L’Encyclopédie/1re édition/VOÛTE

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VOÛTE, s. f. en Architecture, est un plancher en arc, tellement fabriqué, que les différentes pierres dont il est fabriqué, se soutiennent les unes les autres par leur disposition. Voyez Arc.

On préfere dans bien des cas les voûtes plates, parce qu’elles donnent à la piece plus de hauteur & d’élévation, & que d’ailleurs elles sont plus fermes & plus durables. Voyez Platfond, Plancher, &c.

Saumaise remarque que les anciens ne connoissoient que trois sortes de voûtes ; la premiere, fornix, faite en forme de berceau ; la seconde, testudo, en forme de tortue, & nommée chez les François, cul de four ; & la troisieme, concha, faite en forme de coquille.

Mais les modernes subdivisent ces trois sortes en un bien plus grand nombre, auxquelles ils donnent différens noms, suivant leurs figures & leur usage ; il y en a de circulaires, d’elliptiques, &c.

Les calottes de quelques-unes, sont des portions de sphere plus ou moins grandes ; celles qui sont au-dessus de l’hémisphere sont appellées grandes voûtes, ou voûtes surmontées : celles qui sont moindres que des hémispheres se nomment voûtes basses ou surbaissées, &c.

Il y en a dont la hauteur est plus grande que le diametre ; d’autres dont elle est moindre.

Il y a des voûtes simples, des doubles, des croisées, diagonales, horisontales, montantes, descendantes, angulaires, obliques, pendantes, &c. Il y a aussi des voûtes gothiques, de pendentives, &c. Voyez Ogives, Pendentives, &c.

Les voûtes principales qui couvrent les principales parties des bâtimens, pour les distinguer des voûtes moindres & subordonnées qui n’en couvrent qu’une petite partie, comme un passage, une porte, &c.

Double voûte, est celle qui étant bâtie sur une autre pour rendre la décoration extérieure proportionnée à l’intérieure, laisse un espace entre la convexité de la premiere voûte & la concavité de l’autre, comme dans le dôme de S. Paul à Londres, & de S. Pierre à Rome.

Voûtes à compartimens, sont celles dont la face intérieure est enrichie de panneaux de sculpture séparés par des plates bandes : ces compartimens qui sont de différentes figures, suivant les voûtes, & pour l’ordinaire dorés sur un fond blanc, sont faites de stuc sur des murailles de briques, comme dans l’église de S. Pierre à Rome, & de plâtre sur des voûtes de bois.

Théorie des voûtes. Une arcade demi-circulaire ou voûte étant appuyée sur deux piés droits, & toutes les pierres qui la composent étant taillées & placées de maniere que leurs jointures ou leurs lits prolongés, se rencontrent tous au centre de la voûte ; il est évident que toutes les pierres doivent être taillées en forme de coins, c’est-à-dire, plus larges & plus grosses au sommet qu’au fond ; au moyen de quoi elles se soutiennent les unes les autres, & opposent mutuellement l’effort de leur pesanteur qui les détermine à tomber.

La pierre qui est au milieu de la voûte, qui est perpendiculaire à l’horison, & qu’on appelle la clé de la voûte, est soutenue de chaque côté par les deux pierres contiguës précisément comme par deux plans inclinés ; & par conséquent l’effort qu’elle fait pour tomber, n’est pas égal à sa pesanteur.

Mais il arrive toujours que cet effort est d’autant plus grand, que les plans inclinés le sont moins ; de sorte que s’ils étoient infiniment peu inclinés, c’est-à-dire, s’ils étoient perpendiculaires à l’horison aussi bien que la clé, elle tendroit à tomber avec tout son poids, & tomberoit actuellement, à-moins que le mortier ne la retînt.

La seconde pierre qui est à droite ou à gauche de la clé est soutenue par une troisieme, qui au moyen de la figure de la voûte, est nécessairement plus inclinée à la seconde, que la seconde ne l’est à la premiere ; & par conséquent la seconde emploie dans l’effort qu’elle fait pour tomber, une moindre partie de son poids que la premiere.

