L’Escole Paroissiale/P1/01

CHAPITRE PREMIER.

Des qualitez du Maistre.


T ovt de mesme, que le cœur est le premier viuant & le dernier mourant en l’homme, & qu’il est le siege principal de l’ame ; ainsi le Maistre dans l’Escole deuant estre le cœur, animé de l’esprit de Dieu, qui donne la vie spirituelle à tous les membres de sa petite famille : Nous commencerons par les qualités dont il doit estre doüé, lesquelles nous partagerons par articles des trois Vertus Theologales & quatre Cardinales, concluant par l’humilité qui est le fondement de toutes : car ainsi que pour donner l’esprit de la reigle aux Nouices d’vn Ordre bien reglé, l’on choisit toûjours quelqu’vn des plus zelés, pieux, & doctes de la compagnie, de mesme pour donner l’esprit Chrestien à des enfans dans les Petites Escoles ; il faut choisir vn homme soit Ecclesiastique, soit Laïque, qui aye non seulement les Vertus Chrestiennes, & communes, mais qui les aye tellement estudiées, qu’il les sçache enseigner auec facilité à tous ceux que l’on doit mettre sous sa conduite, & par preceptes & par exemples. Non seulement il doit instruire le enfans à la vertu, mai encor toutes ses actions doiuent tellement estre compassées, qu’il soit comme vn miroir dans lequel les petits enfans se regardent, comme en vn liure viuant, où ils voyent l’exemple de ce qu’ils doiuent faire, pour estre bons Chrestiens. L’on compare ordinairement la façon d’enseigner à vn liure qui est bien long à escrire, si on veut l’auoir à la main, mai qui estant composée en vne planche d’imprimerie, on en tire tant de copies que l’on veut, & ce en vn moment. Ce sont les paralelles de l’exemple & des preceptes. Longum iter per præcepta : breue per exempla.


ARTICLE I
De la Foy dv Maistre.


L A Foy est vn don de Dieu, & vne lumiere, par laquelle nous croyons tout ce que Dieu a reuelé à son Eglise ; soit escrit ou tradition.

De la pratique de la Foy du Maistre. §. I.


LA Foy suppose vne instruction de toutes les choses necessaires, à sçauoir pour le salut. Car quomodo credent esse quem non audierunt ? dit S. Paul ; il faut donc que le Maistres soient bien instruits, non seulement dans les articles du Symbole, les sept demandes du Pater, les Commandemens de Dieu, les sept Sacremens de l’Eglise : mais mesme qu’ils les sçachent expliquer : il faut qu’il connoissent encor les mysteres des principales Festes de l’année, la Vie des Saints Patrons du Diocese, de la Paroisse, ou de la Ville : afin d’en donner vne suffisante connoissance à leurs enfans, & comme vne bonne mere nourice, ils prennent la nourriture eux mesmes, pour la faire succer à leurs petits, qui attẽdent d’eux le laict de la Doctrine Chrestienne ; quasi modo geniti infantes : comme des petit enfants nouueaux nez en Iesus-Christ, & pour cét effect ils doiuent auoir des liures propres à cela, comme le Catechisme du Diocese, celuy de Turlot, le Pedagogue Chestien dernier imprimé à Mons, ou à Rouën, in quarto, & s’il entend le Latin, Hortus Pastorum & Catechismus Romanus, le Catechisme de Bellarmin & le petit Catechisme ou Instructions des Festes de l’année luy seront tres vtiles. Ce n’est pas assez de croire, & auoir la Foy speculatiue de tous les mysteres, mais il la faut tesmoigner par les œuures, & par exemple, portant vn grand respect à toutes les choses Saintes, ne parlant, ny souffrant iamais parler qu’auec respect de nostre S. Pere le Pape, de Messieurs les Prelats de l’Eglise, de ses Ceremonies, des Prestres, & de tous les Ecclesiastiques.

De la pratique de la Foy à l’esgard des enfans. §. 2.


LE Maistre aura soin de ne souffrir aucun liure aux enfans qui ne soit Catholique, & bien approuué des Docteurs, leur recommandant souuent de ne dire iamais ou parler contre les pratiques de l’Eglise, mais en honnorer toutes les ceremonies & Commandements.

S’il a des enfans des heretiques dans son Escole, il leur tesmoignera vne grande affection, les gouuernant auec toute sorte de ciuilité & bien-veillance, pour les gagner à Iesus-Christ, & mesme à leurs parens qui les leur presenteront, ou qui les viendront visiter.

Ils ne seront pourtant receus dans l’Escole qu’à condition, 1. Qu’ils n’y apporteront aucun liure qui ne soit Catholique, 2. Pour y estre Catechisés & instruits à la Foy & Religion Catholique, Apostolique & Romaine, & 3. Pour estre menez à la Messe, Vespres, Catechisme & autres instructions qui se font en la Paroisse, comme les autres enfans de l’Escole.

Il ne doit iamais souffrir qu’ils parlent de leur huguenoterie à aucun des autres enfans, ny en particulier, ny en public ; à quoy il faut auoir vne grande circonspection : comme aussi que tous les escoliers ne hantent aucuns enfans des heretiques, de peur qu’ils ne se peruertisent : ce qui se fait aisément par ces petits tisons d’enfer : car les enfans estant encor dociles, à leur aage, comme la cire molle, sont prests à receuoir telle forme ou cachet qu’on leur voudra imprimer, & ils peuuent facilement estre induits & persuadés en leur aage à receuoir des pratiques d’heresie, lesquelles peut-estre ils ne feront paroistre d’abord, mais qu’ils garderont pour luy faire produire au temps de leur liberté leur maudit effect : dequoy nous ne voyons que trop de funestes exemples, par la licence que les parens donnent à leurs enfans, & leur en montrent mesme l’exemple, en hantant les heretiques par complaisance, simpatie, voisinage, parenté & sans necessité, qui mesme doit estre grande : à raison du peril euident, dont l’on court risque auec telles gens, qui ne peuuent este fidelles aux hommes, n’ayant pas gardé la fidelité à Dieu, laquelle ils ont protestée solemnellement en leur Baptesme. Car tout ainsi que les parents hantent les grands, les petits enfans des vns & des autres se familiarisent & se perdent l’vn auec l’autre. C’est ce que le Maistre doit recommander à ses escoliers exactement, sur tout, de ne hanter aucuns enfans heretiques, mesme parents : & en montrer l’importance à leur pere ou mere, & en cas de resistance, il leur rendra leurs enfans, de peur qu’estans gastés par leur mauuaise conduitte, ils n’endomageassent quelques-vns de son petit troupeau.

Enfin le Maistre doit auoir grand soin de bien instruire dans ses Catechismes & lectures Spirituelles ses escolliers comme nous dirons cy-apres. Voyla ce qui regarde la Foy : passons à l’Esperance.


ARTICLE II.
De l’Esperance.

De ce qui appartient à l’Esperance en general. §. I.


L a Foy nous ayant affermy en la croyance de Dieu nous donne Esperance de recourir à luy en toutes nos necessités spirituelles & corporelles en cette vie, & d’obtenir la recompense de nos bonnes œuures en l’autre, auec toute sorte de confiance. Or le Maistre doit estre muny de cette vertu principalement : car l’humilité & pauureté de sa nature luy faisant reconnoistre son petit pouuoir & d’ailleurs les grands besoins qu’il a de toutes sortes de vertus, tant pour sa propre perfection, que pour celles des enfans qu’il entreprendra d’enseigner : luy donnera confiance de recourir à Dieu, dont la puissance est infinie & qui seul luy peut donner ce dont il a besoin pour vn si saint ouurage, duquel la bonté estant vn tresor inépuisable de misericorde à l’endroit de ceux qui ont recours à luy auec reuerence & confiance d’obtenir leur necessités ; il doit conceuoir vne ferme esperance que Dieu ne luy deniera rien s’il luy demande comme il faut.

Des actes de l’Esperance en gros à l’esgard du Maistre. §. 2.


L ’Acte principal de l’Esperance, c’est la Priere laquelle doit estre familiere au Maistre, puisqu’il rencontrera mille & mille occasions de s’en seruir.

Or la Priere doit estre faicte premierement, auec humilité, qui est vne humble reconnoissance de son neant & de ses pechez & imperfections, qui le mettent au dessous de toutes les creatures. Secondement, en esprit & verité. In Spiritu & veritate oportet adorare & Pater tales quærit qui adorent eum. C’est à dire qu’il faut adorer Dieu en esprit & en verité, & le Pere Eternel cherche de personnes de telle sorte qui l’adorent ; enseignoit nostre Seigneur à la Samaritaine. Troisiesmement, il faut demander au nom de nostre Seigneur : tout ce que vous demanderés à mon Pere en mon nom, il vous le donnera, quiequid petieritis Patrem in nomine meo, dabit vobis. Quatriesmement, auec ferueur & assiduité, ne se contentant pas d’auoir demandé deux, quatre, six fois vne mesme chose à Dieu : mais il doit reïterer, & continuer comme cette Veufue de l’Euangile, qui obtint par importunité ce qu’elle demandoit à ce Iuge si méchant, qui nec Deum timebat nec homines reuerebatur, & mesme si la chose est de consequence, il doit y adjouster le jeusne & l’aumosne pour l’obtenir : l’Oraison du Iuste continuée est bien forte, dit. S. Iacques, multum valet deprecatio iusti assidua. Bona est oratio cum ieiunio & eleemosina, l’Oraison est bonne, auec le Ieusne & l’Aumosne, disoit Tobie à son fils.

Les actions de l’Esperance en particulier. §. 3.


LEs actions specialles ausquelles il doit auoir recours à l’Oraison, c’est au commencement de la leçon, demandant lumiere à Dieu pour la bien faire ce iour la, en representant à sa bonté toutes les difficultés qui s’y rencontreront, & notamment s’il a preueu y en auoir ce iour la quelqu’vne : comme quand il aura à traitter auec des parens difficiles des enfans fascheux, & incorrigibles. Il pourra encor offrir cela durant la Messe qu’il entendra, ou celebrera, durant sa priere du matin, ou d’apres midy, offrant de bon cœur toutes ces petites ames à nostre Seigneur, à leurs Anges Gardiens & aux Saints Patrons du Diocese, & du Royaume, & apres les Prieres du soir & du matin, il doit remercier Dieu en general, & en particulier, du bon succez de sa leçon, demander pardon à Dieu des defauts qu’il reconnoistra auoir commis, faisant resolution d’agir mieux à l’aduenir, en preuoyant les moyens à cet effet auec sa sainte grace.

De la priere du Maistre auant les Cathechismes. §.4.


