L’Escole Paroissiale
Et les Instructions familieres en forme de Catechisme pour toutes les Solemnités de l’année
L’ESCOLE
PAROISSIALE,
ov
LA MANIERE DE BIEN
INSTRVIRE LES ENFANS
DANS LES PETITES ESCOLES.
Par un Prestre d’une Paroisse de Paris.
A PARIS.
Chez Pierre Targa. Imprimeur de
l’Archeuesché de Paris, & Libraire
Iuré de l’Vniuersité, ruë S. Victor
au Soleil d’Or.
M. DC. LIV.
AVEC PRIVILEGE DV ROY TABLE DES CHAPITRES
ET
DES MATIERES
contenus en ce Volume.
On cher Lecteur.
Vn des plus grands besoins que l’homme aye en sa vie, c’est d’estre formé de bonne heure à la vertu ; dautant que les premieres impressions qu’il reçoit en sa ieunesse, retiennent vne telle fermeté, que tous les emplois de la vie, quoy que difficiles, n’en peuvent tellement effacer les marques, qu’il n’en reste quelqu’vne, mesme dans l’aage le plus auancé. La nature nous enseigne cette leçon dans l’education, mesme des animaux, priués de raison, chacun dans son espece, ausquels elle donne vn instinct tout particulier d’engendrer & nourrir leurs semblables auec vn soin tout extraordinaire, iusques à ce qu’ils soient capables de la fin pour laquelle ils sont créés. Les Payens par la seule lumiere de la raison nous ont monstré cette necessité, notamment en la personne des Lacedemoniens, donc les enfans estoient dressés dés le berceau, à supporter les fatigues d’vn grand trauail, au mespris des richesses & à l’obseruation exacte des loix ciuiles. Aussi cette Republique a esté par ce moyen la plus florissante de toute la Grece, & a serui de prototype & de Maistresse aux plus experimentés des siecles suiuants. Mais laissant là ces exemples prophanes, la sagesse increée nous a enseigné de la part de son Pere eternel, que son Royaume estoit pour les enfans, talium est enim regnũ cœlorum ; aussi leur a-t-il témoigné tant d’amour durant sa vie, qu’il se diuertissoit volontiers de ses plus Saints employs, pour receuoir comme vn amoureux pasteur, ces petits agneaux ; il benissoit les enfans, il les embrassoit auec tant de tendresse, qu’il a mesme prononcé, que si nous ne deuenions petits comme ces enfans, nous n’entrerions iamais dans le Royaume des Cieux. Apres les tesmoignages de l’Espoux Sacré, suiuront les Saintes practiques de sa chaste Espouse l’Eglise, qui non contente de faire renaistre les enfans dans les Saints fonts du Baptesme, craignant trop l’abandon ordinaire qu’en font leurs parens, elle leur pouruoit de parein & mareine pour les instruire des Mysteres de la Foy, esperer en Dieu, & l’aymer en faisant ses Conmandements auec le bon vsage des Sacrements, & sur tout pour leur donner la pratique des vertus morales & Chrestiennes, en satisfaisant aux renonciations qu’ils ont fait au Baptesme, au Diable, à ses pompes & à ses œuures ; & neantmoins tous ces moyens demeurent quasi inutiles, puisque la pluspart des peres & meres les esleuent comme des bestes, se contentant de leur donner la nourriture & le vestement du corps seulement ; & bien souuent leur monstrant de tres mauuais exemples, sans aucune instruction, ny correction raisonnable. Les autres leur procurent quelque connoissance des lettres humaines, quelques vns, des enseignemens exterieurs de religion, comme se Confesser, Communier, aller à la Messe &c. mais de leur donner des Instructions des maximes Chrestiennes, il y en a peu, puisque ils ne les ont pas eux mesmes : veu que bien souuent s’estant iettés dans l’estat du Mariage, sans eslection ny preparation à vne condition si difficile, ils se sont rendus indignes de receuoir les graces necessaires pour viure sainctement dans cette vocation, & esleuer des enfans selon cet Esprit du Christianisme : & qui pis est, au lieu de pouruoir à leurs enfans, de vrais pareins & mareines, pour suppleer à leur defaut, n’ont point d’autre pretention en ce choix, que de faire des amis, en choisissant des grands qui ne les regarderont iamais, bien loing de veiller sur eux & les instruire par eux, ou par autres, & bien souuent ils prient des personnes qui ignorent mesme Les principes de la Doctrine Chrestienne. Il ne reste donc plus qu’vne voye, pour l’education spirituelle des enfans, à sçauoir celle des petites Escoles, desquelles le grand Gerson Chancelier de Paris auoit vn si grand soin en son temps, qu’il prenoit la peine luy mesme d’instruire les enfans, des choses necessaires à leur salut. C’est le dessein du present traitté, dans lequel vous verrés vne methode asses facile pour instruire Chrestiennement la ieunesse. Il est diuisé en trois Parties, en la premere vous y verrés les qualités d’vn bon Maistre d’Escole, les circonstances des lieux & ameublements necessaires, & les conditions des enfans qu’on doit receuoir. La seconde contient les enseignements de la Pieté ; en Theorie, dans les Catechismes de diuerses especes, & en Practique par l’assistance aux offices diuins, Processions & aux Prieres de l’Escole. La derniere contient la methode de la science, à sçauoir pour enseigner à lire, escrire, compter, getter, & les principes du Latin & du Grec, qui se concluera par deux Chapitres de la Pratique & iournal de l’Escole, Ce traitté pourra seruir aux Maistres des garçons & aux Maistresses des filles. Au reste, ie coniure tous ceux qui liront cette Preface, de considerer