Par la même raison toutes les pierres, à compter depuis la clé, emploient toujours une moindre partie de leur poids, à mesure qu’elles s’éloignent du centre de la voûte, jusqu’à la derniere, qui posée sur un plan horisontal, n’emploie point du tout de son poids ; ou, ce qui revient à la même chose, ne fait point d’effort pour tomber, parce qu’elle est entierement soutenue par le pié droit.

De plus, il y a un grand point auquel il faut faite attention dans les voûtes, c’est que toutes les clés fassent un effort égal pour tomber. Pour cet effet, il est visible que comme chaque pierre (à compter de la clé jusqu’au pié droit) emploient toujours moins que la totalité de leur poids ; la premiere n’en employant, par exemple, que moitié ; la seconde, un tiers ; la troisieme, un quart, &c. Il n’y a point d’autres moyens de rendre ces différentes parties égales, qu’en augmentant la totalité du poids à proportion ; c’est-à-dire, que la seconde pierre doit être plus pesante que la premiere ; la troisieme, que la seconde, &c. jusqu’à la derniere, qui doit être infiniment plus pesante.

M. de la Hire démontre quelle est cette proportion dans laquelle les pesanteurs des pierres d’une voûte demi-circulaire doivent être augmentées pour être en équilibre, ou tendre en en-bas avec une force égale ; ce qui est la disposition la plus ferme qu’une voûte puisse avoir.

Avant lui les Architectes n’avoient point de regles certaines pour se conduire, mais le faisoient au hasard.

La regle de M. de la Hire est d’augmenter le poids de chaque pierre au-delà de celui de la clé, d’autant que la tangente de l’arc de la pierre excede la tangente de l’arc de moitié de la clé. De plus, la tangente de la derniere pierre devient nécessairement infinie, & par conséquent son poids devroit l’être aussi ; mais comme l’infini n’a pas lieu dans la pratique, la regle revient à ceci, que les dernieres pierres soient chargées autant que faire se peut, afin qu’elles soient plus en état de résister à l’effort que la voûte fait pour les séparer : c’est ce qu’on appelle le dessein & le but de la voûte.

M. Parent a depuis déterminé la courbe ou la figure que doivent avoir l’extrados ou la surface extérieure d’une voûte, dont l’intrados ou la surface intérieure est sphérique, afin que toutes les pierres puissent être en équilibre.

La clé d’une voûte est une pierre ou brique placée au milieu de la voûte en forme de cône tronqué, & qui sert à soutenir tout le reste. Voyez Clé.

Les montans d’une voûte sont les côtés qui la soutiennent.

Pendentive d’une voûte, est la partie qui est suspendue entre les arcs ou ogives. Voyez Pendentive.

Pié droit d’une voûte, est la pierre sur laquelle est posée la premiere pierre qui commence à caver. Dans les arches on entend par pié droit, toute la hauteur des culées ou des piles depuis le dessus des fondemens & des retraites jusqu’à la naissance de ces arches. Voyez Pié droit.

Voûte, (Coupe des pierres.) voûtes annulaires, font des voûtes cylindriques en quelque sorte, comme si un cylindre se courboit en sorte que son axe devînt un cercle en le réunissant par les deux bouts. Le plan d’une telle voûte est un anneau aussi-bien que tous les rangs de voussoirs que l’on peut diviser en deux classes, en extérieurs & en intérieurs ; les extérieurs font ceux qui s’appuient sur le mur de la tour, & dont les lits en joints sont des surfaces coniques, dont le sommet est en en-bas ; les intérieurs sont ceux qui appuient sur le noyau qui est au milieu de la tour, voyez Noyau, & dont les lits en joints sont des surfaces coniques dont le sommet est en en-haut. Toutes ces surfaces coniques qui font les joints de lit, doivent passer par l’axe courbé du cylindre, comme aux voûtes cylindriques simples.