IL doit auoir recours à Dieu deuant que de commencer ses Catechismes, taschant mesme d’aller à l’Eglise deuant le S. Sacrement, pour demander à nostre Seigneur l’effect de sa parole, qu’il anime son discours, & luy donne l’intelligence de ce qu’il a à traitter à ses enfans pour les en bien instruire, il inuoquera à Paris S. Denis comme l’Apostre de la France, qu’il luy plaise luy impetrer de Dieu vne portion de son Esprit, pour renouueller en l’Esprit de ses enfans la Doctrine qu’il a enseignée aux despens de sa propre vie. Et ailleurs le Saint Patron du Diocese.

De la pratique de l’Esperance à l’esgard des escoliers en general. §. 5.


IL aura grand soin de bien enseigner & par paroles & par exemples à prier Dieu à ses enfans, prenant garde exactement de se trouuer aux Prieres, & regarder par tout si chacun de siens est dans la posture decente, ne badine point, notamment à l’Eglise durant la Messe & les prieres publiques de l’Ecole, & notés qu’il ne faut iamais pardonner telles impietés aux enfans, leur monstrant que c’est vne espece de sacrilege que de badiner en priant Dieu, & que c’est se mocquer de luy, ce qui est le plus grand peché que l’on puisse commettre.


Des pratiques des enfans en particulier. §. 6.


IL leur recommandera souuent de faire la Priere à genoux au soir & au matin, sans manquer vn seul iour auec grand respect & reuerence, & mesme chastiera ceux dont il aura aduis qu’ils y auront manqué en ayant esté par luy aduertis, il leur enseignera à la bien faire, dans les Catechismes par des comparaisons familieres, & il aura soin de leur bien apprendre à prononcer le Pater, l’Aue, le Credo, Confiteor en Latin, & en François, & aussi le Benedicite & les Prieres de l’Exercice du Chrestien : leur monstrant puisque nous croyons qu’il y a vn Dieu, tout puissant & tout bon, qu’il le faut honorer & auoir recours à luy en toutes nos necessités, auec vne grande confiance & humilité & c’est , la veritable Esperance d’vn bon Maistre d’Escole : voyons la troisieme Vertu Theologale.



ARTICLE III.
De la Charité dv Maistre.



LA Charité et vne vertu par laquelle nous aymons Dieu sur toutes choses, & nostre prochain comme nous mesmes pour l’amour de Dieu.


Les appartenances de la Charité. §. 1.


CEtte Vertu estant la Reine de toutes les autres ; aussi doit elle regner dans le cœur du Maistre par eminence. Pour ce qui regarde Dieu : il le doit aymer en qualité de Chrestien par dessus toutes les choses créées, & en qualité de Maistre, comme il doit auoir toutes les Vertus en plus grande perfection que les autres, aussi la Charité qui est la principale, doit eclater en son ame d’auantage enuers Dieu, puisque il ne doit point entreprendre cét office pour aucun respect humain ; autrement il n’y fera rien que s’y damner auec ceux qu’il conduira, mais purement & principalement pour Dieu ; & par ce moyen il supportera facilement les difficultés qui s’y rencontreront, par le moyen des consolations qu’il receura de son Createur, qui l’a appellé à cét exercice, & qui luy fournira les moyens de s’y perfectionner & en suitte receuoir la recompense eternelle apres sa vie.


De la pratique de Charité à l’esgard du Maistre. §. 2.


LA pratique de cette Vertu consiste dan vn fidelle accomplissement de la volonté de Dieu, qui contient premierement, les Commandemens de Dieu, 2. Ceux de son Eglise, 3. Tous le Edits & Ordonnances des Superieurs Ecclesiastiques, laïques & domestiques, sçauoir de Nostre Saint Pere le Pape, de Messieurs le Euesques & Curez, les reglemens de Messieurs les Directeurs des Escoles, des Communautés, où on reside, car qui potestati resistit, Dei ordinationi resistit & damnationem sibi acquirit, quia quæ à Deo sunt ordinata sunt. C’est à dire, que celuy qui resiste aux puissances, resiste à l’ordre de Dieu & s’acquiert la damnation, parce que tout ce qui est de Dieu est selon l’Ordre. 4. enfin la volonté de Dien, consiste à s’acquitter de l’exercice de sa vacation. C’est à quoy doit bien prendre garde le Maistre, puisque sa vacation n’estant pas seulement à l’esgard des choses inanimées comme les arts & mestiers communs du siecle, mais qui contient le gouuernement, bonne education & reparation des mœurs des enfans, qui sont si precieux à Dieu, qu’il n’a pas espargné la vie de son propre Fils pour les rachepter : c’est pourquoy cela luy doit donner vn grand soin de s’y perfectionner, puisqu’il ne peut esperer de salut, s’il ne s’en acquitte selon la volonté de Dieu, voyla ce qui est proprement faire sa volonté.

De la diuision de la Charité à l’esgard du prochain en general. §. 3.


OR la Charité ayant deux faces, apres en auoir rapporté les obligations à l’esgard de Dieu, il faut specifier quelque chose à l’esgard du prochain : car il est à remarquer que Dieu nous commandant d’aimer nôtre prochain, il ne nous a point dit de l’aymer comme vn pere, comme le frere : sçachant bien qu’il y a assés de mauuais enfans & de barbares freres ; mais il a dit, tu l’aymeras comme toy mesme : car nemo carnem suam unquam odio habuit : personne ne haiț iamais sa propre chair, dit l’Apostre. De ce fondement il faut conclure, que dans les actions particulieres, le Maistre doit beaucoup supporter les infirmités de ses enfans, non pas des riches plustost que des pauures, de ses amys plustost que des autres : mais regardant ses enfans esgalement d’vn œil Chrestien, comme tous ses petits freres, enfans adoptifs de Dieu, & freres de nostre Seigneur Iesus Christ. Quand ie dis supporter, ce n’est pas qu’il ne les faille corriger auec la prudence requise dans les occasions, mais non point par caprice, par vengeance, par colere, par indignation de leurs parens, à qui ils auroient fait quelque rapport, qui seroient venu crier & faire du bruit à l’Escole, mais supporter tout cela en patience, se souuenant de ce que dit saint Pierre, non reddentes malum pro malo nec maledictum pro maledicto ne rendant point le mal pour mal, ny malediction pour malediction : vous rendant semblables en tout à celuy qui estant frappé, souffleté, n’a rien respondu, estant maudit & iniurié, l’a enduré patiemment, & mesme a rendu le bien pour le mal offrant les douleurs de sa Passion à son Pere Eternel, pour ceux mesme qui le crucifioient.

De la Charité à l’esgard des enfans. §. 4.


QV’il tasche par cette mesme Charité d’ayder les enfans grossiers doucement, taschant de les polir auec le temps, & non pas dans l’impatience : que la mesme Charité luy doit faire supporter les mescontentemens, les plaintes, les iniures des parens (qui ne se font que trop frequemment) taschant de leur répondre doucement, amiablement : sermo mollis frangit iram, la parole douce appaise la colere, dit le Sage, leur remonstrant la verité & faisant enrendre le contraire de ce qu’ils croyent, &s’ils perseuerent, il doit prier Dieu pour eux, & ne tesmoigner iamais aucun mescontentement, ny chastier leurs enfans (mesme quand ils auront failly) iusque à ce que cette bourrasque soit passé, Charitas mnia suffert, omnia suffinct, la Charité souffre tout, elle supporte tout, dit S. Paul.

De la Charité du Maistre a l’efgard de ses Confreres & des panures, §. 5.


LA Charité l’oblige à ne faire iamais tort aux autres Maiſtres : au contraire, par exemple, quand les parens présentent leurs enfans & qu’ils font des plaintes du Maustre, où l’enfant a. esté à l’Eſcole : il doit l’exculer & rejetter la faute sur l’enfant plutoft que sur le Maiſtre, il doit têteuoir les pauures auec autant de Chariré comme les riches, & encor da. uantage : les regardant & leur faisant entendre qu’ils font les membres de Dieu, pourueu qu’ils agreent leur pauureté (ce qui s’entend en tant que la commodité le puisse permettre) c’est pourquoy quand ils preſenteront leurs enfans, il les retreura auce honneur & respect, regardant la présence de nostre Seigneur en eux pluftoft que leur infirmiré puisque le même Sauueur nous a donné pour marque, de sa venuë d’euangelifer & instruire les pauures.

De la pratique de Charité à l’esgard des escoliers entre eux. §. 6.


IL entretiendra de cette verru fouuent les escohiers, leur enseignant de ne s’accuser iamais l’un l’autre, s’ils n’en ont la charge ; de n’auoir aucune eruie, saloufie haine, mauuaise volonté l’un contre l’autre : mefme s’il apperceuoit quelques escoliers se hair, il tafchera auec adresse, soit en particulier ou en public de leur faire vuider leurs petits diffèrents & les reconcilier ensemble, les faisane embrasser l’un l’autre & demander pardon à Dieu, leur monstrant combien ce vice est dangereux, & qu’il conduit en enfer la pluspart des Chrestiens, qui le gardent en leur cœur ; il leur fera aussi rendre des petits seruices à celuy de qui ils auront receu quelque tort, comme de demander pardon pour luy & s’ils demandent pardon d’eux-mesmes pour celuy qui les a offencé qu’ils en prient le Maistre il pardonnera à l’aggresseur, luy faisant faire satisfaction à la partie lesée, comme de luy demander pardon mesme à genoux, ainsi que la prudence luy dictera.

Punition des batteries mutuelles. §.7.

{{|I}}tem s’il arriuoit que quelqu’vn eust battu son compagnon, dit des injures, & que l’autre se fust reuangé, il les chastiera tous deux, & en suitte les fera reconcilier, s’il y en a vn des deux qui aye souffert d’être battu ou iniurié, il luy fera faire satisfaction par l’autre, luy demandant pourtant s’il ne luy pardonne point de bon cœur, & s’il ne voudroit pas subir la peine que son frere Chrestien va souffrir pour l’auoir offencé ; luy qui n’est qu’vn petit ver de terre, & neantmoins que Dieu commande de le punir.

De la visite mutuelle des compagnons malades. §.8.

{{|I}}tem il les doit inuiter à s’entre aller voir en leurs maladies, pourueu qu’elles ne soient point dangereuses, comme veroles, rougeolles, fiévres chaudes, pourpreuses &c, car alors ils prieront Dieu pour le malade seulement ; & le Maistre mesme n’y doit aller qu’auec tres-grande nécessité & precaution, y allant le soir & faisant vn tour apres cela pour dissiper le mauuais air qu’il pourroit auoir contracté.

De la Charité enuers les pauures. §.9.

ITem il les doit inuiter à faire l’aumofne d’vne Ipartie de leur déjeuner, ou goufſter aux pauures de l’Efcole ou aux autres : mefme si on leur donne quelque double, il les inuitera de le donner aux pauures, enfin le Maistre entretiendra cette sainte Vertu qui est l’ame du Christennisme, dans le cœur de ses enfans, leur en faisant exercer des actes fouuent dans les rencontres, affin de les efleuer en vrais Chrectiens. Enfin vn bon moyen encor de faire pratiquer cette vertu, c’est de faire en forte que quelque bon escolier qui aura bonne place, la cede à vn paresseux par amitié fraternelle pour l’exciter à bien faire.

