L’Imitation de Jésus-Christ (Lamennais)/Livre quatrième/16

Traduction par Félicité de Lamennais.
Texte établi par M. Pagès, Bonne Presse (p. 326-327).


CHAPITRE XVI.

QU’IL FAUT DANS LA COMMUNION EXPOSER SES BESOINS A JÉSUS-CHRIST, ET LUI DEMANDER SA GRACE.
Voix du disciple.

1. Seigneur plein de tendresse et de bonté, que je dé sire recevoir en ce moment avec un pieux respect, vous connaissez mon infirmité et mes pressants besoins ; vous savez en combien de maux et de vices je suis plongé, quelles sont mes peines, mes tentations, mes troubles et mes souillures.

Je viens à vous chercher le remède, pour obtenir un peu de soulagement et de consolation.

Je parle à celui qui sait tout, qui voit tout ce qu’il y a de plus secret en moi, et qui seul peut me secourir et me consoler parfaitement.

Vous savez quels biens me sont principalement nécessaires, et combien je suis pauvre en vertus.

2. Voilà que je suis devant vous, pauvre et nu, demandant votre grâce, implorant votre miséricorde.

Rassasiez ce mendiant affamé, réchauffez ma froideur du feu de votre amour, éclairez mes ténèbres par la lumière de votre présence.

Changez pour moi toutes les choses de la terre en amertume ; faites que tout ce qui m’est dur et pénible fortifie ma patience ; que je méprise et que j’oublie tout ce qui est créé, tout ce qui passe.

Élevez mon cœur à vous dans le ciel, et ne me laissez pas errer sur la terre.

Que, de ce moment et à jamais, rien ne me soit doux que vous seul, parce que vous seul êtes ma nourriture, mon breuvage, mon amour, ma joie, ma douceur et tout mon bien.

3. Oh ! que ne puis-je, enflammé, embrasé par votre présence, être transformé en vous, de sorte que je devienne un même esprit avec vous, par la grâce d’une union intime, et par l’effusion d’un ardent amour !

Ne souffrez pas que je m’éloigne de vous sans m’être rassasié et désaltéré ; mais usez envers moi de la même miséricorde dont vous avez souvent usé avec vos Saints d’une manière si merveilleuse.

Qui pourrait s’étonner qu’en m’approchant de vous je fusse entièrement consumé de votre ardeur, puisque vous êtes un feu qui brûle toujours et ne s’éteint jamais, un amour qui purifie les cours, et qui éclaire l’intelligence ?

RÉFLEXION.

Ce n’est point en nous efforçant d’élever notre esprit à de sublimes pensées que nous recueillerons le fruit de la sainte Communion ; mais en adorant, pleins d’amour, Jésus-Christ en nous, en lui ouvrant notre cour, avec une grande confiance et une grande simplicité, comme un ami parle à son ami[1]. Nous avons des besoins, il faut les lui exposer. Nous sommes couverts de plaies, il faut les lui montrer, afin qu’il les lave dans son divin sang. Nous sommes faibles, il faut lui demander de ranimer nos forces. Nous sommes nus, affamés, altérés ; il faut dire : Ayez pitié de ce pauvre mendiant. De lui découlent toutes les grâces. Écoutez ses paroles : Je suis la résurrection et la vie : celui qui croit en moi, encore qu’il soit mort, il vivra : et tout homme qui vit et qui croit en moi ne mourra point à jamais. Croyez-vous ainsi ?[2] « O chrétien ! je ne te dis plus rien : c’est Jésus-Christ qui te parle en la personne de Marthe ; réponds avec elle : Oui, Seigneur, je crois que vous êtes le Christ, fils du Dieu vivant, qui êtes venu en ce monde[3]. Ajoutez avec saint Paul : Afin de sauver les pécheurs, desquels je suis le premier[4]. Crois donc, âme chrétienne, adore, espère, aime. O Jésus ! Ôtez les voiles, et que je vous voie. O Jésus ! parlez dans mon cœur, et faites que je vous écoute. Parlez, parlez, parlez ; il n’y a plus qu’un moment : parlez. Donnez-moi des « larmes pour vous répondre : frappez la pierre ; et que les eaux « d’un amour plein d’espérance, pénétré de reconnaissance, coulent jusqu’à terre[5]. »

  1. Exod. xxxiii, 11.
  2. Joann. xi, 25, 26.
  3. Joann. xi, 27.
  4. I. Tim. i, 15.
  5. Bossuet.