L’Encyclopédie/1re édition/RICIN

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RICIN, s. m. (Hist. nat. Botan.) ricinus, genre de plante dont la fleur n’a point de pétales ; elle consiste en plusieurs étamines qui sortent d’un calice, & elle est stérile. Les embrions naissent sur la même plante que les fleurs, mais séparément ; ils deviennent dans la suite un fruit à trois angles, composé de trois capsules, qui tiennent à un axe, & qui renferment une semence couverte d’une enveloppe fort dure. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez Plante.

Ricin, (Botan. exot.) petite amande cathartique, soit des Indes orientales, soit du Nouveau-monde. On trouve dans les boutiques de droguistes & d’apoticaires plusieurs sortes d’amandes purgatives sous le nom de ricin ; mais il y en a quatre principales en usage ; savoir, 1°. celle que l’on nomme la graine de ricin ; 2°. la noix des Barbades, autrement dite la fêve purgative des Indes occidentales ; 3°. l’aveline purgative du Nouveau-monde ; 4°. les grains de tilly, ou pignons d’Inde.

Je vais parler avec exactitude de tous ces fruits, & des arbres qui les produisent ; 1°. parce qu’il importe de connoître les remedes violens, afin de s’en abstenir, ou de ne les employer qu’avec beaucoup de lumieres ; 2°. parce qu’il regne une grande confusion dans les auteurs sur ce qui concerne ceux-ci ; 3°. parce que les livres de voyages ont encore augmenté la confusion, les erreurs, & les bévues.

De la noix purgative nommée graine de ricin. La premiere noix purgative s’appelle graine de ricin, ricini vulgaris nuncleus, catapultea major, κίκι & κροτὼν par Diosc. c’est une graine oblongue, de la figure d’un œuf, convexe d’un côté, applatie de l’autre, avec un chapiteau sur le sommet. Elle cache sous une coque mince, lisse, rayée de noir & de blanc, une chair médullaire, ferme, semblable à une amande blanche, grasse, douçâtre, âcre, & qui excite des nausées ; le fruit est triangulaire, à trois loges, & contient trois graines.

La plante qui porte ce fruit s’appelle ricinus vulgaris, C. B. P. 433. J. B. 3. 642. Raii, Hist. I. 166. Tourn. I. R. H. 532. Boerh. Ind. A. 2. 253. ricinus major, Hort. Eystet. cataputia major Park. Th. 182. Nhambu guacu Pis. 180. Avanacu, Hort. mal. 2. 57. mirasole par les Italiens, en françois le grand ricin, ou le ricin ordinaire, en anglois the common palma christi.

Sa tige est ferme, genouillée, creuse, haute de quatre coudées, & même davantage, branchue à sa partie supérieure ; ses feuilles sont semblables à celles du figuier, mais plus grandes, digitées, dentelées, lisses, molles, d’un verd foncé, garnies de nervures, & soutenues par de longues queues.

Les fleurs sont en grappes, portées sur une tige particuliere à l’extrémité des branches, arrangées sur un long épi ; elles sont composées de plusieurs étamines, courtes, blanchâtres, qui sortent d’un calice partagé en cinq quartiers, de couleur verte-blanche. Elles sont stériles, car les embrions des fruits naissent avec elles ; ils sont arrondis, verds, ornés de crêtes d’un rouge de vermillon, & se changent en des fruits dont les pédicules ont un pouce de longueur.

Ces fruits sont triangulaires, noirâtres, garnis d’épines molles ; ils ont la grosseur d’une aveline, & sont composés de trois capsules qui contiennent de petites noix ovalaires, un peu applaties, & ombiliquées à leur sommet. Elles sont couvertes d’un coque mince, noire ou brune, & remplies en-dedans d’une substance médullaire, blanche, solide ; semblable à celle de l’amande, d’une saveur douçâtre, âcre, & qui cause des nausées ; cette plante est commune en Egypte, & en différens pays des Indes orientales & occidentales.

Ses fruits abondent en partie d’une huile douce, tempérée, & d’une certaine portion d’huile plus tenue, très-âcre, & si caustique, qu’elle brûle la gorge ; c’est de cette derniere huile que dépend leur vertu purgative.