Enfin il incitera ceux qui font parens à s’entraimer l’un l’autre, se faisant du bien & s’entrefurportant pour Dieu les infirmités les vis des autres, affin de gaigner le Ciel. Voila ce qui est des Vertus Théologales : passons maintenant aux quatres Cardinaires ou Morales, & premièrement de la Prudence.

ARTICLE IV.

DE LA PRVDENCE DV MAISTRE.

Ce que c’est que prudence. §. 1.

LA Prudence est au dire de Saint Bernard, non solum virtus, sed auriga virtutum, non seulement vne des quatre Vertus Cardinales, mais la premiere & la principalle : puisque c’est elle qui gouuerne toutes les autres : c’est cette vertu qui fait trouuer le milieu en toutes nos actions, Or s’il y a office dans lequel on ays besoin de prudence, c’est en celuy du Maistre d’Escole ; ayant à conduire tant de sorte d’esprits, qui à peine se peuuent reconnoistre, veu le bas aage où il sont, les difficultés de traiter & gouuerner les parens, & enfin en toutes les actions de cette charge, en laquelle il faut que le Maistre d’Escole soit vn fidelle & prudent seruiteur, que Dieu a constitué sur sa petite famille pour la gouuerner.

De la Prudence enuers soy-mesme §. 2.


LE premier acte de Prudence que le Maistre doit exercer, c’est de voir s’il a les vertus & qualités necessaires auant que d’entreprendre cét office ; (ie sçay bien que l’on ne peut pas estre parfait tout d’vn coup) mais il doit voir s’il y a de la disposition, s’il y est appellé de Dieu, laquelle vocation doit estre reconnuë par l’aptitude, affection & zele à vn office qui est reputé si bas parmy le monde, il doit prendre conseil sur cela de personnes prudentes, pieuses & doctes ; apres l’auoir souuent recommandé à Dieu : car s’il l’entreprend pour le gain temporel comme vn mestier pour y gaigner sa vie, c’est vn mercenaire & non pas vn Pasteur, vn loup rauissant qui vient seulement pour tirer la laine & le laict de ces petites oüailles, & non pas pour les repaistre & nourrir de l’Esprit du Chrestien, qu’il n’a pas luy mesme : & partant il ne doit attendre aucune portion en l’heritage des vrais Maistres de nostre Seigneur, mais l’heritage des hypocrites (en la diuision de son Ame d’auec le corps) qui est l’Enfer.

Il se doit contenter du possible des enfans. §. 3.


TOut ainsi que le Maistre en l’escriture doit donner vn exemple bien formé & auec perfection & se contenter de son escolier qui n’escrira qu’imparfaitement en son commencement : de mesme le Maistre d’Escole doit estre parfait en tout ce qu’il aura à enseigner à ses escoliers & se doit contenter d’vn chacun de ceux, qu’il connoistra faire leur petit pouuoir squoy qu’ils fassent peu de chose) si ce n’est qu’ils fussent tout à fait ineptes à apprendre à lire, ce qui le verra aux vns apres vn mois ou deux, aux autres apres quatre ou six, selon la peine & l’industrie qu’il y employra : & alors les ayant tenté par toute forte de voyes, il en doit actuertir leurs parens, les priant d’auoir patience & leur donner esperance, que peut estre son esprit reuiendra & qu’il ayent pour agreable de le reprendre, iusques à quelque temps ; car bien souuent ils s’en prennent au Maistre en tel cas que l’enfant ne sçait rien & non à l’escolier, que si les parens estoient honnestes & gens qu’ils priassent de le garder pour l’empescher de faire mal, n’ayant rien à l’occuper, il le retiendra encor vn peu : & s’il est tout à fait inepte à l’estude, il luy apprendra les principes de la Foy & le r’enuoyra de peur de perdre d’auantage le temps au tour de luy.

De la science necessaire an Maistre. §. 4.

LE Maistre doit auoir non seulement les Vertus Théologales & Morales, mais il doit posseder les sciences qu’il a à enseigner en son Escole : non seulement pour s’en seruit, mais la methode facile de les enseigner à ses escoliers vtilement, comme par exemple dans les Escoles ordinaires on y doit enseigner (outre la pieté, ciuilité, bonnes mœurs) à lire, escrire, compter, jetter aux gettons & à la plume, & les principes du Latin & du Grec à ceux qui y feront propres, pour les rendre capables d’entrer en quelque bon Collège & y estre des meilleurs de leur Classe.

Du credit du Maitre. §. 5.


IL doit se mettre & conseruer en grand credit non seulement parmi ses enfans, mais encore estre estimé des parens : de sorte que ce qu’il aura dit ou fait, puisse estre de tel poids, qu’il ne puisse estre reuoqué en doute qu’il n’a eu raison de dire, ou de faire ainsi : ce qui luy doit donner vne grande prudence & discretion en toutes ses paroles & actions, notamment quand il a à conuerser & conferer auec les parens, & à enseigner ses enfans.

Du bon exemple qu’il doit donner. §. 6.


IL est la forme & le patron, sur qui ses escoliers & partant luy importe grandement en conscience d’estre assorty de beaucoup de perfections, & estre esloigné de toute forte de vices. Car les enfans prendront sur luy le ply qu’ils garderont toute leur vie, soit au bien ou au mal ; que s’ils prennẽt de luy vn bon exemple voila de grandes recompenses pour luy en semais s’ils tirent de luy quelque exemple vitieux, en voyant quelque sienne imperfection, ce sont autant de tortures & de supplices qu’il se prepare en l’autre vie.

Exemple des enfans deuenus bons ou mauuais selon les Maistre qui les ont enseignés. §. 7.


L’Experience nous apprend que les enfans retience est proposé, aussitost le mal que le bien, estans comme des tables rases qui n’ont ny connoissance ny experience : d’où vient qu’on remarque que plusieurs sont demeurés tels qu’ils ont esté esleués en leur ieunesse : l’on en voit qui estoient bien droits, & qui sont deuenus boiteux ayant demeuré auec vn Maistre boiteux : l’on en voit d’humeur douce, ayant vescu auec vn Maistre de douce humeur. L’on remarque des esprits querelleux & accariastres, parce qu’ils ont esté conduits par des Maistres qui auoient ce vice là. Saint Thomas d’Aquin, Saint Maur, Saint Placide, S. Oüen & ses freres, ayant esté esleués dés leur ieunesse par des Maistres sages prudents & vertueux, sont paruenus à vne grande Saincteté : au contraire Iulien l’Apostat ayant esté enseigné par vn Maistre idolatre, nourrit en son cœur cette perfidie, & quoy qu’il eust plusieurs Vertus Morales & en apparence Chrestiennes, auant qu’il fust Empereur ; neantmoins estant deuenu libre de ses actions, il descouurit le masque de son impieté, & se manifesta idolatre, & vn des plus cruels persecuteurs de l’Eglise de Iesus-Christ. Alexandre le Grand qui a subiugué toute la terre à son Empire, n’a pas peu s’exempter des vices qu’il auoit apris de son Maistre Leonides. Voyla le bien & le mal que peuuent causer les mauuais Maistres à l’endroit des enfans.

Exactitude à son deuoir. §. 8.


LA prudence du Maistre consiste à estre exact à se contenir en son deuoir, il doit estre doux & graue aux enfans, non comme vne mauuaise mere les gastant en les flattant ; mais comme vn pere raisonnable se gardant bien de familiariser auec ses escoliers, qui le puisse faire mespriser : s’abstenant sur toutes choses de les baisotter, mignarder ou faire autres choses semblables, & ce pour plusieurs bonnes raisons : il doit auoir la patience pour supporter leurs deffauts, la prudence de les conduire & la methode pour les instruire vtilement. Ce n’est pas pourtant que cette regle soit absolument necessaire & generalle, car quand on voit de bons escoliers, on peut quelquefois leur tesmoigner quelque petite bien-veillance de la veuë ou de parolle, d’amitié pour les encourager dauantage à bien faire, en particulier & rarement en public, de peur de ialousie, & notamment aux plus petits pour les attirer doucement.

Qu’il rende respectueux ses enfans. §. 9.


IL doit faire en forte par sa prudence qu’il puisse endroit, & qu’ils puissent auoir vne bonne volonté de bien faire profit de ses instructions, & mefme à tous ceux desquels il se seruira pour les instruire.

Qu’il lise son Reglement. §. 10.


IL doit sçauoir son Reglement sur le doigt pour le bien pratiquer en temps & lieu : c’est pourquoy il le doit lire souuent, comme tous les deux mois, & notamment toutes les sepmaines l’agenda, que nous auons mis à la fin, à ce qu’il ne puisse obmettre aucune des petites pratiques & obseruations ordonnées en iceluy, pour le profit des enfans tant au Spirituel qu’au temporel, il y aura aussi recours dans les occasions où il doutera de quelque chose par le moyen de la table.

De la connoissance du naturel des enfans. §. 11.


CE qui seruira beaucoup à la conduite des enfans, c’est que la prudence du Maistre doit se monstrer à bien reconnoistre leur naturel : à quoy seruiront les conferences qu’il aura auec leurs parens, quand ils seront presents, comme nous dirons cy-apres : à cét effect il obseruera soigneusement les nouueaux receus à l’Escole pour reconnoistre quel est leur naturel, s’ils sont d’humeur douce & tranquille : ce qu’il reconnoistra à la première correction, qu’il leur fera : s’ils s’humilient & apprehendent le foüer, ou ferule &c. s’ils se rebutent en se réuanchant, s’ils grondent ne voulant obeïr, il les domptera doucement pour le commencement, & notamment s’ils ont esté endurcis au fouet, ou aux coups par leurs parens, ouMaiſtre d’Efcole precedent : & alors il trauaillera auec grand soin à les corriger, tafchant de les gaigner s’il peut par amitié, caresses, promesses ; que s’ils font orgueilleux, il les faut punir par quelque contusion, taschant de les conuaincre toûjours de leur faute, auant que d’en venir à ce remede, parce qu’alors s’ils s’humilient, on leur pourra pardonner pour la 1. & 2. fois, mais non pas toujours, de peur qu’ils n’en abusent. Voila à peu prés quelques pratiques de Prudence. Nous en dirons dauantage en parlant des autres Vertus. Mais à present parlons de la Temperance seconde Vertu Cardinale.

ARTICLE V.

DE LA TEMPERANCE.

De sa definition & diuision. §. 1.


LA est vertu qui modere, tous les appetits sensitifs de l’homme, & fait voir sa difference naturelle & essentielle d’auec les bestes, Dieu luy ayant donné la raison pour cet effet. Or comme les appetits ont esté bien déreglés, par la rebellion d’Adam enuers Dien, Iesus-Christ nous a donné en nostre Baptesme la grace qu’il nous a acquise par son sang, pour moderer les mauuaises inclinations de nostre nature corrompuë.