attentiuement l’estat present de la mauuaise education des enfans, qui est la cause de la corruption presque generale qui se voit en vous les estats ; or pour remedier à vn si grand mal, chacun auouëra qu’il n’y a point d’autre moyen que de dresser des petites Escoles, où les enfans soient esleués Chrestiennement. C’est pourquoy il seroit à souhaitter que tous Messieurs les Prelats, Chantres, Escolatres, Curés, Magistrats eussent le soin de pouruoir de bons Maistres & Maistresses d’Escole dans les lieux de leur dependance, lesquels estant bien choisis, obseruassent exactement les reiglements qui leur seroient donnés, sur lesquels Messieurs les Curés & Vicaires dans les Bourgs & Villages veillassent soigneusement : les visitant à cét effet au moins vne fois la semaine : & quant aux grandes Villes, il y faudroit establir autant d’Escoles de l’vn & l’autre sexe, en y mettant vn Maistre ou Maistresse auec chacun son ayde ; comme il en seroit besoin en chacune Paroisse, sans que les enfans d’vne Paroisse fussent obligés d’aller à l’Escole d’vne autre, composant vne Escole de cent ou six vingt enfans, s’il s’en rencontre suffisamment pour remplir ce nombre, pour y employer vn Maistre ou Maistresse auec chacun leur ayde, ou bien cinquante ou soixante, pour chacun Maistre ou Maistresse sans ayde, quand le nombre ne sera suffisant. Car il est plus à propos de faire vne Escole nombreuse auec deux Maistres, que de les multiplier, ce qui ne cause souuent que de la jalousie parmy les Maistres & Escoliers : outre qu’il est bien plus facile de trouuer vn Maistre & vn Coadjuteur, qui se forme auec le principal Maistre pour succeder, que de trouuer plusieurs Maistres formés, qui tiennent les Escoles en chef. Or afin de garder l’ordre, il seroit à propos qu’il y eut vn prefect principal, destiné de Monsieur l’Euesque (comme à Paris Monsieur le Chantre, & ailleurs en beaucoup de Cathedrales & Collegiales l’Escolastre) qui visitassent au moins tous les mois, assistés de leur Promoteur & Secretaire, les Escoles, Maistres & Escoliers, & ensuitte de chaque visite, apres auoir deuëment remarqué les defauts d’vn chacun, assemblassent tous les Maistres & Aydes en vne conference, les Maistresses & Aydes en vne autre, pour marquer & corriger les defaus & contrauentions aux reiglements ordinaires reconnus en la visite. Or pour faire eslection desdits Maistres & Maistresses, Coadjuteur ou Aydes, il seroit encore à propos, qu’ils fussent choisis par vne douzaine de personnes notables, tant Ecclesiastiques que laïques ; que celuy, ou celle qui seroit arresté, fut receu auec lettre gratis par Monsieur le Prelat, Chantre, ou autre par luy preposé à cét effet, apres serment presté, de garder fidellement le reiglement ordinaire du lieu, à peine de destitution. Il y auroit encore deux choses à prendre garde, dont la première seroit, d’empescher que les places des Maistres ne fussent iamais venduës, ny resignées, moyennant telle conuention, mais que l’on y pourueut purement & simplement sur la demission, mort, ou destiturion du dernier possesseur. La seconde est, qu’il feroit fort à propos que l’on eut égard à tous ces coureurs de Villes, tant hommes, que femmes, qui sans aucune qualité ny capacité, vont mõstrer aux enfans dans les maisons, sans necessité, d’où il arriue qu’ils ne sont iamais bien instruits, n’y employant au plus qu’vn quart-d’heure pour les enseigner, cela ne devroit estre permis que pour les ieunes gens raisõnables, & non pour les enfans qui ont besoin de demeurer vn temps notable pour estre reiglés dans les mœurs & la Doctrine. Voyla, mon cher Lecteur, les causes qui m’ont esmeu à vous presenter le fruit de dixhuit années d’experience, & attendant qu’vne meilleure plume releue ce petit ouurage en vn autre stile, ie vous prie de l’agreer auec autant de Charité, que i’ay de vous le presenter comme vostre affectionné en Nostre Seigneur, I. de B. Prestre indigne.
’Ay leu les liures intitulés : Escole Paroissiale, ou la Methode facile pour enseigner Chrestiennement les enfans dans les Petites Escoles. Et les Instructions familieres en forme de Catechisme pour toutes les Solemnités de l’annee. Fait ce 2. Iuillet 1654.
Signé, M. GRANDIN.
E Roy par ses Lettres de Priuilege données à Paris le 14. iour de Iuillet 1654. Signées Tessier ; Sellées du Grand Sceau, a permis à Pierre Targa, Imprimeur ordinaire de l’Archeuesché de Paris, & Libraire Iuré de l’Vniuersité, d’imprimer, vendre & distribuer les Liures intitulés l’Escole Paroissiale, ou la Methode facile peur enseigner Chrestiennement les Enfants dans les Petites Escoles : Et les Instructions familieres en forme de Catechisme pour toutes les Solemnités de l’année. Faisant defences à tous Imprimeurs, Libraires & autres, de quelque qualité & condition qu’ils soient d’imprimer lesdits Liures, en vendre ny distribuer par le Royaume, païs & terres de son obeïssance, sans le consentement dudit Targa, sur peine aux contreuenans de confiscation des exemplaires, & de trois mil liures d’amende, despens, dommages & interests : Nonobstant clameur de Haro, Chartre Normande, prise à partie & lettres à ce contraires. Comme il est plus amplement porté par l’original des presentes.
20. Aoust 1654.
Roy, & registré an liure de la Communauté.