,
Dans l’espoir du soleil le monde est palpitant,
Le lac s’argente au bord de la robe de l’ombre…

Des teintes sur de l’or pâle voguent là-bas,
De se lever la vie est rose, et mauve et douce,
Le cœur du bois en pleurs filtre à travers la mousse
Et le réveil me semble un bouquet de lilas.


Je demande au matin le pain parfumé d’orge,
Le bain clair et léger où rira le soleil,
La gerbe du désir dans mon jardin vermeil,
Du sang neuf pour ma lèvre, un soupir pour ma gorge.

Je demande d’aller pensivement m’asseoir
Sur un banc où pleuvra le baume de la vigne,
Je demande à quelque arbre une promesse, un signe
Qui me fera pleurer en attendant le soir…