L’Imitation de Jésus-Christ (Lamennais)/Livre quatrième/17

Traduction par Félicité de Lamennais.
Texte établi par M. Pagès, Bonne Presse (p. 328-330).


CHAPITRE XVII.

DU DÉSIR ARDENT DE RECEVOIR JÉSUS-CHRIST.
Voix du disciple.

1. Seigneur, je désire vous recevoir avec un pieux et ardent amour, avec toute la tendresse et l’affection de mon cœur, comme vous ont désiré dans la communion tant de Saints et de fidèles qui vous étaient si chers, à cause de leur vie pure et de leur fervente piété.

O mon Dieu ! Amour éternel, mon unique bien, ma félicité toujours durable, je désire vous recevoir avec toute la ferveur, tout le respect qu’ait jamais pu ressentir aucun de vos Saints.

2. Et quoique je sois indigne d’éprouver ces admirables sentiments d’amour, je vous offre cependant toute l’affection de mon cœur, comme si j’étais animé seul de ces désirs enflammés qui vous sont si agréables.

Tout ce que peut concevoir et désirer une âme pieuse, je vous le présente, je vous l’offre, avec un respect profond et une vive ardeur.

Je ne veux rien me réserver ; mais je veux vous offrir sans réserve le sacrifice de moi-même et de tout ce qui est à moi.

Seigneur mon Dieu, mon Créateur et mon Rédempteur, je désire vous recevoir aujourd’hui avec autant de ferveur et de respect, avec autant de zèle pour votre gloire, avec autant de reconnaissance, de sainteté, d’amour, de foi, d’espérance et de pureté, que vous désira et vous reçut votre sainte Mère, la glorieuse Vierge Marie, lorsque, l’Ange lui annonçant le mystère de l’Incarnation, elle répondit avec une pieuse humilité : Voici la servante du Seigneur ; qu’il me soit fait selon votre parole[1].

3. Et de même que votre bienheureux précurseur, le plus grand des Saints, Jean-Baptiste, lorsqu’il était encore dans le sein de sa mère, tressaillit de joie en votre présence, par un mouvement du Saint-Esprit, et que, vous voyant ensuite converser avec les hommes, il disait avec un tendre amour et en s’humiliant profondément : L’ami de l’époux, qui est près de lui et qui l’écoute, est ravi d’allégresse, parce qu’il entend la voix de l’époux[2] ; ainsi je voudrais être embrasé des plus saints, des plus ardents désirs, et m’offrir à vous de toute l’affection de mon cœur.

C’est pourquoi je vous offre tous les transports d’amour et de joie, les extases, les ravissements, les révélations, les visions célestes de toutes les âmes saintes, avec les hommages que vous rendent et vous rendront à jamais toutes les créatures dans le ciel et sur la terre ; je vous les offre ainsi que leurs vertus, pour moi et pour tous ceux qui se sont recommandés à mes prières, afin qu’ils célèbrent dignement vos louanges, et vous glorifient éternellement.

4. Seigneur mon Dieu, recevez mes vœux, et le désir qui m’anime de vous louer, de vous bénir, avec l’amour immense, infini, dû à votre ineffable grandeur.

Voilà ce que je vous offre, et ce que je voudrais vous offrir chaque jour et à chaque moment ; et je prie et je con jure, de tout mon cœur, tous les esprits célestes et tous vos fidèles serviteurs, de s’unir à moi pour vous louer et pour vous rendre de dignes actions de grâces.

5. Que tous les peuples, toutes les tribus, toutes les langues vous bénissent, et célèbrent, dans des transports de joie et d’amour, la douceur et la sainteté de votre nom. Que tous ceux qui offrent, avec révérence et avec piété, les divins mystères, et qui les reçoivent avec une pleine foi, trouvent devant vous grâce et miséricorde, et qu’ils prient avec instance pour moi, pauvre pécheur.

Et lorsque, après s’être unis à vous, selon leurs pieux désirs, ils se retireront de la Table sainte , rassasiés et consolés merveilleusement , qu’ils daignent se souvenir de moi , qui languis dans l’indigence.

RÉFLEXION.

« Que cet adorable Sacrement opère en moi , ô mon Sauveur ! la rémission de mes péchés ; que ce sang divin me purifie ; qu’il lave toutes les taches qui ont souillé cette robe nuptiale dont vous m’aviez revêtu dans le baptême, afin que je puisse m’asseoir avec assurance au banquet des noces de votre Fils. Je suis, je l’avoue, une âme pécheresse , une épouse infidèle , qui ai manqué une infinité de fois à la foi donnée : Mais revenez, me dites-vous , ô Seigneur, revenez , je vous recevrai[3] : pourvu que vous ayez repris votre première robe , et que vous portiez, dans l’anneau que l’on vous met au doigt, la marque de l’union où le Verbe divin entre avec vous . Rendez-moi cet anneau mystique : revêtez-moi de nouveau , ô mon Père , comme un enfant prodigue qui retourne à vous , de cette robe de l’innocence et de la sainteté que je dois apporter à votre Table. C’est l’immortelle parure que vous nous demandez , vous qui êtes en même temps l’époux , le convive et la victime immolée qu’on nous donne à manger. C’est à cette Table mystérieuse que l’on trouve l’accomplissement de cette parole : Qui me mange vivra pour moi[4] . Qu’elle s’accomplisse en moi , ô mon Sauveur ! que j’en sente l’effet : transformez-moi en vous , et que ce soit vous-même qui viviez en moi . Mais , pour cela , que je m’approche de ce céleste repos avec les habits les plus magnifiques ; que j’y vienne avec toutes les vertus ; que j’y coure avec une joie digne d’un tel festin et de la viande immortelle que vous m’y donnez[5]. »

  1. Luc. i, 38.
  2. Joann. iii, 29.
  3. Jer. iii, 1.
  4. Joann. vi, 58.
  5. Bossuet.