Les especes de la Temperance, sont trois principales : à sçauoir, la Sobrieté qui modere l’appetit du boire & du manger, car l’homme naturellement ayant vn grand soin de conseruer son indiuidu en soy mesme, pourroit exceder au trop manger & boire, par la gourmandise & iurognerie, ou trop peu par vn ieusne inconsideré & indiscret : c’est pourquoy le Maistre doit auoir grand esgard à cette affaire, car vn homme qui est addonné à l’excés du boire & du manger, outre qu’il decherra de sa bonne reputation deuant les hommes, outre cela, dis-ie, il donnera vn tres mauuais exemple à ses enfans & s’emportera à des actions de rage, de colere, d’impatience, scandaleuses & dommageables à l’endroit de sa famille, & enfin se fera chasser & deposseder honteusement de son office, deuenant infame dans le lieu où il fera, & qui pis est, il se damnera en damnant les autres : & outre qu’il est incapable de rien enseigner aux enfans : car s’il y a vice qui oste la présence de l’esprit & rende vne personne inconsiderée & imprudente, stupide & hebetée ; c’est l’iurognerie & la gourmandise.

De la Prudence du Maistre, à aller boire ou manger en ville. §. 2.


S’Il est inuité souuent d’aller boire ou manger en ville, il doit remercier & s’excuser honnestement & n’y aller que le moins qu’il pourra : notamment s’il est Ecclesiastique, car quand on va si souuent en ville boire & manger ; cela fait mes-estimer : outre que contractant familiarité insensiblement auec les parens & les enfans, ils en deuiennent plus hardis, moins respectueux & se departent petit à petit de leur deuoir. Ie sçay bien qu’il ne faut pas absolument toûjours refuser : mais au moins y aller rarement & ce auec ces conditions : 1. Quand il preuoira qu’il y aura du fruict à faire en ces rencontres pour les parens & leurs enfans, il ne se c’est pourquoy doit iamais trouuer aux grandes assemblées de banquets, de nopces &c. 2. à la charge que l’on ne luy donnera que ordinaire & point de superfluité. 3. qu’il y soit libre de boire & manger tant & si peu, qu’il voudra, taschant que cette visite & entretien seruent pour vne plus grande connoissance des meurs de l’enfant, de sa conduite à la maison & des moyens que ses parens gardent pour le bien esleuer.

Il doit dissuader & retirer en cas de besoin les enfans de la gourmandise. §. 3.


L’Excés du boire & du manger est non seulement dommageable aux maistres, mais encor plus aux enfans, à quoy le Maistre taschera de remedier les considerant durant leur déjeuner & gouter, & leur recommandant de manger seulement pour la necessité : les enfans de Paris mangent ordinairement beaucoup de pain, à quoy il doit prendre garde, parce que cette nourriture leur abestit l’esprit & les rend ineptes bien souuent à l’aage de neuf a dix ans à apprendre : outre que, comme disent les Medecins, Omnis repletio mala ; panis verò pessima. Toute repletion est mauuaise, mais particulierement celle du pain est tres dommageable à l’estomach. Ils sont de plus friands & delicats : c’est pourquoy il doit recommander aux parens de leur donner leur déjeuner pour le manger à l’Escole, & non à la maison, & du pain seul, & en suitte attendre le disner ; puis gouster à l’Escole, & non pas à la maison : en suitte souper modestement & mediocrement.

Il faut les faire ieusner quelquefois par penitence de quelque faute, leur ostant leur déjeuner pour le leur rendre apres l’Escolle. Il leur faut dessendre estroitement de ne rien prendre à la maiſon pour friander, sinon se qui leur fera donné, & leur enjoindre d’y manger modestement, & non point deuorer comme les pourceaux. Il peut & doit leur recommander le sensue, notamment aux veilles des Festes principales de l’année, les ieurs de leur Baptelme & Confirmation, & quelquefois durant le Carelme, à quoy neantmoins il ne les obligera iamais par contrainte, mais il les y inuitera par douceur & persuasion, leur monstrant le merite du sensue par les exemples des plus grands Saints qui ont esté les plus sobres ; comme S. lean Baptiſte S. Nicolas, S. Antoine, & vne infinité d’autres.

De la Chasteté 2. espece de Temperance. §. 4.


LA 2. espèce de Temperance, c’ect la chasteté) qui regarde le toucher : car comme l’homme a vn desir violent de continuer son espece, il faut vne vertu pour le moderer, que l’on nomme la chasteté, & c’est vne Vertu Angelique, qui consiste à se tenir & mortifier tous les sens exterieurs, comme la veuë en la destournant de tous objets dangereux & des personnes de l’autre sexe mesme des peintures, tableaux prophanes, statues nuës, car les yeux font les fenestres de l’ame, par lesquelles la mort fait son entrée.Mors intrat per fenestras. La mort entre par les fenestres : & le bon & le mauuais object qui esmeut la puissance ; obiectum monet potentiam.. le toucher des mains ou du visage des enfans est grandement contraire à cette vertu ; c’est pourquoy vn grand & Saint Personnage de ce siècle le Père de Matincourt, qui a prispeine de faire vn institut de Religieux & de Religieuses pour exercer les fonctions des petites Escoles en l’un & l’autre sexe, estoit si circonspect en cecy, qu’il reprit vn ieur aigrement vn de ses freres, qui touchoit la main d’vn enfant à qui il faisoit dire sa leçon, pour luy monstrer ses lettres. De deffendre roy le meslange des garcons auec les filles, tant aux Maistres qu’aux Maiftreffes, apres tant de dessences de Monſeigneur l’Archeuesque de Paris, de Monsieur le Chantre, Directeur & Collateur des petites Escoles, ce seroit vne chose ridicule & superfluë ; car ie croy, que ceux qui voudront entreprendre de faire cét exercice dans l’esprit de Dieu, n’y penseront pas seulument, & il n’y a que les mercenaires, qui en vlent ainsi ordinairement. Quelques excuses que l’on puisse apporter pour se purger de ces reproches ; le danger en est trop grand & pour les Maistres & les Maipour strefles engagées à monstrer aux enfans, pour les enfans mesmes à cause de la conuersation familiere que peuuent auoir leş Escoliers & les Escolieres messes ensemble en forte qu’à moins que d’estre aueuglé de la passion de gagner, & de la crainte de perdre, celle & telle chalandise, il faut estre stupide ou malicieux pour l’entreprendre, & negliger entieremét son salut : & non seulement le sien ; mais aussi celuy d’vn grand nombre d’enfans, à qui telles conuersations dans les Escoles, font des precipices, plustost que des moyens pour se sauuer. se n’aduance rien sans estre bien informé & par exemple & par experience de ces verités.

Des moyens de conseruer la chasteté du Maistre & des enfans. §. 5.


LE Maitre pour conseruer sa pureté, doit auoir vn grand esgard à ne parler iamais seul à seul, en lieu secret, auec fille ou femme, quoy que sous pretexte de pieté ou necessité : mais s’il est necessaire, que ce soit, 1. Dans vn lieu d’où on le puisse voir.2. Qu’il s’escarte de la personne à qui il parlera de deux ou trois pas, & qu’il ne la regarde iamais en veue, ny permette qu’elle luy touche les mains pour faire quelques gestes, 4. Qu’il parle & s’entretienne le moins de temps que la necessité le pourra permettre auec des femmes ou filles. Si saint Paul a crié misericorde, tout Sainct qu’il estoit, contre les tentations de ce peché : si Loth s’est prophané auec ses propres filles. Si saint Martinian est tombé dans la volonté du peché dans le desert ; il ne faut pas se fier à ses propres forces. En cecy j’entends aussi bien parler aux Ecclesiastiques, qu’aux mariés, qui doiuent viure auec leurs femmes, comme s’ils n’en auoient point, dit saint Paul.

Le Maistre aura vn grand soin, de ne parler iamais des vices contraires à cette Vertu en presence des enfans, si ce n’est en general ; de peur de leur apprendre ce qu’ils ne sçauroient pas encore, il pourra neantmoins & doit leur deffendre exactement, 1. De ne iamais faire leur vrine deuant les autres, de ne coucher iamais auec leur sœur (& é contra, si c’est vne Maistresse) ny mesme auec leur pere & mere si ce n’est en cas de grandissime necessité ; auquel cas il enjoindra aux parens de les coucher aux pieds de leur lict, en telle sorte qu’ils ne puissent iamais apperceuoir, ny se douter de ce qui n’est permis qu’aux mariés : que si les parens ne vouloient oster leurs enfans de coucher auec leurs seruantes, leurs sœurs ou eux mesmes, le Maistre en ce cas apres leur en auoir remonstré l’importance, les renuoyera sans differer.

Il prendra garde à ceux qui mettent leurs mains dans leurs chausses, car il y en a qui commettent quelquefois des impuretés à l’Escole, ou en la compagnie des autres, ce qu’arriuant il doit examiner le fait en particulier & en cas que le coupable l’aduouë, il luy imposera vne penitence secrette, l’enuoyra à confesse, & le recommandera au Confesseur, taschant de voir la source de son peché, pour le retirer des occasions qui l’y ont porté, & le messe en la voye de salut ; l’enuoyant à confesse de temps en temps & ce à vn mesme Confesseur. Mais si le coupable de ce crime ne veut s’amender, il en aduertira les parens, puis le r’enuoyra & le mettra dehors, s’ils n’y donnent bon ordre, de peur qu’il ne gaste les autres. C’est pourquoy mesme ils ne doiuent iamais aller aux lieux deux ensemble. Et on leur doit encharger de ne iamais se descouurir ny se monstrer à nud deuant leurs seruantes ou sœurs, & encor moins de s’amuser à ioüer dans le lict auec leurs freres, ou domestiques, auec qui ils coucheroient. Le peril est encor à craindre quand ils couchent auec des seruiteurs : surquoy il les interrogera adroittement pour y donner ordre.

Il doit leur deffendre de iamais ioüer auec les petites filles, encor que ce fussent leurs sœurs, & le plustost qu’ils pourront s’habiller tous seuls, il leur recommandera de ne point se laisser habiller, attiffer, ajuster par leur seruantes ny leurs sœurs, ny se laisser jamais baiser : toutes ces actions estant tres-dangereuses.

Le Maistre se doit recommander à la saincte Vierge & à S. Ioseph, luy & toute sa petite famille, pour obtenir de Dieu, cette vertu Angelique, disant à la fin de toutes les prieres qui se font en l’Escole Iesus, Maria, Ioseph succurrite nobis, à cette intention.

De la Modestie troisiesme espece. §. 6.


LA troisiesme espece de la Temperance, c’est la Modestie, qui est vne Vertu qui regle nos actions & nos paroles. Elle est tres necessaire à vn Maistre d’Escole, qui doit estre comme l’original & le modele sur lequel se doiuent former tant de petites copies.

