L’Encyclopédie/1re édition/TOUX

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TOUX, s. f. (Physiolog.) mouvement sourd ou sonore plus ou moins violent, qui s’exécute par le moyen des organes de la respiration, lorsqu’il arrive que quelque chose incommode les poûmons, dont la nature tâche de se défaire. Voici le méchanisme de ce mouvement.

1°. L’air étant entré par l’inspiration est retenu quelque tems ; c’est l’irritation qu’on sent dans les poûmons, qui est cause qu’on retarde un moment l’expiration pour tâcher de faire sortir ce qui incommode ce viscere ; alors le muscle triangulaire par son mouvement, resserre subitement le thorax ; les fibres antérieures du diaphragme produisent le même resserrement qui presse le tissu pulmonaire ; les poûmons pressés violemment par diverses secousses, se vuident de l’air qu’ils contiennent dans leurs cellules ; l’air poussé à diverses reprises contre le larynx, y forme un son chaque fois qu’il va y heurter avec force : quand j’ai dit qu’on retarde un moment l’expiration pour faire sortir ce qui incommode les poumons, je n’ai pas prétendu que cela fût toujours volontaire ; je n’ai voulu expliquer que la toux qui est libre ; car lorsqu’il y a quelque violente irritation dans les poûmons, il survient dans le diaphragme des convulsions qui forment une toux qu’on n’est pas maître d’arrêter.

2°. Quand l’air sort avec violence, les matieres qui incommodent les poûmons sont enlevées, pourvu qu’elles se trouvent à son passage, & qu’elles puissent suivre ses mouvemens ; il arrive aussi que les diverses secousses que reçoivent alors les poûmons, font sortir les liqueurs arrêtées dans quelques couloirs où elles causoient de l’irritation : il se peut faire encore que le sang ou la lymphe arrêtée qui peuvent irriter les nerfs, viennent à reprendre leur mouvement par l’agitation du tissu des poûmons. Cependant si la toux continue long-tems, bien loin qu’elle fasse couler ces liqueurs, elle contribue à les arrêter ; car dans ces violens mouvemens dont elle agite les poûmons, les vaisseaux & les couloirs s’engorgent beaucoup ; le sang qui ne peut pas sortir librement non plus que quand on rit, forme enfin ces tubercules qu’on trouve dans les poumons des phthisiques.

3°. On remarque que quand on rit beaucoup, on tousse ; c’est une suite méchanique des mouvemens qui s’excitent alors dans les poumons ; dans le tems qu’on rit, le sang ne coule pas librement, comme nous l’avons remarqué ; il est extrèmement pressé dans ses vaisseaux par les diverses secousses dont nous avons parié ; or cela ne sauroit se faire que les nerfs qui sont dans la substance des poumons, ne soient irrités ; on ne doit donc pas être surpris s’il survient une toux.

D’ailleurs, il n’y a pas grande différence entre l’action par laquelle nous rions, & celle par laquelle nous toussons ; l’une & l’autre ne dépendent que de l’air qui sort par diverses secousses réitérées ; elles different 1°. par le changement du visage, & par l’affection qui ne caractérise que le ris ; 2°. dans la toux, l’air sort par la glotte ouverte, sans avoir eu le tems d’être changé, & dans le ris la voix sort par la glotte resserrée ; 3°. elles different encore en ce que les mouvemens sont plus violens dans la toux ; 4°. en ce qu’ils ne sont presque pas interrompus dans le ris. au lieu qu’ils le sont beaucoup dans la toux ; 5°. en ce qu’on ouvre plus le larynx quand on tousse, le cartilage thiroïde se baisse, & par-là l’épiglotte par sa pointe s’éloigne des cartilages arythénoïdes. Enfin, on met le larynx dans la situation où il est quand on fait une grande expiration.

On voit par-là que le bruit de la toux doit être sourd quelquefois ; mais si la toux est violente, l’air qui passera par la glote, y excitera un son qui sera fort ; & alors le cartilage thyroïde ne descendra point : le bruit sourd dont nous venons de parler, est celui que font les asthmatiques qui ne respirent qu’avec peine, & qui quelquefois retirent un peu en-arriere les angles de la bouche, comme quand on veut rire… Par la même raison qu’on tousse après avoir ri, on peut tousser après avoir chanté, crié, parlé long-tems ; le sang qui ne coule pas bien, irrite les poûmons.

4°. Les mouvemens déréglés qui arrivent au ventricule, produisent souvent la toux ; cela doit être ainsi, parce que la paire-vague donne des rameaux au poumon & à l’ésophage ; quand il arrivera donc une irritation dans l’un, elle se fera sentir dans l’autre ; aussi a-t-on remarqué qu’une toux opiniâtre a produit souvent des vomissemens. Quelquefois même il se fait de si grandes secousses en toussant, qu’on voit la dure-mere se mouvoir dans ceux qui ont perdu une partie du crâne. Joignons ici une observation de pratique ; l’opium si salutaire dans les toux convulsives, est funeste dans les toux dépuratoires, qui exigent une abondante expectoration. (D. J.)

