L’Encyclopédie/1re édition/SANGLIER

SANGLIER, s. m. aper, (Hist. nat. Icthiolog.) poisson de mer couvert d’écailles, & dont le corps est fort dur, presque rond & applati ; il a une couleur rougeâtre ; les yeux sont grands, le museau est long & mousse ; il y a sur le dos des piquans fort pointus, durs, long, & droits ; les premiers sont courts ; ceux du milieu ont le plus de longueur, & les derniers sont un peu plus grands que les premiers. Ce poisson a deux nageoires aux ouies & deux au ventre ; celles-ci sont garnies de forts aiguillons : il y a aussi au-dessous de l’anus trois aiguillons courts & pointus. Le sanglier differe principalement du porc, en ce qu’il n’a point de dents & que sa chair est bonne à manger ; au lieu que celle du porc a une très-mauvaise odeur & qu’elle est toujours dure. Rondelet, hist. nat. des poissons, l. part. liv. V. chap. xxvij. Voyez Poisson.

Sanglier, aper, (Hist. nat. Zoolog.) animal quadrupede de même espece que le cochon domestique & le cochon de Siam. Quoique ces animaux n’aient à chaque pié que deux doigts qui touchent la terre, & que ces doigts soient terminés par un sabot, ils different beaucoup des animaux à pié fourchu, non-seulement par la conformation des jambes & des piés, mais encore en ce qu’ils n’ont point de cornes, qu’ils ne manquent pas de dents incisives à la mâchoire supérieure, qu’ils ont des dents canines très-longues, connues sous le nom de défenses & de crochets, qu’ils ne ruminent pas, qu’ils n’ont qu’un estomac, &c. La partie du grouin du sanglier & des cochons, à laquelle on donne le nom de boutoir, est formée par un cartilage rond qui renferme un petit os. Le boutoir est percé par les narines & placé au-devant de la mâchoire supérieure. Cette partie, qui est le nez, a beaucoup de force ; ces animaux s’en servent pour fouiller dans la terre. Le sanglier a la tête plus longue, la partie inférieure du chanfrein plus arquée, & les défenses plus grandes & plus tranchantes que les crochets des autres cochons. Sa queue est courte & droite. Il est couvert, comme les cochons, de grosses soies dures & pliantes ; mais il a de plus un poil doux & frisé, à-peu-près comme de la laine ; ce poil est entre les soies & a une couleur jaunâtre, cendrée, ou noirâtre sur différentes parties du corps de l’animal, ou à ses différens âges. Tant que le sanglier est dans son premier âge, on le nomme marcassin ; alors il a des couleurs qu’il perd dans la suite, c’est ce que l’on appelle la livrée : elle est marquée sur le fœtus dès qu’il a du poil ; elle forme des bandes qui s’étendent le long du corps depuis la tête jusqu’à la queue, & qui sont alternativement de couleur de fauve clair & de couleur mêlée de fauve & de brun ; celle qui se trouve sur le garot & le long du dos est noirâtre. Il y a sur le reste de l’animal un mélange de blanc, de fauve & de brun. Lorsque le sanglier est adulte, il a le groin & les oreilles noirs, & le reste de la tête de couleur mêlée de blanc, de jaune & de noir dans quelques endroits. La gorge est roussâtre ; les soies du dos sont les plus longues, couchées en-arriere, & si serrées que l’on ne voit que la couleur brune roussâtre qu’elles ont à la pointe, quoiqu’elles aient aussi du blanc sale & du noir, dans le reste de leur étendue. Les soies des côtés du corps & du ventre ont les mêmes couleurs que celles du dos ; mais comme elles sont moins serrées, le blanc y paroît avec le brun ; les soies des aisselles & des aines sont roussâtres ; celles du ventre & de la face intérieure des cuisses sont blanches en entier, à l’exception de la pointe qui est rousse ; la tête & le bout de la queue & le bas des jambes sont noirs.