Si l’on pile, & si l’on avale trente grains de ricin, dépouillés de leur écorce, ils purgent, selon Dioscoride, la bile, la pituite, les sérosités, & ils excitent le vomissement ; mais cette sorte de purgation est fort laborieuse, par le boulversement qu’elle cause dans l’estomac. Mesué déclare qu’il n’en faut donner que dix ou tout au plus quinze grains, dans du petit-lait pour la sciatique ou l’hydropisie. Les habitans du Brésil, selon le témoignage de Pison, croient qu’il y a du danger d’en prendre plus de sept grains en substance, mais ils en prescrivent jusqu’à vingt grains en émulsion dans six onces d’eau commune ; cependant ils l’emploient très-rarement à cause de ses effets dangereux. Pierre Castelli raconte, dans ses lettres de médecine, qu’un jeune homme attaqué d’une grande douleur de tête, en avala la moitié d’une graine, qui lui causa l’inflammation de l’estomac, la fievre, la syncope, les convulsions, & la mort.

On émousse la qualité de ce fruit en le faisant rotir & griller. Pison propose la teinture de graine de ricin tirée avec l’esprit-de-vin ; mais on ne peut se fier à tous ces correctifs, & le plus prudent est de regarder cette amande comme un poison.

Les anciens tiroient une huile des graines du ricin, soit par expression, soit par décoction, qu’ils appelloient ῥίκινον ἔλαιον, huile de ricin ; c’est un bon digestif, dit Galien, parce que ses parties sont plus subtiles que celles de l’huile commune. Les habitans du Brésil en font usage extérieurement pour les ulceres, les apostumes, la gale, & autres maladies de la peau. Dioscoride prétend que cette huile prise intérieurement, purge les eaux par les selles, & chasse les vers hors du corps ; cependant le docteur Stubbs, dans les Transact. philosoph. n°. 36. assure que cette huile n’a point de vertu purgative.

De la seconde noix purgative, dite noix des Barbades. La seconde noix cathartique, est l’amande du grand ricin d’Amérique, ou plutôt du ricinoïde ; cette amande se nomme faba purgatrix Indiæ occiduæ, nux Barbados Anglorum. Raii hist. Pinhones indici, cod. med. 97. Quauhay-ohnatli, seu avellana cathartica ; Hern. 85. en françois, noix du ricinoïde, ou noix des Barbades ; en anglois, the american physick-nut.

C’est une graine oblongue, ovoïde, de la grosseur d’une petite fêve, convexe d’un côté, applatie de l’autre, cachant sous une écorce mince, noire, un peu dure, un noyau blanc, oléagineux, d’un goût douçâtre, âcre, & qui cause des nausées.

La plante est un ricinoïde dont voici les caracteres. Les fleurs mâles consistent en plusieurs feuilles, placées circulairement, & arrangées en forme de roses ; celles-là sont stériles. A quelque distance des fleurs, sur la même plante, naissent des embrions, enveloppés dans un godet, qui dans la suite deviennent un fruit tricapsulaire, contenant une graine oblongue dans chaque cellule.

Miller compte quatre especes de ricinoïde ; la principale est nommée ricinoides americana, folio gossypii. Tournefort, I. R. H. 656. Boerh. Ind. alt. 653. ricinus americanus major, semine nigro, C. B. p. 432. Mauduy-guacu Brasiliens. marg. 96. Pison 179 ; en françois le ricinoïde, le grand ricin d’Amérique, ou le médecinier de l’Amérique.

Cette plante touffue croît à la hauteur d’un arbre médiocre ; son bois est plein de moëlle, cassant, rempli d’un suc laiteux & âcre ; ses branches sont nombreuses, chargées de feuilles, placées sans ordre, semblables à celles du cotonnier, lisses, luisantes, & d’un verd-brun. Près de l’extrémité des branches il s’éleve des tiges inégales, longues quelquefois d’un demi-pié, qui portent un grand nombre de petites fleurs d’un verd-blanchâtre, disposées en parasol, composées de cinq pétales en rose, roulées en-dehors, placées dans un calice de plusieurs petites feuilles, & remplies de courtes étamines blanchâtres.

Ces fleurs sont stériles, car les embryons des fruits naissent entre elles. Ils sont enveloppés dans un calice, & ils se changent en des fruits de la grosseur & de la figure d’une noix encore verte, longs d’un peu plus d’un pouce, en maniere de poire, pointus aux deux bouts, attachés trois ou quatre ensemble, d’un verd foncé lorsqu’ils sont tendres, & ensuite noirs, sans épines, à trois loges qui s’ouvrent d’elles-mêmes ; chacune contient une graine ovalaire, convexe d’un côté, applatie de l’autre, couverte d’une coque noire, mince, contenant une substance médullaire, blanche, tendre, & douçâtre.