Toux, tussis, la toux est un symptôme de plusieurs maladies, de la gorge, de la poitrine, & de l’estomac ; mais c’est le symptôme ordinaire de quelque embarras dans le poûmon. Elle consiste dans un effort violent que l’on fait pour expulser une matiere étrangere des bronches & du poumon ; par le moyen de l’augmentation de leur contraction ou de leur force convulsive ; ainsi la toux est précédée d’une violente inspiration, & accompagnée d’une expiration aussi fatigante.

Les causes de la toux sont tout ce qui peut empêcher l’air d’entrer librement dans le poumon, & d’en sortir avec aisance ; ce qui provient de plusieurs causes qui sont propres ou étrangeres au poumon. Les causes de la toux propres à ce viscere sont, 1°. l’engorgement des arteres & des veines, soit bronchiques, soit pulmonaires, par un sang épais, visqueux, ou gluant ; 2°. l’arrêt de la lymphe bronchiale dans les canaux qui lui sont destinés, produit par un défaut de transpiration, par une chaleur ou un froid excessif ; 3°. l’acrimonie du sang ou de la lymphe bronchiale ; 4°. la constriction spasmodique du poûmon ou des parties voisines ; ce sont-là les causes ordinaires de la toux pulmonaire, ou qui a sa premiere source dans le poûmon.

La toux a aussi des causes étrangeres au poûmon ; ainsi une salure acide, visqueuse, nidoreuse, qui enduit l’estomac, des rapports aigres, le vomissement habituel & accidentel, la crudité des alimens & du chyle qui se mêlent au sang dans le poûmon, l’acrimonie de la mucosité des amygdales du nez & des glandes du fond de la bouche, la sécheresse de l’air, sa chaleur, son humidité excessive, sont autant de causes de la toux, qui peuvent en agissant médiatement sur le poûmon, produire ce symptôme.

De-là vient que la toux est si ordinaire dans toutes les especes de dispnées, dans la pleurésie, la péripneumonie, & l’esquinancie ; mais quoi qu’elle soit un symptôme essentiel de ces maladies, elle se rencontre dans beaucoup de maladies, dont le siége est hors de la poitrine. Ainsi on voit souvent des toux causées par une affection spasmodique du larynx & de la gorge, dont la cause éloignée a son siége dans l’estomac, le foie, ou la matrice. De-là est venue la distinction de toux pectorale, de toux stomachale, & de toux gutturale.

Le diagnostic de la toux consiste à connoître ses especes & ses causes ; la gutturale & la symptomatique, de même que la sympathique, se connoissent par leurs signes ; la pectorale a les siens propres qui sont plus marqués, plus fâcheux. La toux seche est sans crachat, & accompagnée de douleur & de chaleur ; la toux humide est moins douloureuse & moins pénible.

Le prognostic de la toux varie selon le siége & ses causes ; la pectorale est la plus grave, & ne doit point être négligée ; elle désigne un rhume ou une fluxion, soit de sang, soit de pituite sur le poûmon ; ce qui peut avoir des suites fâcheuses.

Traitement de la toux. Rien n’est si commun que d’ordonner des huiles, des juleps adoucissans & béchiques dans la toux ; les praticiens ordinaires & communs s’en tiennent-là & pour lors ils font empirer des maladies qui n’auroient été rien, si on eût coupé la racine. Avant de penser à guérir la toux, on doit en examiner la cause ; sans cela on risque de tout perdre. Les remedes adoucissans, tels que les huiles, les mucilages, les loks, les émulsions, les syrops béchiques, les tablettes de guimauve, & autres pareilles, deviennent dangereuses, lorsque le rhume est symphatique. Si au contraire il est produit par une acrimonie du sang, une irritation des bronches, la sécheresse & la chaleur du poumon ; c’est le cas d’ordonner les béchiques simples & doux ; mais dans l’épaississement & la glutinosité soit de la lymphe, soit du sang, dans l’obstruction des canaux bronchiques, par une matiere froide, lente, & humide, on doit employer les béchiques incisifs & expectorans, les atténuans & apéritifs, les purgatifs & les émétiques.

D’où l’on doit conclure que les rhumes & la toux sont des maladies très-difficiles à guérir, & que les maladies chroniques de la poitrine & du poumon, qui dégénerent si souvent en consomption, sont pour la plûpart une suite de ces maladies légeres que l’on nomme toux & rhume, & que les ignorans traitent à la légere, sans en approfondir les causes, & sans en examiner les dangers. Les pilules de Morton, les baumes naturels & factices, les baumes de soufre, & autres préparations de cette nature, sont meilleurs que les remedes les plus vantés, dans la toux ; il n’est question que de modérer leur activité dans l’acrimonie & la grande ardeur de la poitrine. L’usage de ces remedes tempéré par le lait est un des grands spécifiques pour la toux. Voyez Rhume, voyez Béchique. (m)