L’Encyclopédie/1re édition/RHUME
RHUME, ou Catarre sur la poitrine, subst. m. (Médecine.) c’est une altération contre nature causée par une légere phlogose ou inflammation sur la trachée artere, le larinx ou les poumons ; ou une irritation produite par une sérosité qui tombe sur ces parties, qui blesse les fonctions qui en dépendent.
Généralement parlant, les catarres de poitrine ou rhumes, sont précédés de pesanteur de tête, engourdissement des sens, d’une grande lassitude ; il survient ensuite un sentiment de froid sur toute la surface du corps, & un léger frisson au dos. Souvent une grande difficulté de respirer, des douleurs vagues autour des épaules, & enfin un petit mouvement de fievre. Mais si le catarre est causé par une inflammation, les symptômes sont plus violens ; on ressent de l’ardeur, de la douleur, & tout le corps est comme en phlogose. Dans le catarre froid les humeurs sont plus visqueuses & plus grossieres, & le malade est saisi de froid.
Enfin on peut regarder le rhume en général comme une légere péripneumonie qui est prête à commencer.
Les causes éloignées du rhume sont les mêmes que celles du catarre. Voyez Catarre.
Le traitement doit être différent selon les causes & les symptômes.
1°. Les diurétiques & les sudorifiques avec les atténuans de tout genre, conviennent pour diviser les humeurs visqueuses, & faire couler celles qui sont trop lentes & en congestion.
2°. Les mucilagineux, les incrassans conviennent dans les rhumes produits par l’acrimonie & la chaleur de la sérosité.
3°. Les relâchans sont indiqués dans la tension, les humectans dans la sécheresse, les adoucissans dans la rigidité & l’aspérité de la gorge & la douleur. Les narcotiques & les anodins sont excellens dans tous les cas de douleurs & de spasmes qui accompagnent le rhume ; mais ces derniers demandent la saignée.
Si les premieres voies ou les secondes sont remplies de saburre, si le ventre n’est pas libre, les lavemens émolliens, les purgatifs, les émétiques doux sont indiqués.
Mais comme rien n’entretient davantage le rhume & les catarres, que l’abord de nouvelles humeurs sur la partie, la saignée qui les diminue, & la diete, sont aussi deux grands remedes dans ces cas. D’ailleurs, le rhume demande particulierement la saignée, parce que l’état naturel du poumon, qui reçoit autant de sang que le reste du corps, étant d’être dans une tension continuelle, il se trouve surchargé dans le rhume. Nous sommes d’avis que la saignée doit être souvent réitérée, mais à petite dose dans le rhume qui est accompagné de chaleur & de douleur ; au lieu que dans les rhumes séreux, nous pensons que la saignée peut aussi y être utile.
On doit donc éviter de se mettre en les mains de ces mauvais praticiens, de ces timides médecins, qui pour épargner le sang de leur malade, ou dans la crainte d’affoiblir la poitrine, comme ils disent, se gardent bien de saigner dans les rhumes, & laissent durer des années entieres des rhumes qu’une légere saignée suivie d’un purgatif & de quelques atténuans, eût guéri tout à coup.
Il ne faut pas moins redouter la pratique douce & la médecine emmiellée de ces médecins huileux, qui ne connoissent que les huiles d’amandes douces & de lin, les sirops de guimauve & de diacode dans tous les rhumes, qui n’ordonnent que des calmans, & qui n’ont jamais su employer les remedes atténuans dans les rhumes qui naissent cependant pour la plûpart de la viscosité de l’humeur bronchique. Ces assassins ne sont pas moins coupables que ceux qui emploient des remedes violens à tout propos ; les huileux & les remedes adoucissans & incrassans étant de vrais poisons dans le rhume, qui a pour cause le relâchement des bronches, l’épaississement du sang, l’obstruction des tuyaux bronchiques.
Ainsi la pratique doit varier autant dans le rhume, que les causes qui l’ont produit. Il est bon quelquefois d’employer les béchiques expectorans ; d’autres fois les sudorifiques, les alkalis volatils, les sels volatils huileux, & souvent les vésicatoires : les ventouses appliquées entre les épaules ont guéri des rhumes séreux, invétérés & incurables par toute autre voie.
Remarquez ici sur-tout qu’il arrive des rhumes par l’épaississement des humeurs, par le desséchement des fibres. C’est ce qui se voit dans ceux qui combattent à tout instant sous les étendards de Vénus, ou qui sacrifient très-souvent à Bacchus. Dans ces cas les remedes doivent être bien ménagés ; la diete restaurante est le plus grand secours.