Quoique les sangliers soient fort gourmands, ils n’attaquent ni ne dévorent pas les loups ; cependant ils mangent quelquefois de la chair corrompue, mais c’est par nécessité. On ne peut nier que les cochons ne soient avides de sang & de chair sanguinolente & fraîche, puisqu’ils mangent leurs petits & même des enfans au berceau. Le sanglier & les cochons aiment beaucoup les vers de terre & certaines racines, comme celles de la carotte sauvage ; c’est pour trouver ces vers & pour couper ces racines qu’ils fouillent la terre avec leur boutoir. Le sanglier, dont la hure est plus longue & plus forte que celle du cochon, fouille plus profondément & presque toujours en ligne droite dans le même sillon ; au lieu que le cochon fouille çà & là & plus légerement. Pendant le jour le sanglier reste ordinairement dans sa bauge au plus fort du bois ; il en sort le soir à la nuit pour chercher sa nourriture : en été, lorsque les grains sont mûrs, il fréquente toutes les nuits dans les blés ou dans les avoines. Il est rare d’entendre le sanglier jetter un cri, si ce n’est lorsqu’il se bat & qu’un autre le blesse : la laie crie plus souvent. Quand ils sont surpris & effrayés subitement, ils soufflent avec tant de violence qu’on les entend à une grande distance.

Dans le tems du rut, le mâle demeure ordinairement trente jours avec la femelle dans les bois les plus solitaires ; il est alors plus farouche que jamais ; il devient même furieux, lorsqu’un autre vient occuper sa place ; ils se battent & se tuent quelquefois. La laie ne se met en fureur que lorsqu’on attaque ses petits ; elle ne porte qu’une fois l’an. Elle reçoit le mâle aux mois de Janvier & de Février, & met bas aux mois de Mai ou Juin. Elle allaite ses petits pendant trois ou quatre mois ; elle les conduit jusqu’à ce qu’ils aient deux ou trois ans. Il n’est pas rare de voir des laies accompagnées de leurs petits de l’année & de ceux de l’année précédente. La vie du sanglier peut s’étendre jusqu’à vingt-cinq ou trente ans. Il n’y a que la hure qui soit bonne à manger dans un vieux sanglier ; au lieu que toute la chair du marcassin & celle du jeune sanglier qui n’a pas encore un an est délicate & même assez fine. Les anciens étoient dans l’usage de faire la castration aux marcassins qu’on pouvoit enlever à leur mere. Après quoi, on les reportoit dans les bois où ils grossissoient plus que les autres, & leur chair étoit meilleure que celle des cochons domestiques. Hist. nat. gén. & partic. tom. V. Voyez Quadrupede.

Sanglier (Chasse du) Sa maniere de vivre & ses inclinations ressemblent beaucoup à celles des cochons domestiques. D’ailleurs les sangliers s’accouplent, multiplient avec les pourceaux, & le produit en est fécond. Mais une vie plus agreste, la nécessité de se défendre souvent, & sur-tout la liberté, donnent au sanglier des mœurs mieux caractérisées, dans lesquelles on reconnoît plus distinctement les inclinations de l’espece.

Le sanglier est plûtôt frugivore que carnassier ; cependant il est l’un & l’autre. Il vit de graines, de racines, de fruits ; mais il se nourrit aussi volontiers de chair. Il fouille avec son boutoir les terriers de lapins qui ne sont pas à une grande profondeur. Il détruit les rabouilleres, dévore les lapereaux & les lévrauts, sur-tout lorsqu’ils sont encore petits. Il évente les nids de perdrix, &c. mange les œufs, & souvent réussit à surprendre la couveuse.

On donne différens noms aux sangliers, en raison de leur âge. Les femelles sont toujours appellées laies ; elles entrent en rut dans le mois de Décembre, portent pendant quatre mois & quelques jours, & mettent bas depuis trois jusqu’à huit ou neuf petits : ces petits portent jusqu’à six mois le nom de marcassins ; & depuis cet âge jusqu’à deux ans, celui de bêtes rousses & de bêtes de compagnie. On donne le nom de ragot aux mâles entre deux & trois ans ; après cela, ils sont appellés sangliers à leur tiers-an, puis à leur quart-an ; après quoi on ne les connoît plus que sous le nom de grands vieux sangliers. C’est depuis trois jusqu’à cinq ans que les sangliers sont le plus à craindre, parce qu’alors leurs défenses sont extrèmement tranchantes. Après cela, ils deviennent mirés, c’est-à-dire que leurs défenses se courbent & sont moins incisives : mais la force & la hardiesse des vieux sangliers les rendent toujours fort redoutables.