Tous les joints de tête, tant des voussoirs intérieurs que des extérieurs, doivent passer par le centre de la tour comme aux voûtes sphériques.

Voûtes cylindriques, sont celles dont les doelles imitent le cylindre ; leur construction est très-facile ; elles se réduisent à observer, que les joints de lit, c’est-à-dire leurs plans, passent par l’axe du cylindre, & que les joints de tête lui soient perpendiculaires & en liaison entre eux.

Voûtes coniques, sont celles dont la figure imite en quelque sorte le cône, comme sont les trompes. Il faut seulement observer pour leur construction, que les joints de lit passent par l’axe, & que les joints de tête soient perpendiculaires à la surface du cône.

Voûtes hélicoïdes ou en vis, sont des voutes cylindriques annulaires dont l’axe s’éleve en tournant autour du noyau : les joints de lit doivent suivre constamment l’axe du cylindre, & les joints de tête doivent y être perpendiculaires. Voyez au mot Noyau.

Voûtes mixtes & irrégulieres, participent toujours de quelques-unes des especes précédentes, auxquelles il faut les rapporter, comme nous rapporterons les voûtes hélicoïdes aux annulaires & aux cylindriques.

Voûte plane. Il y a en général deux manieres de les faire : si on avoit des pierres assez grandes pour pouvoir couvrit de grands appartemens, la voûte plane seroit bientôt faite ; il n’y auroit qu’à tailler la pierre A en biseau ou talud renversé ab sur les bords, ensorte que la pierre fût une pyramide tronquée & renversée, ainsi qu’elle est représentée dans la figure à la lettre A, & le haut des murs de la chambre en talud BCD pour servir de coussinets à la pierre A ; si on l’applique alors dans l’espece d’entonnoir BCDE, il est évident qu’elle ne pourra point tomber en-bas, à cause que l’ouverture de chambre est plus petite que sa grande base.

Mais comme on ne trouve pas de pierre assez grande pour faire les planchers d’une seule piece, on est obligé de les faire de différens morceaux, qui réunis font le même effet.

Supposons qu’au lieu de grandes pierres, on ne trouvât que des anneaux Q R S T, fig. 31. n°. 2. de différentes grandeurs, & percés à jour en talud mn, & ayant un talud renversé TV, en tout semblable au talud ab de notre grande pierre. Si on en met plusieurs les uns dans les autres, comme la fig. 31. le représente ; leur assemblage formera une voûte plate, que l’on pourroit comparer au marc dont se servent les orfevres. Mais comme on ne trouve pas non plus de pierre assez grande pour faire les anneaux d’une seule piece, on les fait de plusieurs parties, qu’il faut observer de poser en liaison. Voyez Liaison.

Tous les joints de cette sorte de voûte, tant ceux de lit (qui sont ceux qui séparent les anneaux les uns des autres), que ceux de tête, doivent concourir au sommet commun P des pyramides renversées, dont nous avons supposé les tronçons enfilés les uns dans les autres.

La figure L M N O, fig. 32. représente l’épure de cette sorte de voûte. Si la chambre étoit ronde, les rangs de claveaux seroient des tronçons de cône.

La seconde maniere de construire les voûtes plates est fondée sur une invention de Serlio, qui a donné une maniere de faire des planchers avec des poutrelles trop courtes pour être appuyées sur les murs de part & d’autre : c’est une certaine disposition qui consiste à les faire croiser alternativement, ensorte qu’elles s’appuient réciproquement le bout de l’une sur le milieu de l’autre, duquel arrangement on voit la représentation dans la fig. 33.

On ne peut douter que les voûtes plates de la seconde maniere n’aient été imitées de cette charpente ; car si on considere chaque parallélogramme de l’extrados comme une piece de bois, fig. 34. on verra qu’on a suppléé aux entailles & aux tenons de la fig. 33. par des taluds sur les côtés, & des coupes en sur-plomb sur les bouts ; les uns & les autres conservant toujours cette sorte d’arrangement, que les architectes appellent à batons rompus.

