L’Encyclopédie/1re édition/SANCTUAIRE

SANCTUAIRE, s. m. (Gramm. & Théologie.) c’étoit chez les Juifs la partie la plus secrette, la plus intime, & la plus sainte du temple, dans la quelle étoit l’arche d’alliance, & où nul autre que le grand-prêtre n’entroit ; encore n’étoit-ce qu’une fois l’année au jour de l’expiation solemnelle.

Ce sanctuaire, qui est aussi appellé le saint des Saints, sancta sanctorum, étoit la figure du ciel, & le grand-prêtre celle de Jesus-Christ, le véritable pontife qui a pénétré les cieux pour être notre médiateur auprès de son pere.

On donnoit le même nom de sanctuaire, à la partie la plus sacrée du tabernacle qui fut dressé dans le desert, & qui subsista encore quelque tems après la construction du temple.

Quelquefois le nom de sanctuaire se prend en général pour le temple ou pour le lieu saint, pour le lieu destiné au culte public du Seigneur ; ce qui a fait penser à quelques auteurs, que le temple entier étoit appellé sanctuaire, & que le saint des Saints, étoit une chapelle ou oratoire placée dans le temple.

Peser quelque chose au poids du sanctuaire, est une expression usitée qui signifie examiner quelque chose avec la derniere équité ; parce que chez les juifs, les prêtres avoient des poids & des mesures de pierre qui servoient à régler toutes les autres. Voyez Poids du sanctuaire.

Sanctuaire, parmi les Catholiques, signifie la partie du chœur la plus voisine de l’autel, dans laquelle le célébrant & les ministres se tiennent pendant la messe ; elle est même ordinairement séparée du chœur par une balustrade, & les laïcs ne doivent jamais s’y placer.

Sanctuaire a été employé dans un sens particulier, sur-tout chez les Anglois, pour signifier les églises qui servoient d’asyles aux malfaiteurs, ainsi que cela s’est pratiqué jusqu’au regne d’Henri VIII. Les coupables étoient à l’abri de la recherche de leurs crimes, si retirés dans ces asyles, ils reconnoissoient leur faute dans l’espace de quarante jours, & se soumettoient eux-mêmes au bannissement. Si pendant ces quarante jours un laïc les chassoit de l’asyle, il étoit excommunié ; un ecclésiastique encouroit pour le même sait la peine d’irrégularité.

Du nombre de ces asyles ou sanctuaires, étoient les églises de saint Jean de Beverley, dans la province d’York ; celle de saint Martin le grand à Londres ; la cathédrale de Ripon aussi en Yorkshire, érigée en asyle par Withlafe roi de Mercie ; celle de saint Burien dans la Cornouaille, en vertu du privilége accordé par le roi Athelstan, en 936 ; & celle de Westminster, érigée en asyle par saint Edouard. Voyez Asyle & Franchises.