Or donc cette Vertu tempere les actions qui regardent la veuë, l’ouyë, & le toucher. C’est pourquoy le Maistre doit estre grandement circonspect à ne point auoir vne veuë esgarée, mais modeste : de ne point roüiller les yeux & faire des gestes de à l’encontre de ses enfans : ne les iamais frapper de son chapeau, ou bonnet, mais seulement auec la verge, la ferule, ou baguette sur les doigts & iamais sur la teste.

Il ne doit point tenir les pieds courbés, ou faire des gestes ridicules ; mais tout son maintien & ses habits doiuent tellement estre reglés, qu’il n’y ait rien qui soit contre la modestie Chrestienne, & encor d’auantage, s’il est Ecclesiastique ; parce que la Modestie doit seruir à cette profession, comme de marque extérieure, pour distinguer ceux quien sont honorés, d’entre les Laïques, qui sont quasi vestus de mesme façon que les Prestres. D’où vient qu’il est mesme indecent à vn Maistre d’Escole en cor qu’il soit Laïque, d’estre ajusté, poudré, gauffré & mesme d’estre habillé, tant en la forme qu’en la matiere, de vestemens qui soient au dessus de sa condition ; mais il est bien plus à propos que ses habits soient mefme plus mediocres que ceux qu’il pourroit porter sans blasme & sans scandale : se souuenant qu’il exerce vne fonction Ecclésiastique, & qu’il se doit comporter modestement en ces choses exterieures pour estre plus libre de reprendre les abus qui se trouuerroient en ses enfans. Il doit de plus estre fort retenu en ses paroles, ne proferant iamais aucune raillerie, iniure ou bouffonnerie deuant ses Escoliers.

Modestie des enfans aux habits. §. 7.


QVant aux enfans, il doit extremément leur recommander cette modestie dans leurs habits, où la vanité regne d’auantage, par où on leur accoustume à renoncer à la promesse & à l’esprit du Baptesme, & s’entretenir dans l’orguëil & la vanité qui sont vices opposés entierement à l’esprit d’vn Chrestien.

C’est pourquoy il blasmera prudemment en general & en particulier tant de galants, de plumes, de frisures & de poudres sur les cheueux, taschant de leur donner du dégoust de ces choses, affin que ses enfans en quittent l’affection : à quoy ils se portent facilement à l’exemple de leurs parens, notamment à Paris & autres Villes tant grandes que petites. Il se pourra seruir de l’exemple de nostre Seigneur à cét effect, de ceux des Saints & Saintes, comme de la Sainte Vierge, Saint Ioseph, Saint Jean Baptiste, les plus grands de Paradis, & de tant de Saincts Religieux qui ont abhorré toutes ces vanités ; estant chose indigne de faire gloire des marques de nostre peché.

Modestie des enfans à l’Escole. §. 8.


IL fera garder la Modestie aux enfans en leur faisant obseruer exactement le silence en l’Escole, notamment durant la leçon : ne permettant iamais qu’ils fassent du bruict, soit parlant haut, en estudiant leur leçon, soit en causant ensemble, ny mesme que d’autres personnes luy parlent en l’Escole, sinon en cas de necessité, ny auec luy mesme, ny auec les Escoliers : de peur que par ce moyen il ne soit destourné de l’attention & obligation qu’il a d’enseigner ses enfans.

Il pourra honnestement s’excuser enuers les personnes qui le viendront voir durant la leçon, les remettant à vn autre temps : ou bien s’il y a peu de choses à dire, il aura soin de se dépecher, & se remettre en suitte à son office : car il est bien difficile aux enfans de faire leur deuoir, quand le Maistre ne fait pas le sien luy mesme. Pour faire garder ce silence & modestie, il employra tous les moyens necessaires & conuenables : d’autant plus que c’est vne des choses des plus importantes, pour le bon gouuernement de l’Escole, pour la conseruation du Maistre, & pour l’auancement de tous ses Escoliers. Et pour y paruenir, il se pourra seruir de deux moyens principaux.

Le premier, ce sera de faire garder vne grande modestie aux Escoliers, depuis qu’ils seront entrés dans l’Escole, mesme en son absence, donnant ordre à ses obseruateurs de marquer exactement ceux qui causeront, badineront & feront des postures extrauagãtes en l’Escole, en quelque temps que ce soit. Il pourra permettre qu’ils puissent parler d’vn ton de voix mediocre, pour faire reciter leurs gens en son absence, ou bien demander l’vn à l’autre pour leurs necessités, sans sortir de leur place, sinon pour faire leur deuoir : mais ne iamais courir, ioüer, ou sauter dans l’Escole, mesme les iours de congé, en sorte que ces fautes soient chastiées exemplairement.

Le second moyen, est de mettre durant la leçon à chaque coin, vn des plus modestes de ses Escoliers, pour obseruer ceux qui causerent, en sorte qu’ils les nomment tout hault : & à mesme temps les faire mettre à genoux au milieu de l’Escole, puis ayant examiné leur faute les chastier ou les r’enuoyer à leur place.

Modestie des enfans en la maison & en la ruë. §. 9.


IL donnera ordre que les escoliers sortent modestement tant pour aller à la rue, qu’à l’Eglise. Cet pourquoy ils se garderont bien de faire aucune chose indecente dans les montées, dans la cour, ou dans la rue : comme de frapper, ou pousser les autres, crier, tempester, courir : mais qu’ils s’en retournent en leurs maisons tout droict, sans s’affecter, ny badiner en chemin, saluants honestement tous les honestes gens, qu’ils r’encontreront de connoissance, faisant voir par cette modestie exterieure, tant dans la rue que dans leurs maisons, le profit qu’ils font en l’Escole.

Pour celle qu’ils doiuent obseruer en l’Eglise, nous en parlerons dans le titre de la Pieté ; suffit de dire icy qu’ils n’y doiuent jamais parler, pour quelque cause que ce fait, mais qu’ils s’y doiuent comporter auec tout le respect & la reuerence deuë à vn lieu si Sainct, comme la Saincte Eglise : dequoy le Maitre leur monstrera vn tres fidel exemple, & à quoy il tiendra la main tres exacte, en chastiant rigoureusement les prophanateurs de la Saincte maison de Dieu.

Voila la Vertu & les pratiques de la Temperance, voyons maintenant la Force.

ARTICLE VI.

DE LA FORCE DV MAISTRE.

La definition. §. I.


LA Force est vne Vertu qui consiste à ne rien craindre que Dieu, & le peché : & supporter courageusement toutes les actuersités & prosperités du monde. Cette Vertu consiste à auoir les passions mortifiées, & à ne rien craindre : de telle façon qu’on ne se fafche de rien, & que l’on ne desire rien qui ne soit honeste, Cette Vertu doit estre bien familiere à vn Maistre d’Escole, qui entreprend auec la grace de Dieu, la conduite si difficile de la ieunesse, où il se rencontre tant de mescontentement, & quafi jamais de satisfaction, ny de la part des parens, ny de celle des enfans.

Or comme cette Vertu a quatre especes, nous les marquerons chacune en particulier, auec leur pratique, & leurs deffauts.

De la Magnanimité, premiere espece de la Vertu & la Force. §. 2.


LA première espèce c’est la Magnanimité, qui de grande consequence auec courage & auec ardeur. S’il y a chose d’importance au regime du Christianisme (comme nous auons monstré en la preface de cét œuure) c’est le bon gouvernement des petites Escoles : il faut vn grand courage pour s’ingerer & faire son dévoir en cette charge, non pas à l’estourdy comme beaucoup font ; mais auec l’intention & les talents necessaires & requis pour s’acquitter dignement d’vn employ si saint & si vtile, & qui est d’ailleurs si difficile, si rauallé, & si mesprisé de la plus grande partie du monde, mais neantmoins fort releué deuant Dieu, & les gens de bien.

De la Confiance, seconde espece. §. 3.


LA seconde espèce de la Force, seruira à fortifier que celuy qui se reconnoistra comme dit nostre Seigneur, vn seruiteur inutile, entreprendra neantmoins pour Dieu cét exercice, non pas en confiant en ses propres forces, & qu’il en viendra bien about tout seul : mais bien, auec l’ayde & assistance de Dieu, qui ne manque jamais à ceux qui estant appellés & inspirés à vn exercice, l’entreprennent premièrement pour lui : Prope est Dominus omnibus inuocantibus illum in ius jitia veritate. Il est proche de tous ceux qui le reclament en instice & en verité. Car c’est beaucoup dans ce siècle d’orgueil, de présomption, & d’hypocrisie où nous sommes, à vn homme de bien & à vn bon Ecclésiastique (qui d’ailleurs peut auoir des employs plus releués) de se présenter à vouloir faire les petites Escoles. C’est pourquoy taschant de s’instruire de la bonne methode pour en venir à bout, il peut sans difficulté l’entreprendre : & auec l’ayde de Dieu sans doute il y reüssira, Deus superbis resistit : humilibus ausem dat gratiam. Dieu resiste aux superbes, il donne grace aux humbles.

De la Patience en general, troisiesme espece. §.4.


LA troisiesme espece de la Force, c’est la Patience qui consiste à souffrir courageusement & volontairement pour Dieu, les affrons, les iniures & les autres difficultés. S’il y a Vertu necessaire à vn Maistre d’Escole, c’est celle-cy : car veritablement il en a besoin à toute heure, & à tout moment tantost tantost du costé des parens ; les vns qui viendront se plaindre de ce que leurs enfans n’apprennent rien (encor que le Maistre fasse tout son possible pour leur monstrer) neantmoins eux qui n’ont que leur passion en teste, & bien souuent aucune raison, picquent vn pauure Maistre (qu’ils dévroient honorer) iusques au vif. Il faut les escouter patiemment, les contenter, leur monstrer le deffaut, qui vient toûjours ou de la lourdise, tardiueté ou de la paresse de l’enfant, & leur promettre encor vn plus grand soin & vigilance : si pourtant telles personnes ne pouuoient se satisfaire apres que l’on aura fait ce qu’on aura peu, il faut leur rendre leur enfant, leur disant qu’il pourra peut estre mieux faire ailleurs, & ce auec tranquilité d’esprit : esleuant son cœur vers le Crucifix à cét effect. Il aura d’autres plus rudes secousses, quand les parens, soubs ombre de quelque chastiment qu’on aura fait à leurs enfans, soit qu’il y paroisse ou non, viendront chanter injures au Maistre, ou bien en diront pire que pendre en derriere ; il faut aualler tout cela doux comme miel, comme cét Agneau de bonté & de douceur, qui se laissa mener par les perfides Iuifs à la boucherie, sans ouurir la bouche : sinon pour prier pour eux : en quoy le Maistre le doit imiter. Toutefois si telles personnes estoient de si mauuaise humeur, & tellement amoureux de leurs enfans, qu’ils fissent deux ou trois fois tels scandales, il leur rendra tout doucement leurs enfans, de peur d’vn plus grand mal, & scãdale qui en pourroit arriuer : joint que les enfans en telles occasions, viennent à mespriser les Maistres & deuiennent pires.

