Albert Mérican (p. 110-116).


XIX

CE QUE JE NE CHERCHAIS PAS


À deux heures exactement, je me présentais à la Casa Avreda, par l’entrée principale de la Carrera San Geronimo.

Comme l’avait présumé Concepcion, le comte n’était point encore de retour. On mange longuement, copieusement dans les maisons allemandes. M. de Kœleritz ne devait pas se distinguer du commun de ses compatriotes.

Peu m’importait d’ailleurs. L’attente ne me serait point pénible en cet après-midi. N’y devais-je pas désigner le jour où Niète serait Mistress Trelam, ma mistress, et où la joie de la libération fixerait à jamais le bonheur sur ses lèvres, le rayon d’azur rieur dans ses yeux.

Elle n’était point encore partie à la promenade. Elle avait voulu me voir avant, me demander pardon de son mouvement de désespoir du matin.

De sa voix douce, elle prononça les paroles qui gémissent toujours au fond de moi :

— Pardonnez… Je suis folle… Mais je ne puis me figurer être aimée autant… Ne vous fâchez pas… J’ai promis à votre cher cœur de ne plus jamais parler des choses tristes… Croyez que je fais tous mes efforts pour tenir la douce promesse… Mais ma pensée m’échappe… Elle me vante votre bonté, la courageuse indépendance de votre esprit qui amnistie l’enfant des fautes qui l’ont précédée… Et il me semble que je vis un rêve, impossible comme tous les rêves… et que je vais me réveiller dans le désert, dans la souffrance. Alors, les suppositions de… mon père… Vous concevez combien j’ai souffert. Songez donc, mon espoir, ma vie renaissante, mon amour… Vous donnez tant à votre fiancée… non, à votre engagée, je sais que vous préférez ce mot si tendre… et elle, elle sent si bien qu’elle vous apporte si peu.

Je baisai ses grands yeux avec ferveur.

Pauvre adorée mignonne ; seules les âmes riches de bonté, de noblesse, ignorent que c’est l’inestimable qu’elles donnent en se donnant.

Pauvre petite Niète, qui pensait devoir s’excuser de m’offrir le trésor de son amour, la félicité de mon existence.

Ah ! comme notre vieux Dickens a raison quand il dit, avec son exquise sentimentalité sceptique :

— On attache d’autant plus de prix aux cadeaux que l’on fait, qu’ils valent moins.

La personne qui offre à une autre la possession d’un cœur gangrené, frelaté, s’étonne toujours des manifestations tranquilles que provoque ce don.

Niète, elle, marquait sa surprise de me voir attacher du prix à son amour… Ah ! violettes, violettes, vous qui parfumez les grands bois, vous les remercierez toujours de leur ombre.

Mais il était préférable que le comte ne nous trouvât pas ensemble ; car je ne voulais pas lui avouer que lui-même avait provoqué ma démarche.

Ce que je lui cachais de choses à cet homme.

Je le savais espion, représentant de cette Allemagne cruelle, qui peuple de corbeaux noirs le ciel de l’Europe.

J’étais certain qu’il avait tenté de m’assassiner.

Et je lui faisais bon visage, moi qui, en temps normal, ignore l’art de dissimuler mes sentiments.

Musset, et nombre d’autres, ont développé la pensée que l’esprit vient aux filles avec l’amour. Tout aussi justement ils auraient pu dire que la passion remplit d’astuce les garçons, qui, en dehors d’elle, en sont rarement pourvus.

Et c’était la satisfaction de me sentir tout à coup plein d’astuce, qui m’avait assuré le courage de dissimuler !

Il est vrai que la récompense serait adorable. Dépenser ma vie auprès d’une chère petite chose, à qui je ne serais jamais tenu de mentir.

Elle et Concepcion s’en allèrent par le jardin, gagnant la porte de la rue Zorilla. Je les accompagnai jusqu’au seuil.

Rien ne s’opposait à ce que je me permisse ce plaisir.

Si le comte rentrait, ce serait évidemment par la Carrera San Geronimo, et en se trouvant en ma présence, rien ne lui indiquerait que je venais de quitter Niète au bout du parc.