Mais ce qui rend l’invention de cette voûte plus ingénieuse que celle de la charpente, c’est que par le moyen de ces sur-plombs & de ces taluds prolongés, on remplit le vuide (qui reste entre les poutrelles), dans le parement inférieur, où l’on forme un plafond continu, tout composé de quarrés parfaits arrangés de-suite en échiquier, fig. 35. qu’on appelle en architecture en déliaison, ce qui en rend l’artifice digne d’admiration : il n’en est pas de même dans la surface supérieure, elle ne peut être continue, parce que les coupes des taluds restent en partie découvertes, de-sorte qu’il s’y forme des vuides en pyramides quarrées renversées a b c d e, fig. 36. qui représente l’extrados de cette voûte, dont l’inventeur est M. Abeille. Ces vuides donnent occasion de faire un compartiment de pavé agréable & varié, parce qu’on peut y mettre des carreaux différens de celles des premieres pierres.

Cette interruption de continuité a donné occasion au pere Sebastien & à M. Frezier, de chercher les moyens de remplir les vuides pyramidaux par des claveaux mixtes. Le pere Sebastien en a inventé dont les joints au talud sont des surfaces gauches, & M. Frezier en a trouvé de deux sortes, dont voici les exemples. A, fig. 37. n°. 2. représente un claveau vu par la surface inférieure. B, représente le même claveau vu par-dessus, & la figure 37. l’extrados de cette voûte.

L’autre maniere de voûte est représentée, fig. 38. l’extrados est tout composé de quarrés, lesquels sont précisement la moitié de ceux de la doelle. Un des claveaux est représenté par-dessus & par-dessous aux figures a & b, fig. 38. n°. 2.

Voûtes sphériques, sont celles dont la figure imite la sphere. Tous les claveaux ou voussoirs des voûtes sphériques, sont des cônes tronqués, ou des parties d’anneaux coniques, dont le sommet est au centre de la sphere. Les joints de lit sont des surfaces coniques dirigées au centre de la sphere, le plan des joints de tête doit passer par le centre.

Voûte à lunettes, (Architecture.) espece de voûte qui traverse les reins d’un berceau ; ou pour m’exprimer plus nettement, c’est lorsque dans les côtés d’un berceau d’une voûte, on fait de petites arcades, pour y pratiquer quelques jours, ou des vues : on la nomme lunette biaize, quand elle coupe obliquement un berceau, & lunette rampante, lorsque son ceintre est rompu. (D. J.)

Voûte médullaire, est le nom que les anatomistes ont donné à une portion du corps calleux, qui en se continuant de côté & d’autre avec la substance médullaire, qui dans tout le reste de son étendue est entierement unie à la substance corticale, & forme, conjointement avec le corps calleux, une voûte médullaire un peu oblongue, & comme ovale.

La voûte à trois piliers n’est que la portion inférieure du corps calleux, dont la face inférieure est comme un plancher concave à trois angles, un antérieur & deux postérieurs ; & à trois bords, deux latéraux & un postérieur.

Voûte du nez, voyez Nez.

Voûtes, (Hist. d’Allemagne.) on appelle voûtes en Allemagne, des endroits particuliers où se font les dépôts publics. Il y a communément deux voûtes : dans la premiere, on dépose les pieces des affaires qui n’ont pas été portées par appel à la chancellerie de la chambre de Spire, mais qui lui sont dévolues par d’autres voies. Tels sont les actes du fisc, ceux qui constatent ou qui renferment les mandats, les infractions de la paix, les violences, &c. La deuxieme voûte contient les actes des causes pendantes par appel, des attentats contre l’appel, des défauts, des compulsoires, des défenses. (D. J.)

Voûte ou Voutis, (Marine.) partie extérieure de l’arcasse, construite en voûte au-dessus du gouvernail. C’est sur cette partie qu’on place ordinairement le cartouche qui porte les armes du prince. Voyez Pl. III. Marine, fig. 1.