De la Patience à l’endroit des enfans. §. 5.


LA Patience consiste encor, à supporter les deffauts des enfans & ne se mettre jamais en colere contre eux, mais les corriger auec vne grande tranquilité d’esprit, & jamais dans la colere, ny l’impatience, de peur de l’imprudence, comme nous dirons dans l’article de la lustice. Il y a quelquefois des Efcoliers qui ne feruent qu’à exercer la patience du Maistre : leş vns à cause de leur stupidité, & il les faut supporter, quand il n’y a point de malice ; les autres à raiſon de leur paresse & il les faut chattier ; les autres à raiſon de leurs mauuaises habitudes à cajoller, à badiner ; & il les faut gagner auce grande patience : & enfin les faire sortir, s’ils ne s’amendent ; les autres par malice, & il faut trauailler aupres d’eux & les chastier auec prudence & discrétion, se faiſant tour à tous, pour celuy qui s’est liuré pour nous tous. Mais la Patience. est bien nécessaire, principalement pour souffrir les reproches des pauures, qui font telles algarades, car estant d’ailleurs assés faschés & importunés de leur nécessité, croyent que quand le Maistre les fait attendre pour têteuoir leurs enfans ; ce n’est qu’à cause de leur pauureté : si l’on chastie leurs enfans est à cause qu’ils ne font pas Monsieur ou Madame : s’ils les mier déhors, les injures, opprobres, se. proches, se proclament par tout contre le Maistre. Enfin il faut faire estat de n’auoir iamais d’autre satisfaction de telles gens. Et ordinairement ils s’en vont au bout de deux ou trois ans, sans dire adieu, sinon qu’ils battent, ou sont quelques injure aux autres escoliers, en defpit du Maitre. Et pour conclusion bien souuent & quasi toûjours, tous les enfans que l’on retire de l’Escole, c’est sans dire adieu, & bien souuent sans payer ce qu’ils doiuent de reste, sinon à la viue force : & enfin les parens & les enfans se mocquent & mesprisent par tout ; & le Maistre, & l’Escole. Voyla-il pas beau sujet d’exercer cette Sainte Vertu, & cependant ce seront là les satisfactions ordinaires de l’Escole, auec toute la peine du corps & soucy d’esprit, qui est continuel pour la bien faire. Il faut donc faire bonne prouision de cette Vertu pour estre bon Maistre d’Escole.

De la Perseuerance. §. 6.


LA quatriesme partie de la Force, c’est la Perseurance, qui est vne stabilité dans le bien commencé. Cette Vertu est grandement necessaire au Maistre, car ce n’est rien de commencer à trauailler en cét œuure en general, si on vient à se descourager pour les difficultés iournalieres, qui s’y rencontrent, & qu’en suitte on quitte tout là ; ce ne seroit rien faire, mais il faut perseuerer iusques à la fin, pour obtenir la couronne : qui perseuerauerit vsque in finem hic saluus erit, celuy là sera sauué qui perseuerera iusques à la fin, dit Notre Seigneur, de mesme la perseuerance doit estre dans le particulier. Exemple : quand vn Maistre a entrepris d’enseigner vn Escolier, mais il y rencontre tant de peine, d’attention d’esprit, d’opposition, que cela luy fait perdre courage & l’esperance d’en venir à bout : il faut perseuerer, il doit surmonter toutes ces difficultés, & encourager son disciple, qui quelquefois à raison de la rigueur, de la colere, & fantaisies de son Maistre, se décourage & quitte tout . Or c’est là où le Maistre doit monstrer sa Vertu de Force, dans la perseuerance paisible du bon ouurage commencé, tant pour le corps de l’Escole, qu’au regard de quelque escolier qui sera peutestre dur d’esprit pour l’estude, ou bien inueteré dans les mauuaises mœurs, à raison des mauuaises compagnies, ou du peu d’instruction qu’il a eu par le passé. Il faut qu’vn bon Maitre ne se lasse point de l’enseigner, de luy parler, de l’instruire : iusques à tant qu’il l’aye mis dans le bon chemin de la Vertu ; ou bien dans la voyes d’apprendre quelque chose : & Dieu le recompensera de ses trauaux. Voylà ce que i’auois à dire de la Vertu de Force & de les parties : voyons à présent la Vertu de Instice.


ARTICLE VI.
De la Ivstice dv Maistre.


LA Iustice c’est rendre à vn chacun ce qui luy appartient. Il y en a de deux sortes : vne qui s’appelle distributiue, par laquelle on recompense chacun selon ses merites. Et l’autre que l’on nomme commutatiue, par laquelle on rend tant pour tant. Vous auez emprunté vn sol, il faut rendre vn sol. Quant à la Iustice distributiue, elle a six parties ; la Religion, la Pieté, la Grace, la Vengeance, l’Obseruance & la Verité.

De la Religion. §. 1.


LA Religion est vne Vertu qui nous commande de rendre à Dieu le culte que nous luy deuons : le Maistre d’Escole doit auoir cette Vertu en grande recommandation ; puisque non seulement il y doit exceller en tant que Chrestien, mais l’auoir si familiere, qu’il la puisse enseigner à ses enfans, & par ses exemples & par ses paroles. Les pratiques de ce culte sont, 1. interieures, comme l’Oraison mentale, l’adoration de cœur, les aspirations, & les offrandes qu’il doit rendre à Dieu auec ferueur ; car il doit estre vn homme d’Oraison, ayant besoin de tant de graces & de perfections, pour bien instruire ses disciples. Elles sont aussi exterieures, comme les genuflexions, les prieres du soir & du matin, l’assistance à la Sainte Messe, soit qu’il l’entende, ou qu’il y serue, ou qu’il la celebre (s’il est Prestre) assissant au seruice diuin les Festes & Dimanches ; recitant ses heures & prieres auec vne grande attention d’esprit & modestie exterieure.
2. Il doit enseigner à ses enfans à bien pratiquer cette Vertu à l’esgard de Dieu, leur recommandant de faire leurs prieres du soir, du matin, & de l’Eglise : d’assister à tout le seruice diuin, auec vn grand respect : leur enseignant que Dieu s’est reserué les iours des Festes & Dimanches, affin que nous le reconnoissions au moins en ces iours, en nous abstenant de toutes œuures seruiles & manuelles : & les employant en des actions Sainctes & de pieté Chrestienne. De plus il leur monstrera à bien seruir à la Sainte Messe ; leur disant, combien il sont indignes de faire cét office, qui appartient aux Anges & aux Clercs, & que ce n’est que par necessité qu’ils y peuuent seruir : & par consequent combien ils doiuent garder le respect & la modestie, bien faire les genuflections, adorations, inclinations & autres reuerences, se gardant bien de regarder d’vn autre costé : les aduetrissant que ceux qui seront trouués en telles fautes, ils seront chastiés de Dieu en l’autre vie tres-rigoureusement, & en l’Escole selon la grieueté de leur faute.

Des pechés contre la Religion. §. 2.


IL doit encor euiter toute forte de superstition, n’adjoustant foy ny aux songes, ny aux prestiges, qui n’ont aucun rapport auec la cause à qui on les rapporte ; & mesme il doit beaucoup des-abuser les enfans & leurs parens, melme dans les occasions de telles réueries ; leur monstrant que c’est vn tres grand peché, & que mefme il y a de certaines. maladies ou actuentures, qui arrment par forcelerie, ou magie, ou par quelque pact du diable fait il y a long-temps, ou bien c’est pour mesprifer les Saints ; comme quand ils tournent trois tours au tour du feu de saint lean par superétation, s’il croyent qu’il ne faut point fonner à midy la Veille du mefme S. de peur (difent ces pauures abufés) que les sorciers ne cueillent leurs sortireges durant ce temps, s’ils disent les tisons tirés du feu de saint Jean, conque feruent du tonnerre en les y remettant quand il tonne, & quantité d’autres pareilles sociétés inuentées par le demon. pour rernir l’honneur deu à Dieu, & à ses Saints : à quoy il doit prendre ſoigneuſement garde, pour bien obseruer cette Vertu de Religion.

De la Pieté. §. 3.


LA 2. partie de la lustice, c’eſt la Pieré, qui est amis l’amour, la renocence, & la bien-veillance que nous leur deuons. Cette vertu doit estre bien auant dans le cœur du Maistre, & il la doit pratiquer diligemment à l’endroit de ses supérieurs, tant Ecclésiastiques (comme à Noffeigneurs les Euelques) à Messieurs les Curés & Prestres. Commeauffi aux Laïques, à fçauoir, au Roy, en parlant auec respect de sa personne, aux luges Politiques, Magistrats, Gouuerneurs des Prouinces & des Villes ; & notamment à ses père & mère.

Il la doit extremément recommander aux enfans, s’enquerant de temps en del honneur, amour temps, & obeissance qu’ils portent à leurs Pere & Mere, Oncles & Tantes, Tuteurs & Tutriçes ; Pareins & Mareines, ne leur souffrant iamais les del-obeïflances & murmures, comme de parler à eux sans les saluer, mais auec respect : c’est ce que le saint Concile de Trente recommande aux Maistres d’enseigner aux enfans entre autres choses, dans leurs Catechismes, c’est pourquoy le Maistre chaftiera exemplairement ceux qui seront accusés & conuaincus de telles fautes ; & mefme les enuoyra auec vn de ses plus fideles, demander pardon à genoux à la personne offencée, si c’est vn de se parens : comme aussi il doit les porter à reuerer, obeïr & honorer les Ecclésiastiques, leurs Confesseurs : & Messieurs les Curés, specialement de prier Dieu pour eux, en reconnoissance de la peine qu’ils ont pour leur salut. Il ne doit encor iamais permettre qu’ils parlent qu’auec respect de leurs anciens Maiſtres d’ifcole, les chaftier s’ils font autrement, comme d’vn vice d’ingratitude, mefme les enuoyer demander pardon, s’ils leurs auoient dit ou fait quelque injure. Il ne doit iamais souffrir qu’ils parlent mal, ou racontent ce qu’ils auront entendu dire, contre le Roy, la Reine, les Princes & autres Potentats de l’Eſtat : mais il les reprendra aigrement, mefme les chaftiera si la faute a cfté dicte malicieusemét & auec mespris, leur remonstrant, combien il faut honorer ceux que Dieu a ordonnés pour nous conduire, encor mefme qu’ils fussent meschans, & qu’ils abufassent de la puissance que Dieu leurs a donnée sur nous, & qu’il ne faut pas croire tout cela, mais qu’il faut prier Dieu pour eux, qu’il luy plaise leur donner vn bon Conseil. Voyla en gros ce que contient la Pieté.

De la grace & reconnoissance. §. 4.


