L’Encyclopédie/1re édition/REGNICOLE
REGNICOLE, s. m. (Jurisprud.) ce terme pris dans son étroite signification, ne présente d’autre idée que celle d’une personne qui demeure dans le royaume.
Néanmoins dans l’usage on a attaché une autre idée au terme de regnicole ; & l’on entend par-là celui qui est né sujet du roi.
Cette qualité de regnicole, est opposée à celle d’aubain ou étranger.
Pour être regnicole dans le sens où l’on prend ordinairement ce terme, il ne suffit pas de demeurer dans le royaume ; le séjour que l’on y feroit, quelque long qu’il fût, ne donneroit pas la qualité de regnicole à celui qui seroit aubain.
La naissance est le seul moyen par lequel on peut devenir vraiment regnicole : car on n’est regnicole que quand on est naturel du pays, & que l’on est né sujet du roi.
On distingue donc celui qui est sujet & citoyen d’un pays, de celui qui n’en est simplement qu’habitant, & l’on donne ordinairement pour principe de cette distinction la loi 7. au code de incolis, qui porte que cives origo, domicilium incolas facit.
Les Romains appelloient donc citoyens, ceux que nous appellons regnicoles ; mais ils avoient des idées différentes des nôtres sur ce qui constitue un homme citoyen ou regnicole.
La naissance faisoit bien le citoyen, mais cette qualité de citoyen ne dépendoit pas du lieu où l’enfant étoit né ; soit que sa naissance dans ce lieu fût purement accidentelle, soit que ses pere & mere y eussent constitué leur domicile ; le fils étoit citoyen du lieu d’où le pere tiroit lui-même son origine : filius civitatem ex quâ pater ejus naturalem originem ducit, non domicilium sequitur, dit la loi adsumptio, §. filius, ff. ad municip. & de incol.
Pour connoître l’origine du fils on ne remontoit pas plus haut que le lieu de la naissance du pere : autrement, dit la glose, il auroit fallu remonter jusqu’à Adam.
La naissance de l’enfant dans un lieu ne le rendoit donc pas pour cela citoyen de ce lieu ; il étoit citoyen du lieu où son pere étoit né, & ce pere tiroit lui-même son origine non du lieu où il étoit né, mais de celui de la naissance de son pere ; de sorte que le fils étoit citoyen romain si son pere étoit né à Rome, & celui-ci étoit citoyen de Milan, si son pere étoit né à Milan.
Le domicile du pere dans un lieu au tems de la naissance de l’enfant, n’entroit point en considération pour rendre l’enfant citoyen de ce lieu-là ; parce que, comme dit la loi 17. ff. ad municip. in patris personâ, domicilii ratio temporaria est : le domicile actuel étoit toujours regardé comme purement accidentel & momentané.
En France la qualité de regnicole s’acquiert par la naissance, & ce n’est point le lieu de l’origine ni du domicile du pere, que l’on considere pour déterminer de quel pays l’enfant est citoyen & sujet, c’est le lieu dans lequel il est né ; ainsi toute personne née en France, est sujette du roi & regnicole, quand même elle seroit née de parens demeurans ailleurs, & sujets d’un autre souverain.
Les droits attachés à la qualité de regnicole, sont les mêmes que les droits de cité : ils consistent dans la faculté de plaider en demandant sans donner la caution judicatum solvi, à pouvoir succéder & disposer de ses biens par testament, posséder des offices & des bénéfices dans le royaume.
Au contraire les aubains ou étrangers sont privés de tous ces avantages, à-moins qu’ils n’ayent obtenu des lettres de naturalité ; auquel cas ils deviennent regnicoles, & sont réputés naturels françois. Voyez Bacquet, du droit d’aubaine, chap. j. & les mots Aubain, Aubaine, Etranger, Naturalisation, Naturalité. (A)