Comme on rencontre par-tout des personnes qui cherchent des remedes formulés pour le rhumes, nous allons en marquer ici quelques-uns.
Looch commun adoucissant. Prenez du sirop de guimauve, de l’huile d’amandes douces, de chaque une once ; du blanc de baleine dissout dans l’huile ci-dessus, un gros : mêlez le tout ensemble pour un looch à prendre dans le rhume avec toux, par cuillerée ; & le laissant fondre dans la bouche, il atténue, il fait cracher ; il convient dans la toux avec chaleur modérée, dans la difficulté de cracher.
Looch anti-asthmatique, bon dans le rhume avec sérosité. Prenez du sirop d’erysimum, de lierre terrestre, de l’oxymel scillitique, de chacun une once ; du blanc de baleine dissout dans l’huile, un gros ; de poudre d’iris de Florence, de feuilles d’hyssope séchées, de chaque un scrupule : mêlez le tout pour un looch à prendre par cuillerée dans le rhume avec trop de sérosité, dans l’épaississement de l’humeur bronchique. Voyez Potion huileuse, Bechiques, Alterans, Expectorans, Peripneumonie.
Opiat restaurant dans le rhume. Prenez des poudres de feuilles de scordium, d’hyssope, de sauge, de mélisse & de cataire séchées, de chaque trois gros ; de confection alkermes, demi-once ; d’extrait de genievre & d’absinthe, de chacun six gros ; de sirop de karabé & de roses simples, de chaque une once & demie : faites du tout un opiat dont on donnera au malade trois gros par jour dans les rhumes avec expectoration lente, sans ardeur ni fievre aiguë.
On ordonnera par-dessus chaque, un verre de lait coupé avec l’eau d’orge. Voyez Catarre & Toux.
Rhume de cerveau, (Médecine.) la génération trop abondante de la mucosité nasale, & son changement morbifique ordinairement en une humeur tenue & âcre, quelquefois plus épaisse, accompagnée d’une légere inflammation des narines, de mal de tête, & de tout le corps, & souvent d’une légere fievre, s’appelle rhume de cerveau dans le langage ordinaire.
La suppression de la matiere de l’insensible transpiration déposée à la membrane du nez, paroît fournir la plus grande abondance de cette humeur.
De-là 1°. toutes les causes qui dérangent l’insensible transpiration, produisent tout d’un coup ce mal, sur-tout si la chaleur ou le mouvement du corps l’ont rendue plus âcre, & qu’ensuite un froid subit empêche cette matiere de s’exhaler : d’où il arrive que dans certains tems de l’année, dans les changemens de vents, & quand on se découvre le corps, autant de fois on est attaqué de rhumes de cerveau.
2°. La foiblesse naturelle dans cette membrane produite par l’âge ou par l’inspiration d’un air trop froid, est cause que cette humeur s’y amasse. 3°. L’abus des sternutatoires y attire cette sérosité.
L’humeur qui s’écoule y est d’autant plus mauvaise, qu’elle est plus tenue, plus abondante, plus chaude & d’une plus longue durée. L’épidémique qui arrive sans un changement manifeste de la qualité de l’air, est plus dangereuse. Celle qui est une suite de la foiblesse naturelle annonce la longueur de la maladie.
La secrétion plus abondante qui s’y fait de l’humeur en question, présente d’abord une mucosité & des crachats plus abondans ; elle détruit le sentiment de l’odorat, cause une respiration difficile dans le nez, une sensation de gravité à sa racine & aux parties antérieures de la tête, la dureté de l’ouie, la somnolence & la céphalalgie. 2°. Par son acrimonie, elle produit l’éternuement, la toux, la rougeur des narines, leur excoriation, la phlogose des yeux accompagnée de larmes plus abondantes ; quelquefois l’ozene & le polype. 3°. Quand le mal descend jusqu’à l’estomac, il détruit l’appétit & la digestion. Enfin lorsque la matiere se communique à toute l’habitude du corps, elle est suivie de fievre, de cachéxie & de paleur.
Dans le traitement de cette maladie on doit avoir recours aux diaphorétiques & aux sudorifiques pour attirer à la peau cette humeur & la faire sortir. Dans l’usage des topiques, il faut choisir ceux qui sont humectans, capables de couvrir la partie, de l’échauffer, & de la préserver de la pourriture, suivant la différence & l’acreté de l’humeur morbifique. Souvent les hypnotiques conviennent pour accélérer la coction de cette matiere. (D. J.)