LA 3. partie de la Iustice, c’est la grace & reconoissance des bien-faits receus. C’est à quoy le Maistre doit auoir grandement esgard, semerciant pour cét effect ceux qui luy feront du bien, tant spirituel que corporel, ce qui doit paroistre quand les Escholiers luy apporteront quelque petit présent ; se contentant autant du petit comme du grand, prenant d’aussi bon cœur le petit que le pauure luy donne, comme le grand que riche luy offre.

Il doit pareillement enseigner à ses enfans de se.. connoistre ceux qui leur donnent, & de ne iamais prendre rien de la main de leurs parens ou d’autres personnes, sinon en bassant la main, & faiſant la renocence, ce qu’il leur doit faire pratiquer en son endroit, quand il leur donne quelque présent ou qu’ils reçoiuent quelque chose de la main pour le porter ou donner à d’autre ; leur disant que la grace est vne Vertu de bien— séance & mefme d’obligation Chreſtienne, notamment aux enfans qui n’ont rien à eux, & qui reçoiuent tout ce qu’ils ont besoin.

De la vindication. §. 5.


LA 4. partie de la Iustice, c’est la vindication, par les moyens moderés d’vne peine, proportionnée à la faute com. mise. En ce point le Maitre doit estre exact à chastier prudemment en temps & lieu, les fautes de ses Efcoliers, & moderé aux chastiemens & corre- Aions qu’il leur fera. Il ne les frappera iamais par la teste ny auec les verges, ny auec les mains, mosme ne leur tirera les oreilles ou le nés, ou les iouës, pour éuiter de grands inconueniens qui en peuuent arriuer. Il ne se laissera aussi emporter pour quoy que ce soit à la colere, de peur que cela puisse causer de l’excés au chastiment, & ne se seruira iamais contre eux de paroles aspres, en les tutoyant ou frappant & injuriant les enfans sans raison & sans consideration.

Maniere de corriger les enfans. §. 6.


LOrs que pour quelque faute il chastiera vn enfant dans l’Escole publiquement, & exemplairement, il declarera auec la prudence & circonspection conuenable, la cause de ce chastiment : afin que d’vne part tous les autres voyent la justice & correction, que l’on exige pour la faute de leur compagnon, & d’autre part que cela leur donne vne crainte de tomber dans la mesme faute, de peur de subir semblables peines ; se gardant bien toutefois de reueler aucunement les larcins, impuretés & autres pechés qui scandalisent l’enfant : sinon que telles fautes fussent dé-jà cogneuës.

Chastiment des nouueaux. §. 7.


LEs nouueaux seront plus doucement chastiés au commencement, afin de reconnoistre plus facilement leur naturel : principalement s’ils sont durs ou tendres au chastiment ; afin que s’il s’apperçoit qu’ils soient durs au foüet, il les punisse vne autre fois d’vne autre peine, qui les puisse détourner du vice & porter à la Vertu, & à la diligence. Ceux au contraire, qu’il connoistra tendres à la correction, il pourra vser des punitions suiuantes au lieu du foüet ; comme 1. leur faire quelque confusion ou vergogne en particulier ou en en public. 2. leur faire perdre leur place. 5. les faire mettre à genoux & les y faire tenir vn temps notable, au milieu de l’Escole, ou debout sur vn banc, teste descouuerte. 4. les faire conduire en la place de l’asne. 5. leur faire attacher l’asne au col, & autres instrumens d’asnerie, les faisant mocquer par les autres &c. Pour ceux qui sont si durs & d’vn si mauuais naturel, que ne se souciant point des verges, ils ne pleurent point du tout, ou plustost il ne paroist aucune larme sortir de leurs yeux, ny durant, ny apres, ny deuant le chastiment : il faut les chastier vn peu plus fort auec des verges neuues & vertes, mais toutefois sans extremité, crainte qu’ils ne s’endurcissent aux coups, & ne deuiennent enfin incorrigibles, & mesme il faudroit rechercher tels enfans tantost par amour, tantost par crainte, les emprisonnant, les faire iensner pour les esmouuoir au bien, plustost que de les rudoyer dauantage. Et en cas que tout cela ne seruist de rien, apres les auoir recommandés à Dieu instamment, leur auoir parlé en particulier pour voir s’il n’y a point quelque peché caché, qui les retient dans ce mauuais chemin (auquel cas il les doit faire confesser) & enfin tout cela n’operant pas, il en doit aduertir les parens d’y donner ordre, & enfin leur rendre, en cas qu’ils ny apportassent les remedes necessaires.

La maniere à garder pour la correction en detail. §. 8.


LE Maistre pour chastier les enfans soit du foüet ou d’autre façon, il doit 1. examiner le fait dont ils sont accusés & ne croire iamais de leger, mesme aux parens des enfans, qui bien souuent animés de passion plustost que de iustice, sont des plaintes de leurs enfans au Maistre, ausquels il doit respondre en ce cas, que l’on en fera iustice, puis examiner le fait diligemment, & rendre la iustice, ou en punissant, ou en pardonnant : leur donnant neantmoins toûjours à entendre, qu’ils ont le tort & non iamais leurs parens, de peur qu’ils ne conçoivent, vne haine contre leurs parens & contre leur Maistre, pour ces fausses accusations.
2. Il faut leur faire reconnoisse & auoüer leur faute, & mesme (s’il y auoit moyen) leur faire auoüer qu’ils meritent correction, car le plus grand mal qui puisse arriuer à vn Escolier, & au Maistre, c’est de chastier vn enfant sans raison, ce qu’ils retiennent toute leur vie & n’en font aucun profit.
3. Il les faut empescher de crier durant, ou auant, ou apres le chastiment, les faire détacher, ou trousser & tenir eux mesmes, & s’ils crient, ou diffèrent à se détacher, ou trousser : il les faut chastier dauantage, & alors ils en seront plus souples. Que si quelqu’vn refusoit au Maitre quand il le veut corriger & qu’il demeurast obstiné ; il luy faut laisser refroidir le feu de sa colere, ne faisant pas semblant de rien : puis vne heure ou vne leçon apres, on luy doit faire entendre sa faute, & le chastier exemplairement devant tous les autres, & puis luy faire demander pardon à genoux à Dieu, au Maistre, & à tous les Escoliers qu’il a scandalizés, & en suitte, pour toutes les fautes quoy que petites qu’il fera, il le faut faire détacher & humilier, pour abaisser ce courage durant 15. iours : auquel cas il ne faut pas les faire tenir par aucun des Escoliers, de peur de querelle. Que si ceux là ou autres en les foüettant au apres le foüet, accusoient quelqu’vn de quelque faute, il faut chastier cét accusateur encor, & luy montrer combien cela est méchant, d’enuier son compagnon, & pardonner à l’accusé iusques à vn autrefois, si la faute n’est pas de consequence.

De la correction de enfans gastés. §. 9.


IL y a de certains enfans, qui ont esté nouris en leur maison dans toutes sortes de douceurs, de caresses ; comme les garçons vniques : pour ceux là il les faut mortifier tout doucement ; notamment quand ils sont d’vne humeur superbe & accariastre ; & se seruir de ce moyen pour les foüetter ; c’est de les reseruer à les chastier auec plusieurs autres, par ce que la consolation des affligés, est d’auoir de semblables, cela les resoud à la correction plustost que si on les chastioit seuls, à raison que la honte & la confusion en seroit plus grande & leur est plus sensible à cause de leur superbe.

Obseruations sur les rapports. §. 10.


Il faut principalement obseruer de ne chastier iamais vn enfant sur des simples conjectures, ou sur le tesmoignage d’vn seul, mesme des-interessé : mais le Maistre doit bien s’informer de ceux qui les accuseront, si ce n’est qu’eux mesme confessent leur faute ; & alors il leur faut vn peu relascher de ce qu’ils meritent, leur faisant entendre que c’est à cause qu’il eut dit la verité, & mesme en les faisant preparer à la correction, il faut bien mediter & ruminer la faute, & les chastier toujours moins qu’ils n’ont merité. On doit aussi leur assembler les fautes passées, & les punir tout ensemble, leur en faisant resouuenir & auoüer. Or pour ceux qui se vont plaindre à la maison ou les conteurs de nouuelle d’Escole, il les faut encor chastier sans remission.

Remede pour les obstinés. §. 11.


IL y en a quelques vns qui ont des testes obstinées, & sont si glorieux qu’ils murmerent apres le chastiment : il faut pour y remedier, au bout de quelque temps apres la correction, les obliger à quelque chose, à quoy on connoistra qu’ils ont de l’affection, sans qu’il leur semble qu’on les recherche : comme les enuoyant seruir à la Messe, leur donnant vne place, qu’il semble qu’ils auront gaignée, & puis quand on verra leur visage vn petit accoisé ; il faudra leur faire entendre leur faute & promettre que s’ils font bien doresnauant, de ne les plus chastier & leur monstrer que ce sont eux qui en sont la cause.

Des sortes de corrections d’Escole. §. 12.


LA diuersité des chastimens ordinaires sont 1. De donner de la baguette sur les doigts pour faire estudier sur le champ.
2. Sont les verges sur les mains.
3. Sur le derriere tantost plus, tantost moins selon la grieueté de la faute.
4. C’est la prison dans laquelle on les enferme l’espace de 2.3.4.5. ou six heures : & cette punition est pour les endurcis, ou bien pour des fautes grieues, comme larcin, impuretés, des-obeïssance notable aux parens.
5. C’est la place de l’asne, les reuestir des habits de l’asne qui sont : vn vieux haillon, vn balay en main, vn vieux carton fait en forme de teste d’asne à la teste, & vn placar d’vn asne attaché au dos, auec la risée des Escoliers qui crieront à l’asne, & mesme les mener à l’entrée de l’Escole : cette punition s’applique aux paresseux, qui ne veulent rien apprendre & qui souuent ne sçauent point leurs leçons. Les cajolleurs de l’Escole on les faira mettre à genoux, ceux de l’Eglise doiuent estre foüettés sans remission, & demander pardon à Dieu à genoux & les menteurs aussi. Les des-obeissans sont punis de la mesme façon, ceux qui manquent au seruice souuent, ceux qui font l’Escole buissonniere, il faut les chastier exemplairement, & les emprisonner à la 2. ou 3. fois, puis en aduertir à la 4. fois leurs parens, & s’ils n’y donnent ordre, ou qu’ils y retournent, frequemment on les met dehors.

De l’obseruance du Maistre. § 13.


LA 5. partie de la Iustice distributiue, c’est l’obseruance, par laquelle on reconnoist ceux qui le meritent, à raison de leur qualité, ou de leur Vertu : c’est qu’il faut auoir esgard à certains enfans en l’Escole, à raison de la pieté, sincerité & vertu de leurs parens, joint à la qualité qu’ils possedent : estant bien raisonnable d’employer plus de peine & de trauail à l’endroit de ceux, qui doiuent auoir le maniement des charges de la republique, ou d’vne nombreuse famille, pour les stiller d’autant plus à la Vertu & Pieté Chrestienne. Il doit aussi pareillement traitter les parens, auec le respect & honneur que la Ciuilité Chrestienne oblige parmy les hommes, à vser à l’endroit de personnes de consideration ; non à cause de leur personne, mais à cause de la charge & vertu, en laquelle ils pourroient exceller pardessus les autres de la Ville ou du Village, où ils sont.