Les sangliers, lorsqu’ils ont atteint trois ans, ne vivent plus en compagnie ; ils sont alors pourvus d’armes qui les rassurent ; la sécurité les mene à la solitude ; ils vont seuls chercher leurs mangeures, se raffraîchir au souillard (c’est-à dire se veautrer dans la boue) & se mettre à la bauge ; ils y dorment une partie du jour ; & vu la confiance qu’ils ont en leurs forces, il arrive souvent qu’on ne les en fait sortir qu’avec beaucoup de peine. Ce n’est que dans le tems du rut que la nécessité de chercher des femelles remet ces mâles en compagnie. Quant aux laies, elles vivent toujours en société ; elles s’attroupent plusieurs ensemble avec leurs marcassins & les jeunes mâles dont les défenses ne sont pas encore au point de leur rendre l’association inutile. Tous les sangliers qui composent ces troupes ont l’esprit de la défense commune. Non-seulement les laies chargent avec fureur les hommes & les chiens qui attaquent leurs marcassins ; mais encore les jeunes mâles s’animent au combat, la troupe se range en cercle, & présente par-tout un front hérissé de boutoirs.

Les sangliers ne sont point, comme les cerfs, les daims, les chevreuils, habitans presque sédentaires des pays où ils sont nés. Ils voyagent souvent, pour aller chercher des forêts où les vivres soient plus abondans ; ces émigrations se font ordinairement en automne, lorsque le gland ou la chataigne commencent à tomber ; & on cherche alors avec raison à se défaire de ces nouveaux hôtes. Le sanglier est très propre à faire un objet de chasse, parce que, sur-tout lorsqu’il est jeune, la chair en est bonne à manger, & que d’ailleurs cet animal est fort à redouter pour les récoltes. Tous les chiens le chassent avec beaucoup d’ardeur, & souvent cette ardeur leur est funeste. Le sanglier, lorsqu’il est chassé, & que la fuite commence à lui devenir pénible, va chercher d’épais haillers où il s’arrête. Alors malheur aux chiens trop hardis qui veulent l’aborder ; l’animal furieux se précipite sur tout ce qui se trouve devant lui. Il faut donc s’attendre à perdre beaucoup de chiens, lorsqu’on veut prendre à force ouverte de vieux sangliers mâles ; il faut du-moins être très-prompt à les secourir, & chercher à tuer le sanglier lorsqu’il tient. Ce secours ne se donne pas sans danger pour les hommes ; mais l’habitude & l’adresse à tirer diminuent beaucoup le péril, & ce péril même ajoute à l’intérêt, il rend la chasse du sanglier plus piquante qu’une autre. D’ailleurs il est toujours possible d’éviter ceux de ces animaux qui sont si dangereux pour une meute. On va en quête avec le limier, pour détourner le sanglier ; & il y a des connoissances par lesquelles les véneurs peuvent distinguer sûrement la bête qu’ils mettront devant leurs chiens. Premierement, nous avons dit que les sangliers se rembuchent seuls, lorsqu’ils ont atteint l’âge où ils deviennent dangereux ; & cette solitude est toujours une forte présomption, excepté dans le tems où les laies sont prêtes à mettre bas : alors elles se séparent aussi pour faire leurs marcassins, & on a besoin de marques distinctives pour les reconnoître. L’habitude fait appercevoir des différences sensibles entre la trace du sanglier & celle de la laie. Le sanglier a les pinces plus grosses, la sole, les gardes & le talon plus larges, les allures plus longues & plus assurées. On sait donc sûrement si la bête qu’on a détournée est une laie ou un sanglier ; & dans ce dernier cas, il est aisé d’aller, avec l’aide du limier, le tuer à la bauge.