Je restai là, debout dans l’encadrement de la petite porte de service. Je suivais d’un regard attendri la silhouette gracieuse et chaste s’éloignant peu à peu.

Les deux promeneuses passèrent devant la maisonnette où avait eu lieu ma rencontre avec X 323. Elles foulèrent le trottoir à cet endroit qui, pour moi, conservait l’empreinte du domestique, stupéfié par la piqûre du curare.

Elles atteignirent l’angle de la rue et disparurent.

Je refermai la porte.

Mais quand la bien-aimée est absente, que faire si ce n’est songer à elle.

Et je demeurai planté comme un dieu terme, revivant, en face du pavillon, l’idylle douloureuse et exquise qui m’amenait à épouser la fille de l’espion.

Dans mon esprit passa la physionomie fugace, changeante de X 323. Je me surpris à murmurer :

— Il connaît certainement mon amour… Il doit être enchanté ; car, il ne m’a pas trompé ; il lui avait été pénible de désespérer Niète.

Je me mis à rire, en mesurant l’abîme creusé entre le Max Trelam d’aujourd’hui, et le Max Trelam qui avait quitté Londres un mois auparavant.

Ce Max Trelam-là avait représenté le Times parmi des révolutionnaires, des opprimés, des militaires, et il était tout imbu de préjugés à l’endroit des espions.

Un espion, à ses yeux, ne pouvait être que lâche, vil, cupide, sans une vertu, voire même une qualité.

L’excessif de l’appréciation, m’avait amené à ce contraire.

X 323 était nimbé d’une auréole, qui s’est accentuée du reste, à mesure que je l’ai connu davantage.

Et puis, un être vulgaire n’eût point obtenu l’alliance, le concours de la mystérieuse marquise de Almaceda.

Car, cela m’apparaissait évident, et pour cause, il eût fallu être obtus comme un angle de cent soixante dix-neuf degrés, pour en douter après l’aventure de la Chambre Rouge.

Que lui était-elle ? Dans sa rude et périlleuse existence, représentait-elle l’amitié ? représentait-elle l’amour ?

Dans mes questions, il y avait une petite anxiété.

La « Tanagra » possédait mon estime et je la souhaitais sans défaillance.

Puis, brusquement, changement à vue, dans ma cervelle.

La raison de ma présence dans ce jardin s’impose à ma pensée… Le comte de Holsbein doit me voir, m’entendre, m’exaucer.

Lui non plus n’est pas un espion banal.

Il m’a assommé, mais il m’accorde sa fille. Donc nous sommes quittes, et je le puis juger avec impartialité.

Il est brave, énergique, âpre à la tâche acceptée…

Cupide… ah oui ! Voilà sa tare, la cupidité… Et elle suffit à faire chanceler la foi en tous les sentiments que ses actes semblent démontrer.

Est-il patriote ?… Est-il épris du danger ? Ou n’est-ce qu’un de ces hommes aux dents longues, qui vont à l’argent, à la fortune, par toutes les voies ?

Bah ! il est le père de Niète, et c’est au père seul que j’ai affaire.

Regagnons la Casa ; peut-être est-il rentré.

J’ai fait le tiers du chemin, une rangée de lauriers-roses, où j’ai cueilli tout à l’heure une fleur tardive que ma bien-aimée a piquée à son corsage, me cache la petite porte de la rue Zorilla.

Mais les arbustes n’interceptent pas le son. Je perçois distinctement le grincement léger que produit la porte en s’ouvrant.

Mon cœur le connaît trop bien, ce bruit, pour que le témoignage de mes oreilles m’induise en erreur.

Niète se serait-elle ravisée ; reviendrait-elle déjà, ayant écourté sa promenade, dans l’inquiétude d’apprendre ce qui se serait passé entre son père et moi ?

J’écarte machinalement les feuilles
Et, sous la clarté, je distingue le comte
de holsbein, la chaînette de la « bola »
à la main.
pour couler un regard par l’ouverture et… je grommelle :

— Il est dit que, dans cette maison, c’est toujours l’inexplicable qui se réalisera.

Ma réflexion vient de ce que j’ai reconnu la robuste stature de M. de Holsbein.

Le comte rentre chez lui par la porte de service ; quelle idée saugrenue.