La petite amande de ce ricinoïde a une vertu surprenante de purger par haut & par bas ; elle agit plus violemment que le ricin ordinaire ; de sorte que trois ou quatre grains boulversent l’estomac avec tant de violence, qu’elles réduisent quelquefois le malade à deux doigts de la mort ; cependant Pison propose, dans les vieilles obstructions des visceres, d’en hasarder quelques-unes dépouillées de leurs pellicules, torréfiées légerement, & macérées dans du vin, en y ajoutant des correctifs aromatiques, mais en même tems il conseille de ne donner ce remede qu’avec de grandes précautions : il est plus court de ne le point donner du-tout.

Les Brésiliens & les Américains tirent des graines une huile fort utile pour les lampes ; on la recommande aussi pour résoudre les tumeurs, dissiper l’hydropisie anasarque, faciliter le mouvement des nerfs, amollir le ventre des enfans, en chasser les vers, guérir les ulceres de la tête, la gratelle, & autres vices de la peau, en en faisant des onctions ; mais nous avons des remedes externes beaucoup plus sûrs à employer dans tous ces divers cas.

Le médecinier d’Amérique vient de bouture plus vîte & mieux que de graine ; on le plante en haie à la Jamaique & aux Barbades où il est très-commun ; sa grandeur ordinaire est de quinze à vingt piés. Le bois est blanc, spongieux, & assez tendre, quand il est jeune. Il se durcit à mesure qu’il grossit. En vieillissant sa moëlle diminue, & laisse un vuide dans le centre ; son écorce qui au commencement étoit tendre, lisse, adhérente, & d’un verd pâle, devient blanchâtre, raboteuse, & crevacée. Il sort de l’écorce & du bois, lorsqu’on le coupe, aussi-bien que des feuilles, quand on les arrache, un suc de mauvaise odeur, âcre, laiteux, qui fait une tache fort vilaine sur le linge & sur les étoffes, & qu’il est difficile d’effacer.

Cet arbre, dans sa médiocre grosseur, ne laisse pas de pousser quantité de branches qui s’entrelacent facilement, & auxquelles il est aisé de donner tel pli que l’on desire, ce qui convient pour faire des lisieres capables d’arrêter les bestiaux dans les lieux qu’on veut conserver, & propres à diminuer l’impétuosité des vents.

De la troisieme noix purgative, dite aveline purgative du Nouveau-monde. La troisieme noix purgative, est une graine que l’on nous apporte d’Amérique, différente de celle des deux especes de ricins dont nous venons de parler, elle s’appelle avellana purgatrix novi orbis, en françois fruit du médecinier de la nouvelle Espagne, en anglois the spanish-physick-nut. Cette graine est de la grosseur d’une aveline arrondie, couverte d’une coque mince, pâle & brune : sa substance médullaire est ferme, blanche, douçâtre, d’un goût qui n’est pas différent de celui de la nosette.

La plante s’appelle médecinier de la nouvelle Espagne, en anglois the American-tree physick-nut, with a multifid leaf, en botanique ricinoides arbor americana folio multifido, I. R. H. 656. Boerh. Ind. A. 253. ricinus americanus, tenuiter diviso folio, Breyn. cent. 1. 116. Raii, hist. 1. 167.

Cette plante, dit le pere Plumier, a comme les autres arbres un tronc, & des branches, quoiqu’elles ne soient pas fort considérables ; son tronc est environ de la grosseur du bras, & haut tout-au-plus de trois ou quatre piés. Il est tendre, couvert d’une écorce cendrée à réseau, marqué de taches aux endroits d’où les feuilles sont tombées. Vers l’extrémité des branches sont des feuilles au nombre de six, ou de douze, qui se répandent de tous côtés, soutenues sur de longues queues, partagées en plusieurs lanieres, découpées, grandes quelquefois d’un pié, d’un verd blanchâtre en-dessous, & d’un verd plus foncé en-dessus. Près de l’origine des queues sont attachées d’autres petites feuilles dentelées fort menues, qui semblent hérisser l’extrémité des rameaux, de-là s’éleve une longue tige rouge, qui se partage en d’autres rameaux branchus, lesquels portent chacun une fleur ; il y en a de stériles & de fertiles.

Les fertiles sont plus grandes que les stériles, mais en plus petit nombre. Les unes & les autres sont en rose, composées de cinq pétales, ovalaires, soutenues sur un petit calice, partagé en cinq quartiers. Celles qui sont stériles contiennent des étamines garnies de leurs sommets de couleur d’or ; l’embryon des fleurs fer les est ovalaire, à trois angles, couronnés de stiles, dont les stigmats en forme de croissant sont de couleur d’or ; cet embryon se change ensuite en un fruit pyriforme presque de la grosseur d’une noix, revêtu d’une écorce tendre, jaune, à trois capsules, qui s’ouvrent d’elles-mêmes, & qui contiennent chacune une graine ronde, de la grosseur d’une aveline ; elle en a le goût, mais il faut s’en donner de garde, car elle purge très-violemment.

