L’Instant éternel/Cortège

E. Sansot et Cie (p. 20-21).
◄  Extase
Aube  ►


CORTÈGE


Sœurs, nous qui respirons la nuit ardente et douce,
Nous irons vers l’amour en passant sur la mousse,
Nos rêves, se mêlant, auront un vol léger.
Doux comme le silence en un bois d’oranger.

Pour enchaîner l’aimé nous tiendrons des guirlandes,
Nos cheveux flotteront dans un vent de légendes,
Nous nous désignerons l’amour : « Là-bas… Là-bas… »
Et le sol du printemps gémira sous nos pas…

L’ombre de l’infini perpétuera nos voiles,
Et la paix roulera comme une mer d’étoiles…

Ô sœurs chères, fuyons… Je vois vos tendres yeux
De larmes consoler leur douleur d’être bleus.

Sur le ciel est resté l’éclat de l’heure enfuie…

Les souffles des pommiers ont embaumé la pluie…


Notre corps, par le lin, frémit d’être effleuré…

Oh ! le désir est bon comme du pain doré…

Nos seins battront en haut de la route gravie…

Mes sœurs, partons au bruit des ailes de la vie !…

Dans le jardin jetons la beauté de nos cœurs…
Écoutons s’effeuiller les tristesses des fleurs…

Goûtons de cette nuit les voluptueux charmes,
Sur la face des dieux les astres sont des larmes…

Conservons sur nos fronts cette belle langueur,
Le meilleur de l’amour est le souci qu’il donne,
Soyons comme un rayon enveloppé d’automne,
Soyons comme un adieu dans un soir de bonheur…

Oh ! ce sera la nuit ineffable entre toutes…
L’aimé nous surprendra dans le ruisseau buvant,
Tandis que le printemps, tombant en larges gouttes,
Mouillera la douceur de la lune et du vent…