Librairie Guillaumin & Cie (p. 48-49).


CHAPITRE XVIII

L’impôt progressif proposé pendant la Révolution n’a pas eu de succès. Pourquoi ?




Je venais d’écrire les pages qui précèdent, lorsqu’un ami m’a communiqué un extrait du Journal des Économistes, du 15 mai 1902. Cet article de M. Gomel, ancien maître des requêtes au Conseil d’État, donne sur l’impôt du revenu, pendant la période révolutionnaire, des renseignements peu connus et très intéressants. Ce temps là, où l’ignorance, l’imprévoyance, les passions fauchaient les institutions, les monuments et les têtes comme un laboureur abat les blés dans son champ, était peu favorable pour faire avec justice et mesure les réformes nécessaires.

Sous prétexte d’égaliser les fortunes, et cela, presque du jour au lendemain, on taxait les riches et ceux qui passaient pour l’être, non pas seulement d’un impôt sur le revenu, mais d’un véritable prélèvement sur le capital, dans une proportion et même une progression telles que la loi de juin 1793, laquelle devait fournir un milliard donne à peine 200 millions, tant les évaluations faites à la hâte, étaient loin de la réalité. Et encore, cette somme était-elle représentée, en partie, par des bons communaux et des assignats, déjà dépréciés.

On était allé si loin que Robespierre, — qui le croirait ? — après avoir réclamé l’impôt progressif le 24 avril 1793, revint sur la question et, le 2 juin suivant, proposa à la Commission des finances un article ainsi conçu : « Nul citoyen n’est dispensé de l’honorable obligation de concourir aux charges publiques ». Il paraît qu’il voulait répondre aux observations de la petite bourgeoisie dont plusieurs membres s’étaient trouvés offensés d’être rayés de la liste des contribuables.

Aujourd’hui nous sommes en possession de tous les documents nécessaires pour établir, avec justice, les bases de l’impôt sur le capital et sur le revenu.

Les bureaux de l’Enregistrement, par les ventes, les baux, les partages, les contrats de mariage, les déclarations de succession, sont en mesure d’établir la plupart des fortunes mobilières et immobilières.

Le grand livre de la dette publique, les registres des compagnies financières et industrielles, complèteront au besoin les éléments d’appréciation.

Quant aux revenus du travail, nous verrons plus loin comment les autres états européens ont procédé pour arriver à une appréciation aussi exacte que possible.