Lorsqu’on taille le tronc de cet arbre, ou même lorsqu’on en arrache les feuilles, il en sort une assez grande quantité de suc limpide, jaunâtre, & un peu visqueux. On cultive cette plante dans les îles de l’Amérique soumises au roi d’Espagne.

L’amande de ce fruit ne purge pas moins que les autres especes ; car une seule graine suffit pour produire cet effet. On la prend écrasée dans du bouillon, ou coupée par petites tranches très-minces, ou pilée avec deux amandes douces, & délayée dans de l’eau sous la forme d’émulsion. Nos voyageurs ajoutent, que si l’on fait cuire légérement dix ou douze feuillés de la plante, & qu’on les mange dans du potage, elles purgent sans tranchées & sans dégoût ; mais le plus sûr est de ne se point fier à de tels discours, & de n’employer en médecine, ni les feuilles, ni le fruit de cet arbre.

Il faut pourtant convenir que les especes de ricinoïdes dont nous avons parlé, sont dignes d’avoir place par la beauté de leurs fleurs, dans les jardins des botanistes. Les curieux pourront les élever en semant de leurs graines sur une couche préparée. Quand les plantes auront poussé, on les mettra dans un pot séparé, rempli d’une terre fraîche & légere ; l’on plongera ces pots dans un lit chaud de tan, qu’on observera de mettre à l’abri des injures de l’air jusqu’à ce que les ricinoïdes ayent pris racine, après quoi on leur donnera de l’air & de l’arrosement dans la chaleur de la saison.

Dès que les racines auront acquis de la force, on les transportera dans de plus grands pots remplis de même terre fraîche, que l’on plongera de-rechef dans un lit chaud de tan, gradué à la chaleur des ananas ; en les arrosant journellement, elles s’éleveront à trois ou quatre piés de haut, jetteront plusieurs branches, & donneront finalement de très-belles fleurs qui seront suivies de fruit. Ceux qui arrivent aux îles de l’Amérique, soit dans les colonies françoises, soit à la Jamaïque & aux Barbades, sont extrèmement satisfaits de la beauté des fleurs que portent les ricinoïdes, & se laisseroient tromper aux fruits qu’ils donnent, si on ne les avertissoit du danger d’en goûter.

De la quatrieme noix purgative, nommée grains de tilli. Voilà les pinei nuclei molucani, & grana tiglia de J. B. I. p. 322. Quanhayohaulti III. seu semina arboris cucurbitinoe, nuclei pini formâ purgante, de Hernandez 87.

Les grains de tilli sont des grains oblongs, ovoïdes, de la grosseur & de la figure de l’amande du ricin ordinaire, convexes d’un côté, un peu applaties de l’autre, marquées légerement de quatre angles, composées d’une coque mince, grise, parsemée de taches brunes, renfermant une amande grasse, solide, blanchâtre, d’un goût âcre, brûlant, & qui cause des nausées.

La plante s’appelle ricinus arbor, fructu glabro, grana tiglia dicto, parad. bat. prodr. Cadel. avenacu, Hort. malab. ij. 61. Lignum molucense, pavana dictum, fructu avellanæ, J. B. I. 342. Guayapala, seu ricinus arbor indica, caustica, purgans, Herm. mus. Zeyl. 15.

L’arbrisseau qui produit les graines de tilli, a des tiges simples qui naissent sans rameaux latéraux. Les fleurs sont ramassées en long épi au sommet de ces tiges. Il pousse de la tige quelques feuilles longues, ovalaires, pointues, lisses, finement dentelées, tendres, molles, avec une côte, & des nervures saillantes. Vers l’origine de chaque épi, il sort chaque année deux rameaux de même hauteur que la tige.

Les fleurs qui sont à la partie inférieure de l’épi, sont femelles & en grand nombre ; les fleurs mâles sont à la partie supérieures : elles ont huit pétales, seize étamines, sans calice, sans pistil & sans fruit ; les fleurs femelles ont un calice partagé en plusieurs parties, un embryon arrondi, triangulaire, à trois stiles. Cet embryon se change en un fruit qui est une capsule ronde à trois sillons & à trois loges, dont chacune contient une seule graine oblongue, lisse, luisante, cannelée, recourbée d’un côté, applatie de l’autre ; sa coque est mince, & renferme une amande blanche, grasse, huileuse, âcre & brûlante. On cultive cette plante dans le Malabar & dans quelques pays des Indes orientales.