Si encore la rue Zorilla constituait un raccourci, on comprendrait à la rigueur qu’il lui accordât la préférence.

Mais tel n’est pas le cas. C’est une ruelle d’accès difficile, qu’il faut chercher pour la découvrir. De quelque endroit que l’on arrive, son adoption se traduit par une perte de temps.

Et puis, à quelle singulière manœuvre se livre-t-il donc ?

Il s’est dirigé vers le pavillon bleu et argent. Il y a pénétré.

À travers les larges baies, je le vois arpenter les deux petites salles, fureter dans les recoins. Enfin, il sort, refermant derrière lui.

Ma parole, on croirait qu’il cherchait à acquérir la certitude que personne ne se cachait dans la légère construction.

En voici bien d’une autre. Il s’assoit sur le banc placé devant le kiosque, ce banc où j’ai presque porté Niète, dans cette nuit tragique et bienheureuse, où il m’a été donné de la voir pour la première fois.

Bon ! je lui parlerais aussi bien là qu’ailleurs.

Pour fixer une date, il est superflu d’avoir un plafond au-dessus de sa tête, n’est-ce pas ?

Je vais l’aborder et, si notre entretien n’est pas trop long (j’emploierai toute ma diplomatie à arriver à ce résultat), je pourrai peut-être encore joindre Niète au Parc, et lui annoncer le succès.

Voir le contentement rire dans ses yeux bleus ; pas de perspective plus adorable !

Seulement, c’est étonnant ce qu’il y a de seulement dans la vie d’un homme, fût-il anglais et reporter.

J’ai à peine décidé de m’approcher du comte, que j’en suis empêché.

La porte de service module de nouveau son petit grincement, et tourne sur ses gonds pour livrer passage au secrétaire de M. de Holsbein, à ce Wilhelm Bonn que l’on a si bien endormi dans le train de France.

Il va sans hésiter vers le comte.

Il savait donc le trouver là. C’est un rendez-vous évidemment… Et pour se réunir en ce coin reculé du jardin, ils ont donc à se communiquer des paroles trop graves pour être prononcées dans le cabinet de travail.

Le secrétaire s’arrête devant le comte, debout, en cette attitude raide, militaire, que les Allemands prennent toujours en présence d’un supérieur.

Que vont-ils comploter ? Est-ce qu’ils ne méditeraient point une perfidie contre Niète, contre moi-même ?

Je n’ai pas à me dissimuler que notre mariage ne ressemble en rien à ce que l’espion avait rêvé pour sa fille… Il est presque certain que ma venue fait tort à quelque plan ambitieux, échafaudé de longue date par ce père étrange et redoutable.

S’il en est ainsi, comment parer le coup, si j’ignore de quel côté on doit frapper ?

Conclusion : je me glisse le long de la rangée de lauriers roses, et par une marche oblique, je gagne un buisson tout proche des causeurs.

Et j’entends…

Si je n’avais pas entendu, mes larmes ne tomberaient pas en ce moment sur le papier où court ma plume.

Mais la fatalité, le fatum des anciens, le c’était écrit des musulmans, marche inexorable à nos côtés, et nos sens débiles ne nous permettent jamais de discerner le bruit de ses pas.

— Tu as porté la lettre à M. de Kœleritz, demanda M. de Holsbein ?

Comment la lettre ?

Il a écrit à M. de Kœleritz, chez qui il vient de déjeuner, Niète me l’a répété tout à l’heure encore.

Pourtant, cela doit être vrai. Il a réellement écrit, car Wilhelm Bonn répond :

— Oui, mais cela n’a pas été tout seul.

Et le comte rit silencieusement.

— Je m’en doutais… Tu comprends pourquoi, mon brave Wilhelm, j’ai raconté ici mon déjeuner chez de Kœleritz, pourquoi, j’ai pris mon repas à la petite fonda (hôtel) de Cadix e Real, où je suis inconnu. J’ai donné l’impression d’un homme cherchant à dépister les espions dont il se sait entouré.

Eh mais ! voilà qui me semble s’adresser à X 323.

— Voyons, reprend le comte, dis-moi tout.

