Librairie Guillaumin & Cie (p. 500-502).

Première apparition de l’impôt sur le revenu au quatorzième siècle





Nous lisons dans l’Histoire de la Civilisation française de M. Rambaud, tome I, page 268 : « Le roi Jean II est obligé par nécessité d’argent, de convoquer les États de la langue d’oïl, le 30 novembre 1355. Cette fois ils se sont décidés à n’accorder des subsides que si on leur accorde des réformes. Moyennant ces réformes, ils accordaient cinq millions de livres pour entretenir trente mille hommes de guerre. Cet argent serait levé au moyen d’une gabelle sur le sel et d’une taxe sur les ventes. Ces deux impôts devaient être payés non-seulement par le peuple, mais aussi par les nobles et le clergé, même par le roi, la reine et les princes du sang. En outre, sachant que le roi avait l’habitude de gaspiller les deniers, aussitôt qu’il les avait reçus, les États nommèrent eux-mêmes des receveurs pour percevoir et garder les fonds jusqu’au moment où les États statueraient sur leur emploi. S’inspirant de la sage économie des classes bourgeoises, ils mettaient en tutelle cette royauté prodigue.

« Ces mêmes États se réunirent dans deux autres sessions, le 1er mars et le 8 mai 1356 ; ils abolirent les taxes sur le sel et sur les ventes, qui avaient suscité un grand mécontentement et même des émeutes chez les paysans, et les remplacèrent par un impôt sur le revenu. »

Ainsi dès le XIVe siècle, lorsqu’une grande crise nationale, la guerre de Cent ans contre les Anglais, oblige la royauté à recourir aux États généraux, à titre de représentants de la nation, leur premier soin est de réclamer entre autres réformes l’impôt sur le revenu, afin d’épargner la classe qui vit de son propre travail. Les États s’opposent au maintien ou à la création d’impôts sur les choses, telles que la gabelle du sel, ou sur les mutations des biens. Malheureusement les classes riches qui dirigeaient la politique, aussitôt que la gravité des événements ne les oblige plus à recourir aux États généraux, oublient vite les services rendus et rétablissent les impôts un instant supprimés.

Aujourd’hui nous n’avons pas une guerre de Cent ans sur les bras à la façon du XIVe siècle ; mais nous avons certainement une guerre économique de trente-cinq ans qui nous épuise aussi et qui nous fait courir le danger de ne la terminer encore que par les armes. En présence de charges publiques, peut-être encore plus écrasantes qu’on ne les a jamais vues, la question fiscale renaît avec son cortège habituel de luttes inévitables dans le monde économique. Après cinq siècles, la question n’est donc pas encore résolue, et ne le sera sans doute jamais d’une manière définitive.

Comme les États généraux, approuvés parle roi Jean II, nos assemblées politiques, cherchent bien à soulager les classes populaires par une réforme dans la répartition des impôts. Allons-nous, au vingtième siècle, donner encore le spectacle de ces efforts impuissants à réaliser les réformes reconnues nécessaires ? Les rois de l’or, sous notre étiquette démocratique et républicaine, vont-ils encore, à l’exemple des féodaux du temps de Jean II, être assez puissants pour sauver et garder intacts tous leurs revenus et continuer à faire porter le poids de l’impôt sur les épaules de la foule innombrable des travailleurs.