Le bois & les graines sont d’usage en Médecine. Le bois qui s’appelle panava ou pavana, est spongieux, léger, pâle, couvert d’une écorce mince, cendrée, d’un goût âcre, & caustique, d’une odeur qui cause des nausées ; lorsqu’il est encore verd, il purge par haut & par bas, causant à l’anus une excoriation par son âcreté ; mais lorsqu’il est sec, il perd de sa violence, & si on le donne en petite dose, il excite la sueur. Paul Herman le recommande dans plusieurs maladies chroniques. Les graines agissent aussi puissamment que la coloquinte. Leur grande vertu paroit consister en deux petites feuilles qui germent les premieres, & qui sont cachées dans le milieu des graines ; on donne la substance de ces amandes dépouillée de l’écorce extérieure à la dose de trois grains en pilules, à cause de leur acrimonie brûlante. Aussi tâche-t-on d’en corriger la force avec de la réglisse, des amandes douces, du suc de limon, du bouillon gras, & choses semblables, ou bien en les torréfiant sous les cendres ; mais nos droguistes ont rarement des pignons d’Inde, & autres graines de ricins. Les Indiens préparent avec l’huile tirée des graines de tilli, une pommade dont la friction sur le bas-ventre purge les enfans délicats.

On trouve aux Indes orientales & occidentales, d’autres especes de petites noix purgatives outre les quatre dont nous avons parlé ; mais elles sont peu connues. Il est inutile d’avertir qu’il ne faut pas confondre à cause du nom, le pignon d’Inde avec le pignon doux. Ce dernier est une espece de petite amande, qui se trouve dans les pommes de pin ; elle est agréable à manger, & entroit autrefois dans presque tous les ragouts. On la nomme en latin pini nucleus. Voyez doux. (Botan.)

Le rikaion de l’Ecriture paroit être le grand ricin. Les plus habiles critiques pensent que le rikayon du prophete Jonas, est le premier ricin que nous avons décrit, le ricinus vulgaris nommé par les Arabes alkerva, par les Africains kerva, & par les Égyptiens kiki ; c’est le sentiment de plusieurs rabbins modernes, celui de Bochart, de Junius, de Piscator, de Mercerus, de Grotius, de Buxtorf, d’Ursinus, de Bremannus, & pour dire plus encore, de Melchior Guillandin, dont l’autorité est d’un grand poids en ces matieres. S. Jérôme moins éclairé en botanique que Guillandin, a traduit le terme hébreu rikaion par un lierre, & les septante par une courge. Voici le passage de Jonas, ch. iv. v. 6 : « l’éternel Dieu fit monter un rikaion au-dessus de Jonas, afin qu’il fît ombre sur sa tête, & qu’il le délivrât de son mal ; mais Dieu prépara un ver qui rongea le rikaion ; il se sécha, & périt ».

S. Augustin, epist. 71, raconte à ce sujet qu’un évêque d’Afrique ayant voulu introduire dans son diocèse la traduction de S. Jérôme, les assistans la rejetterent avec scandale, lorsqu’à la lecture du passage de Jonas, ils ouirent lire un lierre au lieu d’une courge qu’ils avoient toujours entendu lire. Ils consentirent avec peine de s’en rapporter pour l’interprétation du mot, aux juifs qui étoient dans la ville. Ceux-ci, par malice, par ignorance, ou par d’autres motifs, déciderent que le terme hébreu signifioit une courge. Alors l’évêque, pour retenir le peuple dans sa communion, ne se fit point de peine de reconnoitre que cet endroit de la traduction de S. Jérôme étoit fautif. Il l’étoit sans doute, aussi bien que celui de la version des septante ; mais le sage prélat montra beaucoup de bon sens dans sa conduite ; car qu’importe à la religion qu’on traduise rikaion par un lierre ou par une courge ? Et quant aux théologiens, qui loin de savoir sacrifier le petit au grand, anathématisent pieusement les autres hommes qui pensent différemment d’eux, ils me permettront de leur répéter le discours d’un pere de l’Eglise ; credite mihi, levia sunt propter quæ non leviter excandescitis, qualia quæ pueros in rixam & injuriam concitant. Nihil ex his quæ tam tristes agitis, serium, nihil magnum : indè, inquam, vobis ira est, quod exigua magnò estimetis. (Le chevalier de Jaucourt.)