Le secrétaire prend une attitude encore plus raide, et, du ton d’un unteroffizier (sous-officier) au rapport :

— Je suivais la rue de La Adriana… Un ouvrier me heurte au passage… Maladroit ! J’avoue que le mot m’a échappé. L’autre s’arrête, m’agrippe à l’épaule : « Dis donc, señor insolent, tu pourrais te dire que celui qui court ainsi qu’un lunatique est le vrai maladroit… » Bref, je pense un moment qu’une scène de pugilat va se dérouler.

Seulement, mon interlocuteur est un « brave ouvrier », il réfléchit qu’un coup de poing, c’est certainement agréable à asséner à un « bourgeois » ; mais qu’un agrément aussi complet réside en la bouteille que peut offrir ledit.

Quand on ne « mange le bourgeois », il faut tâcher à le boire.

Et il s’adoucit, me propose de terminer la querelle en choquant les verres. J’accepte ; la conclusion pacifique me paraissant plus propre à éviter un scandale qu’une lutte à mains plates ou à poings fermés.

Nous entrons au Bar glewglew, cette maison anglaise ouverte récemment à l’angle de La Adriana.

— À ta santé !

— À ta santé !

Nous trinquons, je trempe mes lèvres dans le breuvage… je m’endors.

À ma profonde surprise, foi de Max Trelam, le comte se frotta joyeusement les mains en disant :

— À la bonne heure.

— Cette « absence de moi-même » ne dut pas durer plus de quelques minutes. Je revins au sentiment, avec les mêmes consommateurs pour voisins, et, en face de moi, mon ouvrier qui pérorait, comme s’il ne s’était point aperçu de la courte extinction de mon intelligence.

Nous nous séparâmes bientôt, et je me rendis sans autre incident chez M. de Kœleritz ; mais je suis certain que l’ouvrier était un faux artisan, qu’il a jeté une drogue dans mon verre, et qu’il a profité de mon évanouissement, étourdissement, syncope, appelons cela comme il vous conviendra, pour prendre connaissance de la missive dont vous m’aviez chargé.

— Brave X 323, murmurai-je, comme tu veilles sur les intérêts de l’Angleterre !

Mais mon admiration devint muette, reléguée au second plan par l’ahurissement le plus complet.

M. de Holsbein répliquait :

— Mon cher Wilhelm, moi aussi, je suis certain que l’on a violé le secret de cette lettre. Par exemple, je puis t’assurer que j’en suis heureux, car j’avais escompté cette violation.

Le secrétaire eut un geste de surprise, qui semblait être la reproduction de celui que je marquai derrière mon abri de feuillage.

— Tu es un fidèle, Wilhelm, reprit le père de Niète… Ton aventure dans le train de France t’a certainement fait penser qu’autour de la Casa Avreda, des yeux vigilants sont ouverts, surveillant mes démarches, celles de mes serviteurs, nos allées, venues, nous isolant de la patrie allemande.

Et son interlocuteur affirmant d’un mouvement de tête :

— Nous sommes dans la situation d’une garnison bloquée par l’ennemi dans une forteresse, sans communication possible avec les armées de notre nation. Et cependant, il faut que le traité, enlevé à la barbe de ces chiens d’Anglais, parvienne à Berlin. Il le faut !

— Chiens d’Anglais, grommelai-je… Si tu nous appelles chiens, c’est que tu as senti la morsure de nos dents.

Il continuait, s’animant, avec une rondeur satisfaite qui me causait un vague malaise.

Il avait, pour exprimer mon impression, la mine d’un homme qui va jouer un tour à ses adversaires.

— Le Monsieur, fit-il, qui est bloqué, doit s’efforcer d’utiliser le blocus à son avantage.

— Ah ! murmura Wilhelm auquel cette formule audacieuse ne parut aucunement compréhensible.

J’avoue, en toute humilité, qu’à moi non plus, elle n’apportait aucun sens plausible. Par exemple, mon malaise augmenta. Mon « instinct », ce sens inconscient, animal, survivant aux transformations naturelles qui nous ont amené à l’état d’hommes, m’avertissait d’un danger que mon intelligence demeurait impuissante à percevoir.