Pratique de cette Vertu à l’endroit des Escoliers. §. 14.


LA Vertu d’Obseruance, doit aussi inciter le Maistre à recompenser les enfans selon leur merite, & pour cét effect il pourra se seruir des moyens suiuants pour les encourager à mieux faire à l’aduenir, & inciter les paresseux à les imiter. 1. Il faut distribuer & placer les Escoliers chacun selon son merite & science, ce qui se fait à leur entrée, & se renouvelle tous les quinze ieurs, par les exemples ou themes, & mefme encor plus souuent par les disputes iournalieres, pour gaigner les places des vns des autres : en quoy il doit bien prendre garde de donner à vn chacun la place qui luy appartient, se gardant bien de fauoriser personne à cause de sa condition, de ses biens ou de sa parenté. Il pourra pourtant, cæteris paribus, preferer quelquefois & fous main quelques enfans paresseux. Pour les encourager à bien faire.
2. Il faut louer les diligens publiquement, pourueu que cela ne puisse pas enfler de Vanité, celuy que l’on veut encourager à la Vertu, ce qui dépend de l’industrie du Maitre.
3. Il doit leur donner quelques recompenses honoraires ; comme images, grandes, petites, mediocres, enluminées, ensoliuées de papier marbré, chacun selon son merite : lesdites images pourront estre signées de luy, pour leur fauuer le foüet, vne, deux ou trois fois : excepté pourtant pour les fautes d’Eglise, des-obeissance à la maison, larçin, impure tés qui font des cas irremisibles. Et d’autant que les choses qui ne sont estimées qu’à proportion de ce qu’on les fait valoir ; le Maitre les doit donner auec appareil : releuant sa marchandise, si c’est des Agnus, des Chapelets, liurets, selon son petit pouuoir, imitant en cela vn petit mercier, qui releue beaucoup sa marchandise, qui de soy n’est pas grand chose.

Defence à aucun Ecclesiastique de rien donner aux enfans. §. 15.


Et afin que personne ne puisse faire tort à cette industrie du Maistre, à distribuer ces petits prix, il ne doit estre permis à aucun Prestre ou Ecclesiastique de la Paroisse, de donner rien aux Escoliers de ces choses, comme quelque image, medailles, agnus, chappelets : mais si quelqu’vn desire faire cette largesse, il la donnera au Maistre d’Escole, qui seul peut distribuer, comme celuy qui connoist le merite d’vn chacun, pour le donner aux diligens auec honneur & en priuer honteusement les indignes.

De la verité à l’esgard du Maistre. §. 16.


LA verité derniere partie de la Iustice, qui est vne vertu, comme dit saint Augustin, par laquelle on monstre ou manifeste se qui est, ou on dit les choses comme elles sont. Cette vertu doit estre grandement recommandable à vn Maistre, dont les paroles doiuent estre la verité mesme. C’est pourquoy il ne doit iamais rien auancer à la volée, mais seulement ce dequoy il soit bien asseuré, principalement en la Doctrine Chrestienne, & pour les histoires ; par ce que il se met en hazard de perdre son credit enuers les parens, & les enfans qui reconnoistroient cela ; aussi il ne doit iamais rien promettre à personne qu’il ne tienne, principalement si c’est quelque chose fauorable, & s’il promet quelque correction auec aduertance, & sans restriction à vn Escolier pour faute qu’il auroit faite, il doit l’executer sans remission : afin que ses parolles soient de plus grand poids & ses menaces plus apprehendées par les siens : car s’il promet legerement & qu’il ne tienne pas quelque punition, pour quelque chose qu’il auroit dessendue, & qu’il n’exécute pas : tout ce qu’il dira fera mesprise en apres, comme les enfans ordinairement font leurs parens, qui ont bien souuent plus de passion, que de raison.

Leçon du Maistre aux enfans de dire toujours la Verité. § 17.


QVant à ses enfans, il doit extrémement leur recommander de dire toûjours la Verité, & de ne mentir iamais pour quoy que ce ſoit, exigeant toûjours dans les causes douteuses (quand ils sont acculés) la verité de leur bouche, & quand ils la disent librement (pourueu que la faute ne soit grieue ou malicieuse) il leur pardonnera, ou il leur remettra vne partie de la peine, ce qu’il fera valoir afin les que autres y prennent exemple. Au contraire, il doit punir les menteurs au double, & pour la faute commise (quand ils en seront deuëment conuaincus, & pour la menterie : & tous ceux qui se. tout quelque mensonge, feront punis (quelque leger qu’il puisse estre) du fouet, & en fuitte on leur faita demander pardon à Dieu à genoux & basser la terre. Comme il a esté dit cy dessus. Il doit leur remonstrer souuent l’horreur de ce vice, disant par exemple, que les menteurs font les en sans du diable, qu’il y a eu des Saints qui ont aymé mieux mourir cruellement, que de mentir legerement, ou mefme permettre que l’on commist vn petit mensonge pour les cacher ; comme il se r’apporte d’vn bon Euesque, qui estant cherché par des satellites, qui estoient enuoyés pour le prendre & l’amener pour estre fait mourir auec de grand tourmens pour la Foy de Nostre Seigneur, lesquels ayant receu & traité, & s’estant donné à connoistre à eux il ne voulut pas qu’ils mentissent, disant qu’ils ne sauroient pas trouué ; mais alla souffrir le Martyre courageusement. Il faut enfin estre fort exact à déraciner ce vice de mensonge, auquel sont fort enclins les enfans. Voyla les six parties de la Iustice distributiue.

De la Iustice commutatiue. §. 18.


QVant à la Iustice commutatiue, qui est de rendre à vn chacun ce qui luy appartient, tant pourtant : Le Maistre pour la bien pratiquer doit, t. be iamais rien demander aux Elcoliers, que la peti te retribution-laquelle on aura couftume de donner, selon la science, les personnes & les lieux, à qui il aura affaire, Il ne doit iamais permettre qu’ils ap portent rien à l’Efcole, de chez eux ; ny qu’ils changent leur pain, leur liures, leurs escritoires, images &c. car il leur doit remonstrer qu’ils n’ont rien à eux, que ce qu’on leur donne, & qu’ils n’en peuuent point disposer : c’est pourquoy, quand il apperceura tels petits marchands, il faut les fouetter auec l’achepteur, l’un pour auoir têteu & recelé, & le vendeur pour auoir donné ; leur dessendant cela tresexpressement. Comme aussi il se doit iamais permettre que les Decurions & Obseruateurs, demandent ou reçoiuent iamais rien, pour ne pas marquer ou rapporter les particuliers ; & en ce cas il déposera les Decurions &c. de leurs charges & les foüettera auec celuy qui aura baillé. Et il doit actuertir les Decurions Obseruateurs, ou Intendans, que si quelqu’vn luy offre quelque choſe pour le corrompre, il luy apporte, & alors ce corrupteur fera chatie apres auoir esté enquis où il a pris ce qu’il vouloit donner. Il aduertira aussi les enfans de luy rapporter fidellement, ceux des Obseruateurs, Decurions, ou Intendans, qui leur auront demande quelque chose, qui seront chastiés exemplairement, estans conuaincus, & déposés comme il a esté dit, & seront obligés de rendre ce qu’ils auroient receu, & les donneurs de le reporter où ils l’auront dérobé.

De la punition des larrons. §. 19.

Our ce qui est des larrons, qui feront apperceus seront chastiés & chasses, comme indignes de l’Escole, notamment si la faute est connue publiquement, par ce que ses cela, on les soupçonneroit toûjours d’auoir pris tout ce qui auroit esté perdu. S’ils ont fait ce larçin en leur maiſon, ils seront examinés en particulier sur le fait & presses de nommer leurs complices, puis chastiés en public, sans dire la cause, si elle n’effort connuë, puis mis en prison, & durant vn iour ne manger qu’à midy leur déjeuner, qui fera reserué à cet effect, & ce sous le bon plaisir des parens, auec lesquels le Maistre conuiendra prudemment de cette punition. Que s’il y auroit quelque complice qui eust dé-ja fait cela, ou qui eust poussé cét Escolier à dérober pour fiiponer, il fera chastié & chasse de l’Escole, de peur qu’il n’en gaste d’autres. Voyla ce qui regarde la Iustice commutatiue, & enfin ce qui est des Vertus Cardinales, que le Maiſtre doit auoir & pratiquer auec l’ayde de la grace de Dieu. Mais auant que de finir ce Chapitre des Vertus du Maistre, se dit ay encor vn mot du fondement de toutes les Vertus, qui est l’Humilité.


ARTICLE VIII.

DE L’HVMILITE DV MAISTRE.


CEtte vertu auec la douceur, que Nostre Seigneur a laissée pour Testament à les Apostres, est comme vn racouroy de toutes ses merueilles, qui feruira pour mettre de sceau à ce petit traité des Vertus du Maistre d’Eſcole, qui consiste à ne s’estimer rien & vouloir estre pensé & reputé tel des autres, par vne connoissance de la propre foiblesse, comme dit saint Bernard. Les pratiques de cette Vertu Chrestienne, inconnuë aux Payens, fera de ne s’estimer pas plus que les enfans ; mais en leur feruant de Maistre, les croire en son cœur beaucoup meilleurs & plus releués deuant Dieu que luy, & se tenir au milieu deux comme Nostre Seigneur auec ses Apostres, sicut qui ministrat, non pas se faire seruir à baguette, par superbe ; mais s’il a besoin d’eux hors leur deuoir de l’Escole, il les doit prier. Il se doit bien garder de ne iamais mespriser les autres Maistres d’Escole, ny souffrir le faire à ses enfans, estimant en son cœur qu’vn chacun fait le mieux qu’il peur, & il ne doit iamais oüir ses loüanges de personne, réjettant toûjours le bien qu’il pourroit auoir operé à l’endroit des enfans, ou bien sur la Misericorde de Dieu, ou sur le bon ordre de Messieurs les Superieurs, soit Curés ou autres, dont il n’est que le chetif instrument, ou sur la diligence des enfans en son absence. Enfin il doit penser qu’apres qu’il aura fait tout son pouuoir, il obmet encorbeaucoup de choses, & quand il auroit tout fait il n’est qu’vn feruiteur inutile, que la grace de Dieu a mis en ouurage, pour operer dans les enfans, ce peu de bien qui s’y rencontre, quia omnis qui se humiliat exaltabitur, & qui se exaltat humiliabitur. Car tout homme, dit Nostre Seigneur, qui s’humilie sera exalté, & celuy qui se releue sera humilié.