Lorsque les chiens n’ont devant eux qu’une troupe de laies & de jeunes bêtes, il n’y a pas beaucoup de danger pour eux, & on tâche d’en séparer une, pour y faire tourner le gros de la meute. Cette chasse devient alors très-vive, parce que le sentiment de l’animal est fort, & qu’il ne multiplie pas les ruses ni les retours, comme font les animaux foibles. Si on chasse en pleine forêt, & sur-tout sous des futaies, on peut s’aider de mâtins vigoureux & exercés, qu’on place à portée des refuites du sanglier, & qui le coëffent. S’il y a des plaines à traverser, on joint à ces mâtins des lesses de levriers qui amusent l’animal, & donnent aux autres chiens le tems d’arriver. On peut attaquer de cette maniere les plus grands sangliers même, presque sans aucun danger.

Il y a une autre maniere de chasser ces animaux, mais qui exige trop d’appareil & de dépense pour être fort ordinaire. On environne de toiles une partie de la forêt où l’on s’est assuré qu’il y a des sangliers ; peu-à-peu on raccourcit l’enceinte, & on parvient enfin à resserrer assez étroitement les animaux qui s’y trouvent : alors on les attaque à coups de dards, d’épieu ou d’épée. En Allemagne, où cette chasse est plus commune, les Véneurs exercés se commettent ainsi avec les plus grands sangliers ; mais en France, lorsqu’on donne cette espece de fête, on a soin de ne laisser dans l’enceinte que ceux qui sont un peu plus traitables : sans cette précaution, la fête pourroit être tristement ensanglantée, parce qu’il faut que les chasseurs soient habitués de longue main à cette espece de combat, pour qu’ils puissent le risquer sans trop de desavantage. (M. le Roi.)

Sanglier, (Diete & Matiere médic.) la chair du sanglier, & sur-tout du sanglier fait, mais qui pourtant n’est pas vieux, & qui est gras, est assez tendre, quoique ferme, & il est facile, par une courte infusion dans le vinaigre, de la dépouiller absolument du goût qu’on appelle sauvage ou de venaison ; qu’elle ne differe à cet égard du bon bœuf ou du veau un peu fait, que parce qu’elle est un peu plus seche. Dans cet état elle n’est point difficile à digérer, elle convient aux hommes de tous les états, mais sur-tout à ceux qui menent une vie exercée, & il n’y a que les estomacs très-délicats qui s’en accommodent difficilement ; elle ne ressemble en rien à la chair du cochon domestique ; la graisse abondante dont cette derniere est pénétrée, & la fadeur de son suc, établissent manifestement cette différence.

Le jeune sanglier ou marcassin qu’on trouve assez généralement plus délicat, peut être regardé avec raison comme moins salutaire que le sanglier dont nous venons de parler.

Les chasseurs ont coutume d’enlever les testicules au sanglier dès le moment qu’ils l’ont tué, sans cette précaution tout l’animal contracteroit une odeur de bouquin qui le rendroit insupportable au goût.

Les dents de sanglier ou défences de sangliers, sont mises au rang des absorbans, mais sans qu’on puisse assigner aucune raison valable de la préférence qu’on leur donne sur celle de plusieurs autres animaux ; on leur attribue aussi les vertus imaginaires d’exciter les urines & les sueurs.

Les testicules, la graisse, le fiel de sanglier, &c. (car cette énumération revient toujours), ont aussi grossi la liste des médicamens, mais sont aujourd’hui absolument hors d’usage. (b)

Sanglier des Indes orientales, babyroussa, Pl. III. fig. 3. cet animal ressemble au cerf par sa grandeur, & au cochon par sa figure ; il a le museau alongé, la tête oblongue & étroite, les oreilles petites & pointues, les yeux petits ; la queue longue, frisée, & terminée par un bouquet de poils, & les jambes longues & déliées. Les poils du corps sont courts & laineux, & doux, à l’exception de ceux du dos qui sont plus rudes & soyeux ; ils ont tous une couleur blanchâtre ou brune mêlée de gris. Les dents canines de la mâchoire du dessus sont dirigés en haut à leur origine ; elles se recourbent en arriere, de façon que dans le dernier âge de l’animal leur extrémité aboutit au-dessous des yeux & perce la peau. Les dents canines de la mâchoire du dessous ressemblent à celles des sangliers. Regn. animal. pag. 110.

Sanglier du Mexique. Voyez Tajacu.