— Comment t’y serais-tu pris, cher Wilhelm, pour assurer à notre « précieux document », la voie libre vers Berlin ?

À la question, formulée avec l’orgueil de qui a trouvé une solution réputée impossible, l’interpellé étendit les bras dans un geste désolé, puis d’une voix hésitante :

— J’aurais cherché, un messager, qui ne pût pas être soupçonné… Mlle de Holsbein, par exemple.

— Tais-toi.

L’ordre fut rude, bref. Une colère intérieure colora brusquement le visage de l’espion… Mais il se calma, éteignit l’éclair de son regard, et d’un ton calme :

— Non, je ne veux pas mêler mon enfant aux dangers qui nous menacent… et puis, Niète est une petite fille ; elle n’a point une âme aussi allemande que nous.

Chère Niète ! combien ce témoignage rendu par votre père lui-même, fut doux à mon cœur.

Mais il allait toujours :

— Non, non, j’ai pensé mieux que cela. Des yeux sont ouverts sur moi ; je fermerai ces yeux.

Je frissonnai. Dans l’accent du comte vibrait une terrible menace.

— X 323, poursuivit-il, est averti de toutes mes démarches. Je ne saurais lui dissimuler aucun de mes gestes… Eh bien ! Pourquoi ne pas faire le geste qui l’attirera dans un guet-apens… où je le tuerai, gronda le comte avec une énergie farouche. Mort l’espion, libre est la route !

Il m’apparaissait effrayant cet individu. Il symbolisait pour moi tout l’espionnage allemand, capable de toutes les violences, de tous les crimes, pour atteindre à la réalisation de ce rêve malsain, dont les cerveaux germains sont empoisonnés : Assurer à la race teutonne l’hégémonie du monde.

Je crois bien que le secrétaire éprouvait un sentiment analogue. Il se tenait immobile, les yeux grands ouverts « désorbités » selon le néologisme si expressif, imaginé par cet exquis conteur français qui s’appelle Alphonse Daudet.

L’employé devait avoir un peu peur de son maître.

Ce dernier, tout à la satisfaction orgueilleuse qui chantait en lui, expliquait, sans souci de la mine effarée de son subordonné :

— Alors, j’ai rédigé une lettre adressée à M. de Kœleritz…

C’est un brave homme, ce Kœleritz, mais incapable des résolutions viriles. Il n’a pas dû comprendre pourquoi je la lui envoyais, peu importe… Il était l’appeau du chasseur. Je lui mandais ceci :

Monsieur le plénipotentiaire, envoyé extraordinaire, etc.

« Ce soir même, à minuit, dans le sous-sol de l’Armeria, j’aurai en mains le papier que vous réclamez. Soyez à la grille du jardin du Musée… Il faut en finir, dites-vous… J’aurai fini lorsque je vous aurai remis l’enveloppe… Mais je le répète… Le danger, qui est à cette heure sur ma tête, planera alors sur la vôtre… Et, dès l’instant où je me serai dessaisi, la responsabilité de l’échec possible vous incombera.

« Ceci, non pour résister à vos souhaits, mais pour préciser la situation, et conserver à mon « Copie de lettres » la trace et la physionomie des faits.

« Votre serviteur obéissant,
« Signé : comte de Holsbein Litzberg. »

L’espion eut une aspiration profonde, et la face toute rayonnante d’une joie perfide.

— En écrivant ces lignes, j’étais sûr, qu’entre le moment où elles sortiraient de la Casa Avreda et celui où elles parviendraient à M. de Koeleritz, elles seraient passées, sous les yeux de X 323.

— Mais il sera à l’Armeria.

Le secrétaire formulait là ma pensée.

— J’y compte bien… Seulement, il croira me surprendre… et c’est moi qui le surprendrai… Cela établit une toute petite différence, qui lui coûtera la vie… Ah ! ce drôle abrite sa personnalité sous des lettres, des chiffres mystérieux X…, 323…, expressions mathématiques d’inconnues algébrique ou humaine… Je lui assurerai de plus, la formule de l’inconnue définitive…, le Zéro de la mort.

Eh ! eh ! acheva-t-il avec un ricanement sinistre, que dis-tu de l’équation du triomphe :